Certaines n’avaient jamais vu la mer… Mais pourtant elles s’étaient engagées sur la foi d’échanges épistolaires à un mariage avec un japonais parti chercher une vie meilleure aux États-Unis… Banquier, hommes d’affaires, comptables, toutes rêvaient de cet horizon nouveau promis par leur fiancé aventurier, celui là qui les arracherait à leur vie paisible à la campagne, ou à une existence austère en ville… Toutes n’étaient pas heureuses, mais toutes s’étaient embarquées avec la confiance de leur jeunesse. Ces jeunes japonaises découvrent en Amérique une réalité bien différente; des époux tout aussi laborieux et pauvres que la famille à qui elles ont dû dire adieu malgré elles, des conditions de travail éprouvantes, une vie maritale contraignantes, et une situation sociale d’étrangers et parfois de parias.
Certaines s’investissent et parviennent à s’intégrer. Certaines y échouent et demeurent des îles au milieu d’un océan qui leur est hostile. Certaines ont des enfants et découvrent le bonheur de fonder un foyer à elles malgré tout. D’autres y échouent. Certaines aiment. D’autres meurent. Parfois d’épuisement. Parfois épuisées elles mettent fin à leurs jours…
Julie Otsuka raconte d’une voix mélodieuse le destin de ces femmes. Une voix qui est multiple, qui retrace le parcours d’un peuple, de femmes placées par les aléas de leurs existences à un carrefour difficile d’une histoire qui les dépasse.
En 1941, la base aérienne de Pearl Harbor est bombardée. Les Japonais deviennent des ennemis, objets de méfiance et de rejet. Exclues, menacées, violentées, certaines de ces femmes essaient de fuir, de veiller sur les leurs, de survivre. C’est la voix de ce combat silencieux, mené par des personnes simples et courageuses, que l’auteur essaie de rendre dans ce beau roman, couronné en 2012 du Prix Femina étranger.
Le choix du titre, « Certaines n’avaient jamais vu la mer » transmet un peu de la naïveté de ces japonaises, mariées à un destin qu’elles n’auraient pu imaginer. Ce livre redonne vie, ou rend audible, le chant triste de celles qui ont souffert en silence, et que l’Histoire oublie souvent.
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