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Billet de blog 1 juin 2011

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Rencontre inédite avec les auteurs de «Facebook m'a tuer»

Madamedub.com: Racontez-nous la genèse de cet ouvrage? Qu'est-ce qui après L'open space m'a tuer vous a donné envie de vous pencher sur cette «problématique» Facebook?

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Madamedub.com: Racontez-nous la genèse de cet ouvrage? Qu'est-ce qui après L'open space m'a tuer vous a donné envie de vous pencher sur cette «problématique» Facebook?

Alexandre des Isnards & Thomas Zuber : On trouvait étrange de nous entendre dire entre amis : "je n'ai pas de visibilité sur mes vacances", ou "désolé, je suis booké ce week-end". En sortant de l'open space, la course se poursuit après 20 heures. On "gère" nos amis, on est "aux taquets, addict à l'urgence, bref, on ne vit plus on gère.
Et Facebook est le symbole de la fin de cette frontière entre vie privée et vie professionnelle où se mélangent amis, collègues, et membres de la famille et où tout le monde se compare. Sur Facebook, comme en open space, nous sommes en représentation, il faut s'y montrer sous son meilleur profil, véhiculer une image positive. Ces nouvelles comédies humaines sont passionnantes à analyser.

Madamedub.com : Comment envisagez-vous la continuité entre vos deux ouvrages ? Facebook pouvant finalement s'apparenter à un prolongement de l'open space dans la sphère privée.

Alexandre des Isnards & Thomas Zuber : Oui, Facebook est une extension de l’open space à nos vies privées, une panoptique où tout le monde surveille tout le monde. Comme on ne sait pas qui nous regarde, ni quand on nous regarde, on assure son image pour ne pas être pris en défaut. Dans les deux cas, nous sommes dans le royaume de l'hyper transparence qui conduit au conformisme social. En open space, le fait de sentir surveillés nous incite à calquer notre attitude sur celles des autres. Sur Facebook, on se montre sous son meilleur profil pour épater ses amis et ne froisser personne.

Madamedub.com : Facebook m'a tuer se revendique de ne pas être une étude sociologique. Pourtant en de très nombreuses occasions vous en empruntez le vocabulaire.
La limite a t-elle été délicate à définir et à maintenir ? Comment pensez-vous, vous être affranchis de cet obstacle ?

Alexandre des Isnards & Thomas Zuber : Pour notre livre, nous avons rencontré beaucoup de personnes proches et moins proches. Nous avons également lu des ouvrages de sociologues, de philosophes, de romans sur la problématique des réseaux sociaux. Donc il doit y avoir de la sociologie qui imprègne ce qu'on a raconté, sûrement.
Sans avoir de méthode sociologique stricto sensu, le livre s'apparente à de la sociologie illustrée. Nos petites histoires visent un effet miroir qui complète les théories sociologiques.

Madamedub.com : Y a-t-il de vous dans les portraits que vous dressez ? Quelle utilisation faites-vous des réseaux sociaux ?

Alexandre des Isnards & Thomas Zuber : Bien sûr! C'est pour cela que dans la satire que nous faisons, nous sommes les premiers visés et nous mettons en scène nous-meme. Nous ne faisons pas la leçon car nous sommes les premiers intoxiqués par ce que nous écrivons. D'ailleurs nous connaissons nos défauts respectifs par coeur car nous sommes amis dans la vie.

Je (Thomas zuber) suis un ultra connecté à mon iPhone toujours en attente d'un SMS, d'un appel ou d'un email. Cet objet constitue mon point d'ancrage dans mes nombreux déplacements entre Paris et Toulouse.

Je (Alexandre des Isnards) suis un adepte de l'errance numérique sur Facebook. Je consulte le fil d'actualités de mes amis pour prendre des nouvelles et m'arrête sur le langage utilisé. J'y passe beaucoup de temps. Pour le livre j'ai aussi joué à Farmville et suis vite devenu addict.

Madamedub.com : Facebook, ce ne sont pas seulement des trentenaires seuls chez eux le soir. C'est aussi une force capable de mobiliser autour des révolutions dans les pays du Maghreb, comme une niche pour certains groupuscules extrémistes, …
Aviez-vous une ligne éditoriale spécifique lorsque vous avez décidés d'écrire ce livre ? Comment s'est faite la sélection parmi tous les sujets que vous aviez l'opportunité d'aborder ?

Alexandre des Isnards & Thomas Zuber : Il est vrai que Facebook a été un instrument de mobilisation de rue formidable dans le printemps arabe mais cela peut aussi être un instrument d’oppression comme au Soudan récemment. C'est un long débat, mais certains pays réussissent à contrôler Facebook et d'ailleurs Facebook lui-même ne se revendiquent pas nécessairement comme un outil de libération par peur de refroidir les marché des dictatures qu'il convoite (surtout la Chine).
Nous avons choisi de décrire les modes de vie numériques de nos démocraties qui d'ailleurs n'ont pas vraiment discuté de la mobilisation arabe sur Facebook mais plutôt de notre quotidien le plus plat. Sur Facebook les débats sont rares car comme on l'a dit les trentenaires mais aussi les vingtenaires, les seniors, les ados ne débattent pas, ne parlent pas du fond sur Facebook. C'est une espace récréatif et il ne faut froisser personne comme on a dit. Surtout on y passe tous du temps et c'est intéressant de décrire ce qu'on y fait.
Nous sommes toujours partis de faits, de scène, de bouts de dialogue tous réels mais recomposés dans un récit réaliste.

Madamedub.com : Certains lecteurs s'interrogent quant à la "fictionalisation" de vos nouvelles. Avez-vous eu l'impression de dresser des portraits types dans cet ouvrage ? Et ainsi de parler au plus nombreux ? Où avez-vous choisi les anecdotes les plus marquantes ?
Finalement, peut-on (même s'il s'agit plus d'un instantané que d'une étude sociologique) déduire de votre ouvrage des "normes" de nos comportements sur ces réseaux ?
Alexandre des Isnards & Thomas Zuber : Il y a 34 saynètes donc 34 récits entièrement composés de réel mais assemblées en histoires. C'est de la fiction, oui, orientée, c'est vrai. Ces récits tiennent lieu de mini contes sociologiques. Chaque histoire représente un type de comportement que l'on a retrouvé un peu partout. On a évité les histoires spectaculaires : pas de licenciement, pas de meurtres liés à Facebook, mais le quotidien le plus courant sur Facebook et ailleurs.
On a tout attrapé : bout de tchat, expressions, statuts, conversations, et parfois même enregistré les gens (avec leur accord ensuite).
Par ailleurs, nous prenons position. La thèse globale de ce livre est donnée en introduction : les nouveaux moyens de communications révèlent ce que nous sommes mais ces moyens ne sont pas neutres et ne dépendent pas que de l'usage que l'on en fait, ils transforment nos vies insidieusement et en profondeur.
Prises individuellement, ces saynètes s'apparentent à des anecdotes ou des portraits types, c'est vrai. Rassemblées dans ce livre, elles visent à démonter la mécanique des rapports humains dans une époque dominée par les injonctions à la visibilité. Elles sont là pour déranger, mais en aucun cas normer. Nous ne disons pas de renoncer à Facebook, ni de jeter son iPhone, mais il est bon de rire ou de réfléchir à nos façons de s'en servir, non ? Le débat est lancé et c'est ce qu'on voulait.

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