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Billet de blog 21 mai 2011

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Notre entretien inédit avec Maurice Szafran, PDG de Marianne, sur ses moment "off" avec Nicolas Sarkozy

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MadameduB.com: Avec votre ligne éditoriale de Marianne on connait forcément votre avis sur la politique de Sarkozy, alors pourquoi passer du genre purement journalistique à un livre? Vous n'en n'êtes pas à votre coup d'essai comme on le sait, pourquoi publier maintenant alors que la plus part des évènements que vous relatez dans votre livre datent d'avant 2008? Est ce donc finalement une oeuvre d'écrivains avant d'être celle de journalistes ?

Maurice Szafran : Parce qu'en tant qu'écrivain on en a eu envie maintenant, il n'y a pas d'autres raisons, écrire un livre c'est une question d'envie et c'est venu l'été dernier, parce qu'on sentait que c'était le moment pour nous. Et secondo il y a une raison plus politique. On s'est rendu compte que l'on ne pouvait rien comprendre à la politique de Sarkozy sans y introduire une grande part de psychologie, donc on a considéré que pour bien comprendre cette politique il était indispensable de faire un vrai portrait psychologique. Mais la raison principale reste l'envie de l'écrivain.

MadameduB.com: Vous parlez vous même d'un "exercice inédit" en prenant la matière d'un "off", donc ces moments de connivence entre le journaliste et l'interviewé, ici Nicolas Sarkozy. Mais pensez vous que cela soit une chance ou un danger de pouvoir relire des évènements passés à la lumière d'aujourd'hui?

Maurice Szafran : Oui le risque d'interprétation est toujours là, faire des livres dans le journalisme c'est toujours un vaste exercice d'interprétation. Je crois quand même qu'on se rend bien compte que chez Nicolas Sarkozy tout était inscrit. Finalement nous n'avons pas eu la moindre surprise sur les cinq dernières années. Quand on retrouve nos notes, nos carnets, il n'y a pas de vraies surprises avec tout ce qu'il s'est passé depuis 2007. Je crois vraiment que c'est l'homme d'état qui est le plus connecté à sa psychologie personnelle. On ne peut pas comprendre des décisions politiques, des changements de pieds, sans le relier à sa psychologie.

MadameduB.com: Justement est ce que parfois vous avez été surpris en relisant vos notes par rapport à ce que vous aviez enregistré à l'époque, d'avoir été pris dans ce que vous dites être un "jeu de séduction" à l'époque et de ne l'avoir décelé qu'avec ce recul?

Maurice Szafran : Non ça n'a rien à voir, le jeu de séduction qu'il a entrepris avec nous comme avec la quasi totalité des journalistes politiques avec qui il était en contact ne s'est jamais traduit chez nous en terme de séduction politique, il n'y a jamais eu le moindre doute là dessus. Nous avons reconnu son talent politique, sa volonté, mais sur le fond nous n'avons jamais été séduit par le programme politique qu'il proposait. Il y a deux choses différentes, on peut être séduit par l'homme, par la façon qu'il a de vous parler, et puis il y a la séduction politique, qui sur nous n'a absolument jamais joué, il suffit de lire tout ce que nous avons toujours écrit.

MadameduB.com: Vous publiez un ouvrage de 270 pages, on se doute qu'avec les carrières que vous et Nicolas Domenach avez, il y aurait eu matière à des milliers de pages, alors comment décider de quelles parties du off méritent de passer en "on" et celles qui ne le peuvent pas? Y a t'il eu débat entre vous deux à ce propos?

Maurice Szafran : C'était très simple. Le choix du livre était de ne raconter que des scènes de vie. Il n'y a pas d'analyses politiques. On a fait des livres politiques, par exemple sur Chirac, qui racontaient l'histoire d'une bataille, d'une campagne, d'un septennat... Mais là dans ce livre il n'y a quasiment qu'un personnage, c'est lui. Et les seules scènes que nous avons retenu sont des scènes de vie. C'est donc extrêmement différent des précédents livres que nous avons écrit. C'est notre expérience avec un personnage politique. Après il ne faut pas se tromper, on n'avait pas une grande intimité avec lui, on a retenu tout ce qu'on avait pris en note et tout ce dont on se souvenait. D'ailleurs il n'a pas fait savoir que telle ou telle scène étaient inexactes. L'actualité politique, ce sont des livres que nous avons fait par le passé mais ce n'est plus ce que nous avons envie de faire maintenant, c'est un autre type de livre. Est ce que c'est mieux? Je ne sais pas, mais c'est différent.

MadameduB.com: Et comment ce livre a t-il été reçu par vos proches du milieu? Vous relatez par exemple cette scène un peu incroyable où Nicolas Sarkozy vous reçoit dans les jardins de l'Elysée torse nu, et vous avez cette réflexion, "on ne peut pas raconter ça on va nous accuser de bidonnage".

Maurice Szafran : Non il y a des journalistes qui nous ont accusé d'avoir rompu le off, et puis aussi qui nous ont reproché de pas avoir fait un livre suffisamment politique, trop psychologisant. Mais c'est leur droit. Notre réponse c'est que ça ne nous intéressait pas de faire ça.

MadameduB.com: Alors justement, faire du "off" un livre, est ce un exercice que l'on pourrait appliquer à d'autres politiques, alors n'est-ce intéressant qu'avec la personnalité si spéciale de Nicolas Sarkozy?

Maurice Szafran : On pourrait le faire sur le principe avec d'autres mais ce n'est pas sûr que ce soit aussi simple. Parce que Nicolas Sarkozy a tellement joué du rapprochement, qu'il a induit un type de comportement différent. Personne ne demandait à entrer dans son intimité, et surtout pas les journalistes, il a fait ce choix là, il le paye, que ça se retourne contre lui c'est son problème. En même temps il y a autre chose qu'il faut saisir, c'est que c'est le premier président de notre génération. Ca change beaucoup de choses qu'il ait le même âge que nous, donc un peu la même histoire culturelle et sociale.

MadameduB.com: Oui c'est aussi lié à la question de tutoiement entre journalistes et politiques qui revient souvent.

Maurice Szafran : Le tutoiement c'est une règle qu'il impose lui. Quand on l' a connu il avait trente ans, bon, ça ne change rien du tout : je connais très bien Chirac et je ne l'ai jamais tutoyé, ça ne change rien. C'est un faux-débat, qui n'influe en rien sur ce que j'écris, il y en a qui le vouvoie tous les jours et qui sont complètement cire-pompe dans ce qu'ils écrivent! Je le dis d'autant plus que moi je ne tutoie pas de règle générale. Mais ça ne change rien.

MadameduB.com: Ne craignez vous pas après la parution de ce livre d'être pénalisé dans votre carrière de journaliste, que les autres politiques se méfient par la suite?

Maurice Szafran : Non, je le sais et je le vois. Les gens comprennent que c'est propre à Nicolas Sarkozy.

MadameduB.com: Est ce que ce n'est pas aussi l'époque qui est propice au déballage?

Maurice Szafran : Non pas vraiment, après c'est une question de choix. Que les candidats par exemple aux présidentielles décident de se montrer, comme lorsque François Hollande parle de "la femme de ma vie" en parlant de sa nouvelle compagne, il sait bien que c'est grossier vis à vis de la mère de ses enfants. Il s'attend bien à ce que ce soit repris et mal repris notamment par les journalistes femmes et les journaux féminins. Ce ne sont pas les journalistes qui ont voulu ça.

MadameduB.com: Vous parlez dans votre livre anonymement de journalistes qui ont poussé un peu plus loin la connivence avec lui. Certains se sont-ils reconnus ? Par exemple vous parlez de cette soirée a La Baule organisée par le président, où Nicolas Domenach a finit par partir, alors que d'autres sont restés?

Maurice Szafran : La connivence elle est avant tout politique. Après chacun fait comme il le ressent. Ce soir là Nicolas Domenach y a vu sa propre limite, d'autres non. C'est à chacun de fixer les règles de sa propre morale.

MadameduB.com: Existe t-il une limite professionnelle a respecter entre le privé et le public par le journaliste ou bien est ce à chacun de fixer la sienne?

Maurice Szafran : Non il n'y a pas de limites dans le journalisme. Les seules limites c'est ce qu'on en fait après, mais il n'y a pas d' éthique... Il y a eu après cette soirée à La Baule ce fameux débat sur les document volés et sur ce que l'on a le droit d'en faire. Il faut savoir que celui qui a fait ça et qui les a fait publié au Monde a été viré après. Il était surement resté là pour en savoir plus sur Nicolas Sarkozy, voilà, et il en sait sûrement plus que nous, il n'y a pas de limites. Et surement celui qui les avait laissé là l'avait fait pour qu'on les vole. Il y a toujours une part de stratégie. Donc il y a un vrai débat. Le type qui s'est fait virer du Monde pour avoir publié des documents volés qui avaient été laissés là pour ça, pour que ça sorte, c'est une vraie question! Etait-ce une erreur d'être resté jusqu'au bout de la soirée ce soir là, de les avoir volé? C'est vraiment dur à dire.

MadameduB.com: Justement en parlant de stratégie, pensez vous qu'il y ait une part de manipulation dans ces moments de Off avec Nicolas Sarkozy? Pouvait-il se douter que ces instants ressortiraient un jour ou a t-il été surpris?

Maurice Szafran : Je penses que les deux sont vrais. Tout ne peut pas être calculé, il est en train de parler, de nous charmer, de se mettre en colère, il ne se dit pas "tiens dans huit ans ils vont en faire un livre". C'est une atmosphère générale.

MadameduB.com: Mais nos politiques, n'ont-ils pas des conseillers en communication?

Maurice Szafran : Les très grandes personnalités comme Nicolas Sarkozy en ont une. Peu de gens ont de l'influence sur eux. Il n'y a pas d'entourage qui conseille. Ils entendent aussi ce qu'ils veulent entendre. Si un conseiller est assez stupide pour dire à Nicolas Sarkozy de rester discret ça ne marche pas, donc il font avec l'homme qu'il est. Les conseillers préféraient qu'il ne dise pas tout ça mais en meme temps il a aussi été élu pour ce qu'il est. Mais après les grands conseillers c'est un mythe et c est plutôt sympathique de penser que les hommes politiques ne sont pas sous la coupe d'influence.

MadameduB.com: Pensez vous que ce type d'ouvrage puisse avoir une influence sur les votes?

Maurice Szafran : Non. je pense que la sphère médiatique est en retard même. Elle amplifie, mais elle ne crée rien. Ce n'est pas les médias qui ont créé l anti sarkozisme, mais c'est parce que les français sont anti sarkozistes que les medias mettent l éclairage dessus, et amplifient. Si les médias inventent quelque chose, comme "François Fillon président bis", ca crée un buzz deux jours et ca retombe, les medias sont reflet et amplificateur mais ne créent rien, ils prennent ce qu il y a dans l'opinion publique d'ailleurs quand on appréhende un phénomène trop tôt ca fait flop alors qu'un mois apres ça marche, les medias captent, et là ça prend, mais les créations médiatiques font flop

MadameduB.com: Par exemple après le passage de JM Le pen au deuxième tour des présidentielles ont avait beaucoup parlé du rôle des médias dans l'amplification du problème de l'insécurité.

Maurice Szafran : Et après? L'insécurité est un vrai problème. C'est la gauche et la droite n'ont pas su proposer une solution, mais il ne faut pas chercher de responsabilité à ceux qui n'en n'ont pas. C' est seulement dans un second temps que les médias amplifient, la seule question c'est pourquoi la gauche ne sait pas répondre aux questions d'insécurité.

MadameduB.com: Si les médias ont donc un rôle de mise en lumière, quel éclairage pensez vous que votre livre apporte donc sur le président?

Maurice Szafran : Sa psychologie. Qui éclaire beaucoup sur sa politique. Les français n'y comprennent rien, et dans le fond, même si ça n'a pas été pensé comme cela, c est un livre pour les gens qui sont sarkozystes et qui ne comprennent rien à ce qui se passe depuis quatre ans. Et c est expliqué en partie par sa psychologie, cela devient assez cohérent avec son parcours et son histoire

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