
Eliette Abécassis vient de publier son dernier livre aux éditions Albin Michel, « Et te voici permise à tout homme ».
Née en 1968, fille du philosophe Armand Abécassis, elle devient elle-même professeur de philosophie, et se consacre finalement à sa carrière d’écrivain.
Récemment son livre « Un heureux évènement » a été adapté à l’écran.
Pour www.madamedub.com elle répond à nos questions sur les grands thèmes de « Et te voici permise à tout homme ».
MadameDuB.com :Votre livre raconte le combat d’une femme juive pour obtenir le divorce religieux de son mari, « le guet ». Avez-vous rencontré beaucoup de femmes dans cette situation pour la rédaction de ce livre?
Eliette Abécassis: Oui, j’ai rencontré beaucoup de femmes, j’ai entendu de nombreuses histoires, et j’ai beaucoup travaillé avec le Professeur de droit hébraïque Liliane Vana, qui est spécialiste de la question et qui défend les femmes.
MadameDuB.com :Comment expliquez-vous que cet aspect de la religion juive soit si peu connu? Parce que c’est un tabou, personne n’en parle. Et le silence ne sert pas la cause des femmes.
Eliette Abécassis: Je pense que même si certaines tentent de faire quelque chose, d’autres ont peur de parler et d’agir.
MadameDuB.com : Aujourd’hui beaucoup de chercheurs, des femmes notamment, se penchent sur les textes religieux, et réalisent que les traductions qu’en font les hommes, jouent pour beaucoup dans la transmission des textes sacrés. Nous pensons par exemple au livre « Le sacrifice interdit » de Marie Balmary. Vous êtes vous personnellement penchés sur les textes comme le Talmud pour mieux cerner les conflits qui opposent les femmes juives aux rabins, partisans d’un certain chantage exercé par les hommes? Est-ce le sens du voyage d’ Anna à Israël?
Eliette Abécassis: Oui, bien sûr. On trouve un peu de tout dans le Talmud. Et c’est vrai que l’étude, le rite et la hiérarchie sont aux mains des hommes. Ce sont des domaines que les femmes ne peuvent pas approcher, encore aujourd’hui. Mais le sens du livre, c’est aussi de dire que le texte est beaucoup plus intelligent et libre que les hommes qui s’en servent pour dominer les femmes, en les méprisant par pure misogynie.
MadameDuB.com : Les religions, comme la société, ont du mal à reconnaître l’égalité dans les relations hommes-femmes. Pensez-vous que le judaïsme soit une religion qui puisse se réformer vers une plus grande parité? Votre livre dénonce un véritable marchandage de l’obtention du divorce religieux.
Eliette Abécassis : Mon livre est un cri, un hurlement, un brûlot. Aujourd’hui, j’observe un recul du droit des femmes en matière religieuse. C’est un cri d’alerte.
MadameDuB.com: Ce roman n’est pas que l’histoire d’un combat. C’est aussi le récit d’une réconciliation. Celui d’une femme avec elle-même, avec son estime personnelle, et avec l’amour. C’est donc aussi un roman de promesse, d’une réconciliation, malgré les conflits. Désiriez-vous écrire un livre d’espoir pour les femmes?
Eliette Abécassis: Oui, je voulais écrire un livre entre l’ombre et la lumière, pour montrer qu’il faut de l’ombre pour créer de la lumière. Ce n’est pas un principe théologique, mais plutôt en effet un message d’espoir. Après un divorce, il est possible de se reconstruire, et même de se trouver, et d’aimer comme jamais.
MadameDuB.com : Un passage vers la fin du livre raconte la tentation d’ Anna d’abandonner le carcan religieux auquel elle a choisi d’ obéir pour mener sa vie de femme en toute liberté, mais elle ne sait pas qui elle sera elle-même sans sa religion, sa culture, sa foi. Aujourd’hui pensez vous qu’il existe une solution à un tel problème?
Eliette Abécassis: Je voulais créer un personnage de femme religieuse en effet, comme il y en a beaucoup, car on a du mal à les comprendre. pourtant, ce sont des femmes dont l’identité religieuse est constitutive, originaire. Sans la religion, elles ne seraient rien. C’est là toute la difficulté lorsqu’elles se retrouvent face à des lois injustes.
MadameDuB.com : Le personnage de l’ancien mari, Simon, est ambigu. Même s’il est clairement néfaste pour Anna, il est décrit comme souffrant lui-même de la pression religieuse et culturelle de sa communauté. Lui aussi semble avoir du mal à assumer pleinement sa conception du bonheur, et se sert des largesses que lui permet la religion pour se détourner de décision trop intègre et responsable. Quel portrait souhaitiez vous donner de lui?
Eliette Abécassis: C’est un manipulateur. Ces hommes qui se servent des lois religieuses pour asservir et dominer les femmes sont ce qu’il y a de pire. Je n’ai pas trop fait dans la nuance avec ce personnage. La seule chose qui le sauve, c’est sans doute qu’il l’aime, à sa façon sadique, mais il l’aime quand même, et c’est sans doute la raison profonde pour laquelle il ne veut pas la laisser partir.
MadameDuB.com: Beaucoup de vos livres témoignent de la difficulté de la condition féminine. Vous considérez vous comme un écrivain féministe?
Eliette Abécassis : Oui, dans le sens où je défends les femmes, et j’espère être au plus près en effet de leurs préoccupations et de leur condition. Le combat féministe ne s’arrête jamais, hélas, car chaque société trouve des nouvelles façons d’asservir les femmes.
MadameDuB.com: Quelles sont vos lectures en cette rentrée littéraire?
Eliette Abécassis: En ce moment, « Destins d’Israël », d’Alexandre Adler, qui est absolument remarquable.
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