M. Lachkar (avatar)

M. Lachkar

Médecin, écrivain

Abonné·e de Mediapart

140 Billets

1 Éditions

Billet de blog 17 septembre 2010

M. Lachkar (avatar)

M. Lachkar

Médecin, écrivain

Abonné·e de Mediapart

De retour de Makkah

M. Lachkar (avatar)

M. Lachkar

Médecin, écrivain

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Voilà, je suis de retour chez moi depuis quatre jours, rempli de sérénité et de quiétude après un fantastique voyage qui nous a amené ma femme et moi à Medine et à Makkah.

Nous avons le sentiment, que nous avions accompli notre devoir religieux tel que nous l’avions programmé et que nous avions réalisé notre rêve de revoir ces lieux sains comme nous l’avions souhaité. Nous ne pouvons que louer Dieu et le remercier pour les bienfaits dont Il nous a comblé durant tout notre séjour.

Pendant trois semaines, nous avions été coupé du monde extérieur. Pas de journaux, pas d’Internet, pas de livres sauf le Coran qui nous accompagnait vingt quatre heures sur vingt quatre. Pas d’amis non plus, nous tenions à rester seuls pour ne pas perdre de temps dans des banalités. Nous étions quand même en contact avec nos enfants en leur téléphonant tous les deux ou trois jours pour les rassurer que nous nous portions bien.

Notre combat quotidien était de partir tôt à la Mosquée pour prendre une place bien située face à la Kaaba. Notre temps était partagé entre les prières et les lectures du Coran. J’ai eu le temps et la possibilité de relire trois fois le livre sacré. Je tenais à le comprendre et à l'assimiler non pas dans un but intellectuel mais plutôt pour en faire mon guide dans la vie. Ceci me permettait aussi de suivre aisément les lectures de l’Imam pendant les prières nocturnes qui duraient plusieurs heures.

Un des moments forts de notre présence dans la Mosquée, était la rupture de jeûne collectif, une occasion exceptionnelle de partage et de solidarité entre tous les pèlerins quelque soit leur statut : quelques dattes et un verre d’eau de Zamzam nous permettent de rassasier notre faim et d’assouvir notre soif.

Deux événements majeurs ont marqué notre séjour :

D’abord, il y a eu la Nuit du Destin avec la présence au moins de 3 millions de pèlerins. La prière a été dirigée par l’imam le plus prestigieux du monde musulman Assoudaissi. Il avait terminé les prières en apothéose par des implorations qui ont duré une demi heure exactement. Pendant qu’ Assoudaissi, avec sa voix douce, suppliante et entrecoupée de sanglots, implorait la clémence divine, glorifiait Dieu et le remerciait pour ses bénédictions et ses faveurs ; les pèlerins, debout, les yeux et les mains levés vers le ciel répétaient Ameen. Les uns comprenaient l'arabe et suivaient le discours interminable de l'imam, beaucoup d'autres venus de pays non arabes d'Afrique, d'Asie et d'Europe ne comprenaient pas l'arabe mais réagissaient émotionnellement de la même manière que les autres. Certains ne se contenaient pas et finissaient par rentrer dans une sorte d’hystérie collective. A la fin il faut retrouver le chemin pour rentrer chez soi. Je me demande encore aujourd’hui comment on faisait avec une foule pareille et une chaleur qui dépassait les 40°. Nous mettions des fois presque vingt minutes pour rejoindre notre hôtel qui pourtant ne se trouvait pas loin de la Mosquée. Les pèlerins, en absence d’un service d’ordre digne de ce nom, se serraient les uns contre les autres, se poussaient, se bousculaient même, mais jamais ils ne se disputaient ni s’insultaient, par respect à la sacralité des lieux.

Ensuite il y a eu la prière de l’Aid qui marque la fin du mois de Ramadan. Pour garder notre place, nous étions obligés de rester sur les lieux après la prière du Sobh qui a eu lieu deux heures au paravent. Les gens étaient gais et joyeux, certains se préparaient déjà pour rentrer chez eux. Le Discours de l’Imam avait une connotation très politique. Il a regretté la situation pas très agréable dans laquelle se trouvent les musulmans. Il a évoqué aussi la tentative de brûler le Coran de la part d'un prêtre américain .Pour lui, la solution et les réponses aux défis lancés à la Oumma seraient le retour à la voie tracée par la Sira du Prophète, une voie marquée par la modération et le juste milieu.

Enfin était arrivé le jour de notre départ, le dimanche 12 septembre. Nous devions accomplir le Tawâf d’adieu autour de la Kaaba qui va marquer la fin de notre séjour. Nous l’avions fait immédiatement après la prière de Sobh. Le taxi qui devait nous ramener à l’aéroport de Jedda nous attendait à 8 heures du matin. Notre vol pour l’aéroport d’Oujda était prévu à 13h50. Notre avion n’a pu décoller que le lendemain lundi à 7h30 du matin. Il faut reconnaître que le voyage du retour était une véritable rupture par rapport à tout ce que nous avions laissé derrière nous. A l’aéroport de Jeddah, nous avions passé des moments très difficiles et dans un chaos total. Nous avions eu la chance par rapport aux autres pèlerins, de ne rester abandonnés à notre sort que 24 heures, sans manger et sans dormir, à attendre notre avion. Il fallait s’armer de beaucoup de force et de patience pour surmonter ces événements pénibles. C’est encore la face cachée de ce pays désorganisé où se côtoient des signes de la postmodernité avec d’autres qui rappellent le temps des bédouins. Je n’ai pas pu m’empêcher de prendre des photos pour fixer des scènes à ne pas raconter. Je ne dirais pour le moment, rien de plus à ce sujet.

Aujourd’hui, quatre jours après notre retour, la reprise de la vie normale est lente et difficile. Les prières et les implorations face à la Kaaba nous manquent déjà. Elles nous tiennent toujours à cœur. Nous n’avons qu’une seule envie, c’est de refaire ce voyage l’année prochaine. C’était d’ailleurs notre dernière demande au Seigneur pendant le Tawaf d’adieu au départ de Makkah. « Faites que ce ne soit pas la dernière fois que je rende visite à votre Maison ! ».

Et comme promis, nous avons prié pour tous les nôtres, pour nos amis, les proches et les lointains et pour tous les humains sans oublier nos amis et lecteurs de Mediapart : que la paix et la justice règnent sur la terre, Ameen.

Dr Mhamed Lachkar

Alhoceima ( Maroc) le 17 septembre 2010

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.