Ce lundi 30 juin, la proposition de loi Duplomb sera discutée en Commission Mixte Paritaire. Je ne vais pas revenir ici sur le détail du texte et l’ensemble de ses propositions (je rappelle toutefois quelques-unes des mesures qu’il contient : la réintroduction autorisée des néonicotinoïdes, la facilitation d’installation et d’agrandissement pour les fermes-usines, le développement des projets de méga-bassines, …).
Mais écrire ce billet me donne l’occasion d’aborder un sujet qui me tient à cœur : la santé et l’alimentation saine et durable.
L’écrire, en revanche, ne me permettra sûrement pas de comprendre le mépris dont font preuve nos dirigeants.
Ce mépris assumé envers les agriculteurs qu’ils cherchent, avec le renfort de l’industrie agroalimentaire et de la FNSEA, à maintenir dans un système qui ne leur permet pas de vivre décemment pour la plupart. Mépris des consommateurs à qui seront proposés des produits gavés de pesticides (mais autorisés). Mépris de la médecine à qui on demandera encore et toujours plus d’efforts face à l’augmentation des cancers et épidémies directement associés à notre alimentation ou aux produits épandus sur les champs. Mépris des institutions en bafouant le processus démocratique pour ne pas avoir à discuter ce projet à l’Assemblée.
Les rapporteurs de cette loi savent pertinemment le mal causé par leur texte. Alors, au-delà du mépris, on peut bien parler de cynisme. Aucun d’entre eux n’est dupe : le volet environnemental sera désastreux, les conséquences sanitaires seront, elles aussi, catastrophiques alors que les indicateurs sont déjà alarmants. Et ils s’en foutent.
Cancers
Le nombre de cancers en France ne cesse d’augmenter, les alertes des scientifiques, relayées dans les médias ne semblent pas avoir d’écho auprès des décideurs.
On recherche des milliards pour combler le déficit ? Le coût des cancers s’élevait à 18.3 Mds€ par an en 2017. Des chiffres qui poussent à croire que l’Etat va investir dans la prévention ? Avec un budget de 139 M€ par an pour ce volet, le cynisme est toujours au rendez-vous.
En parallèle, le nombre annuel de cancers a doublé en l’espace de 30 ans (plus de 430000 cas en 2024). Celui du pancréas est celui qui progresse de manière inquiétante, et les études scientifiques indiquent que « l’alimentation ultratransformée ainsi que l’exposition à la pollution joueraient un rôle dans cette « épidémie » ». Etonnant.
Alors qu’en sera-t-il lorsque les pesticides de nouveau autorisés inonderont les champs, lorsque les maladies professionnelles qui affecteront les agriculteurs augmenteront encore les coûts des soins ? Doit-on s’attendre à ce que les prochaines économies proposées par le gouvernement soient : « le malade paye » , franchement, vous pourriez faire des efforts et ne tombez-pas malade.
Je vois déjà les entreprises pharmaceutiques se frotter les mains face à des décisions politiques semblant être prises pour elles. Mais serais-je trop suspicieuse, voire complotiste ?
Obésité
L’obésité en France est passée de 8.5% en 1997 à 17% en 2020. Chez les 18-24 ans, elle a presque doublé entre 2012 et 2020 pour atteindre 9.5% dans cette tranche d’âge. Alimentation ultra transformée, perturbateurs endocriniens, additifs ou mélange cocktail de EXXX : ils ont leur part de responsabilité dans ces chiffres de l’obésité, qui rappelons-le, mène souvent au diabète ou au développement de cancers.
Je reprends ma question. On recherche des milliards pour combler le déficit ? Le coût associé à l’obésité en France atteint les 11 milliards d’euros par an…
Nous sommes dans une période où la prévention devrait être au centre des préoccupations de tous afin de réduire les dépenses de santé qui vont exploser dans les années à venir. Tout en devant faire face à des déserts médicaux, à des lits d’hôpitaux que l’on ferme. Et prévention signifie œuvrer pour une alimentation saine et sans pesticide, pour une eau non contaminée, pour des espaces où l’on peut vivre sans s’empoisonner.
Nos dirigeants n’en ont rien à faire de nos terres, de l’air que l’on respire, des aliments que l’on mange, des animaux qu’on élève. Pensent-ils à minima à nous, citoyens ?
Avec la loi Duplomb, il est clair que non.
Nous revoilà poussés dans un schéma mortifère, où l’industrie agroalimentaire et ses lobbies ont bien fait le boulot. Leurs centrales d’achat continueront à abreuver les supermarchés de leurs produits crasses. Qui finiront par rendre malades les gens qui les consomment. Des malades que les industries pharmaceutiques tenteront de soigner avec des traitements hors de prix.
Qui feront le bonheur des actionnaires.
Parce qu’au final, nous pouvons tomber malade. Nous indigner. Nous révolter.
Mais il n’y a bien que l’argent qui compte pour eux.
Sources :
En France, le nombre annuel de nouveaux cas de cancers est passé de 216 130 à 433 136, soit un doublement en 30 ans. Cette évolution est principalement liée à des évolutions démographiques et secondairement à une augmentation du risque de cancers.
https://www.ligue-cancer.net/sites/default/files/media/downloadable-files/2024-09/Panorama%20des%20cancers%202024.pdf
Cancer du Pancréas : parmi les facteurs de risque figurent le tabagisme (impliqué dans 20 % à 30 % des décès liés au cancer du pancréas), le diabète, l’obésité (en France, 49 % de la population est en surpoids ou obèse), le vieillissement (l’âge médian au diagnostic est de 70 ans) et, de façon moins importante, une inflammation (pancréatite chronique). L’alimentation ultratransformée ainsi que l’exposition à la pollution joueraient un rôle dans cette « épidémie ».
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/02/22/les-medecins-alertent-sur-l-inquietante-progression-du-cancer-du-pancreas_6162794_1650684.html#:~:text=Parmi%20les%20facteurs%20de%20risque,fa%C3%A7on%20moins%20importante%2C%20une%20inflammation%20
Le coût du cancer en France s’élève à 18,3 milliards d’euros en 2017, soit une hausse de 48% depuis 2004. En prenant en compte les pertes de production liées aux décès prématurés, il convient d’ajouter 9,7 milliards d’euros.
La prévention : de modestes dépenses à 139 M€ par an
https://asteres.fr/site/wp-content/uploads/2020/02/ASTERES-CANCER-FEV-2020-compresse.pdf
Une étude, conduite à l’initiative de la Ligue contre l’obésité et coordonnée par Annick Fontbonne, chercheuse au centre d’investigation clinique (Inserm) du CHU de Montpellier et David Nocca de l’hôpital Saint-Éloi (Montpellier), indique que 47,3 % des adultes français sont en surpoids ou obèses. Au total, 17 % de la population adulte est en situation d’obésité. Cette étude montre que depuis 1997, la prévalence du surpoids stagne autour de 30 %. En revanche, l’obésité ne cesse de croître rapidement, doublant entre 1997 et 2020. Celle-ci est passée de 8,5 % en 1997 à 15 % en 2012 et 17 % en 2020. L’obésité chez les jeunes adultes (18 - 24ans) est passée de 5.4% en 2012 à 9.2% en 2020.
https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC9918095
L'obésité représente une charge de 11 milliards par an en France
https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/lobesite-represente-une-charge-de-11-milliards-par-an-en-france-1911714