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Billet de blog 21 novembre 2011

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Entretien inédit avec l'auteur de "Mimi" (éditions Fayard): Sébastien Marnier

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Madamedub.com : Mimi est votre premier roman, quel a été le déclencheur de son écriture ? Qu’est ce qui plus globalement a décidé votre envie d’écrire ?

Sébastien Marnier : Mimi n’est pas tout à fait mon premier roman puisque comme beaucoup d’autres auteurs, j’ai écris un premier manuscrit il y a quelques années, mais sans résultat de publication. La littérature et l’écriture en général sont omniprésentes dans mon quotidien. Que cela soit à travers des scénarii, des fiches de lectures ou bien des romans, j’écris toute la journée.

Mimi est né il y a deux ans. J’ai d’abord imaginé un fait divers à partir de plusieurs autres glanés dans des journaux, puis, sachant la finalité – l’épilogue – j’ai construit mon histoire et mes personnages par-ci par-là, sur des coins de feuilles, et ce, pendant presque douze mois. Mais dès le départ, je savais que ce récit prendrait une forme romanesque et ce pour plusieurs raisons : je savais qu’il serait quasi impossible de monter financièrement un film à partir de cette histoire – du moins, de la manière dont je voulais la raconter – et puis j’avais envie de prendre mon temps pour raconter la vie de Jean-Pierre. La forme scénaristique m’aurait forcément bridé, et il était hors de question de me censurer sur les scènes de violence et de sexe puisqu’elles étaient l’essence même de mon personnage.

Madamedub.com : Le livre s’illustre de photos d’immeubles HLM en démolition. Le héros commence son parcours dans la cité des 4000 à la Courneuve, et la termine dans une « maison de caractère ». Quel est le symbolisme de ce parcours, de la cité au pavillon chic, pour ce héros qui a du mal à trouver sa place, à véritablement se positionner ?

Sébastien Marnier : Les personnages de MIMI sont des clichés. JP est un gamin des 4000 dont le père est violent et la mère au chômage, Barthélémy, le fils d’intellectuels communistes, ouverts à l’art et à la réflexion. Des clichés dans l’imaginaire collectif mais bien réels puisque ce sont des garçons que j’ai connus. Mes deux héros tentent de fuir leur propre déterminisme social – et donc leur cliché – durant les presque 600 pages du roman. Pour JP, c’est un chemin de croix puisque lui aussi n’envisage le monde qu’à travers le prisme des clichés. La faute à son éducation, à sa non-culture et à son manque de curiosité… il met les gens dans des cases.

Barthélémy vit dans la même ville que lui mais de l’autre côté de la rue. Dans un pavillon avec jardin. Pour JP, c’est trop de frustrations. C’est donc aussi et avant tout une question de territoire. J’ai l’impression que LA maison est devenue aujourd’hui le seul objectif à atteindre et que si l’on n’est pas devenu propriétaire à la fin de sa vie, on a forcément loupé quelque chose. Pour d’autres, c’est une Rolex.

Que JP devienne le premier propriétaire dans sa famille, est une forme de réussite évidente. Et cette maison, il ne la choisi évidemment pas par hasard.

Les images qui illustrent mon roman sont des photos que nous avions prises mes parents et moi lors de la première implosion des 4000. Je me souviens de ce moment très précisément. Il y avait une excitation collective, une hystérie presque. Les sirènes ont résonné dans toute la ville puis le silence s’est abattu partout. Nous savions que c’était un moment important. Nous pensions tous que ça allait changer nos vies. Mais quand le nuage de poussière s’est dissipé, nous nous sommes rendu compte, qu’il restait encore trois tours derrière. La cité était encore debout, nous aussi, rien n’avait changé.

Madamedub.com : L’éditeur indique votre enfance dans une cité, votre héros est une sorte de suiveur s’inscrivant dans des codes sociaux évidents, quelle part de vous porte ce roman ?

Sébastien Marnier : J’ai effectivement passé 20 ans dans deux cités du 93. Cette part de ma vie est indélébile, aussi bien par ses aspects positifs – il y régnait à l’époque un joyeux bordel, heureux et mélancolique à la fois – que par ses côtés plus durs, plus violents. Mais à mon époque, la violence n’était pas celle d’aujourd’hui. Les gens étaient encore heureux de vivre là – la cité remplaçait des bidonvilles – et mes parents, comme tous les autres habitants, étaient ravi d’avoir enfin une salle de bains ! Et puis progressivement, le Monoprix est devenu Lidl… les boutiques ont fermées… la cité « idéale » s’est repliée sur elle-même et toute incursion est devenue agression.

JP est effectivement un suiveur, il n’est pas et ne sera jamais le chef de la bande. Il est passif et redoute de croiser des « racailles » plus fortes que lui sur son chemin. La bande est le seul moyen qu’il ait trouvé pour exister mais en son sein, il ne fait que reproduire ce qu’il vit déjà à la maison en tant que petit dernier.

Le harcèlement que subi MIMI, je l’ai vécu en partie et je l’ai vu chez d’autres. Tout ce qui est raconté dans la première partie est très proche de la réalité. Mais je voudrais également préciser que ce livre n’est pas une critique de la cité. Ce que vit Mimi, aurait très bien pu se passer ailleurs : ce qui est important c’est que lorsque qu’un gamin ne répond pas aux codes du territoire où il vit, il morfle.

Madamedub.com : La violence explicite du héros au travers de son discours fait d’autant plus ressortir la passivité de son comportement social. Pourtant, il est probablement impliqué dans plusieurs crimes plus ou moins indirectement évoqués dans l’histoire. Comment est venu le choix de mettre cette violence physique à la limite de la narration, et d’avoir placé celle de votre héros presque uniquement dans son discours ? Est-ce que ce n’est pas du coup une rupture avec l’univers que vous envisagez dans ce roman ?

Sébastien Marnier : JP est un cas extrême de pervers narcissique et en écrivant ce roman, je suis devenu lui. C’était une expérience très particulière – mentalement et physiquement – que de ce glisser dans la tête de ce sociopathe. En étant lui, je n’avais plus qu’une seule obsession, comment faire tomber MIMI. Le reste n’était que digressions. Les crimes que commet JP en cours de route n’ont pas d’intérêt à proprement parler car ils sont, soit, exécutés pour se rapprocher de MIMI et le posséder totalement, soit pour se rassurer sur à sa virilité et sa puissance de prédateur. Ils ne sont que des étapes. C’est pour cette raison que je les ai laissé sur le bord de la route : JP trace son chemin, il détruit tout ce qui se entrave sa ligne droite.

Madamedub.com : Vous avez dans Mimi tranché pour une terminologie extrêmement moderne. Pensez-vous que cette démarche contribue à ancrer la littérature actuelle après du jeune public ou au contraire à faire, pour les générations plus anciennes, de votre personnage le symbole d’une génération sujette à certains fantasmes ?

Sébastien Marnier : A aucun moment, je ne me suis posé cette question. Ce qui m’importait, c’était de trouver la langue de JP, qu’elle soit la plus juste possible et de la faire évoluer à minima sur les 30 années que dure de cette histoire. Et pour l’anecdote, ce phrasé, ce vocabulaire restreint à une grosse centaine de mots, je l’ai trouvé en regardant certaines émissions de téléréalité. Notamment les premiers Lofts. J’étais stupéfait de découvrir comment parlaient ces jeunes. Ils soliloquaient, leurs phrases n’étaient jamais construites, leurs mots s’entrechoquaient dans de longues logorrhées mais au final ils ne se disaient rien.

La construction de mes dialogues est invariablement basée sur le même principe : beaucoup de mots pour rien et une idée qui jailli au détour d’une phrase pour donner le sens de la conversation.

Pour ce faire, j’ai donc utilisé la première personne et le présent de l’indicatif. Raconter à la troisième personne aurait été, pour cette histoire, un contre sens car JP n’a aucun recul sur ce qu’il fait. Il fonce et répète souvent : « Je ne sais pas pourquoi je fais tout ça, mais un jour, Mimi, je vais te buter ».

Ce monologue intérieur, que j’ai pensé comme une psalmodie, répétitive, lancinante, ou comme un rap avec l’utilisation de phrases très courtes. Il est entrecoupé par des dialogues qui illustrent la réalité objective. A aucun moment je ne cite la personne qui s’exprime, c’est par son vocabulaire et ses tournures de phrases, que le lecteur comprend qui parle. Cette réalité est incessamment contredite par ce que pense JP. Il dit oui mais pense non.

Madamedub.com : Quelle analyse faites vous de l’opposition extrêmement ambivalente de votre Héros et de Mimi ?

Sébastien Marnier : JP est obsédé par Barthélémy. Il symbolise tout ce qu’il n’aura jamais. Et en même temps, au fil de l’intrigue, il est dévident qu’il devient aussi son unique centre d’intérêt et son seul fantasme. MIMI ne parle que de ça : de la frustration d’un homosexuel refoulé. Et comme JP ne peut admettre qu’il est homosexuel, il va mettre en place un piège où chaque personne qu’il croisera devra rentrer dans sa logique. Puisqu’il désire MIMI mais qu’il n’est pas gay, c’est donc Mimi qui l’est et qui en veut à son corps. Jusqu’à l’épilogue.

Pour résumer, MIMI, décortique une histoire d’amour impossible entre un homo refoulé et un hétérosexuel. Ce qui, évidemment, n’est pas le plus simple.

Madamedub.com : Quel genre d’auteur êtes-vous ? Vos journées d’écriture sont elles organisée ou êtes vous plus dilettante ?

Sébastien Marnier : Mes journées sont toujours organisées de la même manière. Je commence à écrire à 08H30 après avoir lu la presse et je rédige directement sur mon ordinateur, toute la journée. C’est très ritualisé car, à travailler seul chez soi, on peut très vite dévier et trouver passionnant les rotations du tambour de la machine à laver ou dévorer les livres jamais lus de la bibliothèque.

Lorsque j’ai fini l’architecture de MIMI – qui est construit comme un thriller – j’ai rédigé une première version en deux mois, 9 heures par jours. Comme pour JP, ce fut une longue préméditation puis un passage à l’acte violent comme un jet, comme une gerbe.

Sébastien Marnier répondait aux questions de Frédéric Javelas et JG.

Tous nos articles sont sur notre site www.madamedub.com : http://madamedub.com/WordPresse3/

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