Une fois passée la disparition de l’inoubliable Elizabeth Taylor, il fallait bien se dire que puisqu’ « à tout malheur quelque chose est bon », l’hommage à la belle pouvait être une excellente excuse pour se replonger avec malice dans les méandres psychologiques de Tennessee Williams. On garderait alors, dans un coin de son esprit, l’image dramatique, sensuelle, la pose toujours affaiblie, mais jamais vaincue de celle qui incarna la Maggie de « La chatte sur un toit brûlant » ainsi que la Catherine de « Soudain l’été dernier ». Oui, à tout malheur quelque chose est bon.
Dans « Soudain l’été dernier », Catherine, cousine de Sebastian, assiste à la mort de ce-dernier à la suite de circonstances suffisamment troubles pour que Madame Venable – mère de Sebastian – soit prête à tout pour empêcher la révélation de pratique ayant conduit, directement ou indirectement, à la mort de son fils ; soyons concrets, c’est à une lobotomie qu’elle destine Catherine. Qu’importe si cette dernière dit la vérité, pour Madame Venable l’important est qu’ « après l’opération, qui osera encore la croire [Catherine] ? ». Tante 1 – Nièce 0.
Traversent tour à tour ce portrait – d’une lucidité torve – de l’esprit du Sud Américain les thématiques de l’homophobie, du « rang », du racisme, de la vénalité, une vision égoïste de l’hagiographie familiale dont l’amour aveugle – et qui veut bien être aveugle – justifie tout. Mais ce foisonnement de réflexions mériterait bien plus que cette courte et imparfaite « critique »... Foin de généralités donc, venons-en aux deux points qui ont frappé l’auteur de ces lignes à la lecture de l’œuvre :
Premièrement, Tennessee Williams joue admirablement avec l’ambivalence « dit/non dit ». En peignant cette microsociété inconsciente de la portée de ses jugements et de ses actes, Tennessee Williams slalome avec habileté entre les piquets de l’individuel et du collectif par la dualité « absence/présence du langage », « dit/non dit », « vulgarité/bienséance ». La famille Holly (celle de la mère de Catherine et de son benêt de frère, Georges) est caractérisée par l’incapacité de taire les choses, ce qui la rend au pire vulgaire, au mieux incontrôlable ; la famille Venable, elle, se caractérise par sa propension à les taire où à les enrober de manière à les rendre acceptables. Mais en réalité, les deux sont aussi méprisables, et font montre des mêmes bas instincts (argent), des mêmes caprices (qui se matérialisent par une boisson de drugstore pour l’un, par un daïqiri pour l’autre), des mêmes radotages : l’hagiographie de son fils par Madame Venable contrecarre les « radotages » de Catherine sur les circonstances troubles de la disparition de ce très cher Sebastian.
Quelle que soit la situation symbolique des deux « camps » (les Venable dominants, les Holly quémandeurs), leurs attitudes exhalent une pourriture moite à laquelle la chaleur suffocante de la jungle reconstituée qui sert de décor à la pièce sied à merveille. L’auteur siffle la fin de cette bataille entre le « dit » et le « non dit » sur un immonde match nul. Famille Venable, moins que zéro ; famille Holly, moins que zéro. Sauf Elizabeth Taylor… euh, Catherine pardon, qui tout s’étant fait voler ou briser sa pureté, physiquement et symboliquement, sublime le « dit » et brise les certitudes, quitte à apparaître inacceptable.
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