Al-Sissi-City : le fleurissement d’une ville anti-émeutes.
Le pouvoir Egyptien fuit à 70 km à l’est de la place Tahir, lieu où la révolte renversa le prédécesseur d’al-Sissi, Hosni Moubarak, onze ans plus tôt, en 2011. La peur des agitations et des manifestations conduit al-Sissi à repenser la ville en fonction des intérêts bourgeois. Rayonner tel un roi est le projet pharaonique de la construction de cette nouvelle capitale “administrative”, en d’autres termes élitiste et dictatoriale, débutée depuis 2015.
Le rêve royal est d'assainir la ville en incarcérant, torturant, intimidant, congédiant, tuant, TOUTE opposition au régime. Ismaïl Alexandrani, journaliste emprisonné par le pouvoir parle d’une “vengeance du régime à l’encontre de ceux qui osent manifester”. Cette bulle aseptisée, qui est en train de sortir des sables, n’est qu’un outil de contrôle ultra répressif des populations animés par une réelle haine du régime. En effet, après cinq années passées dans sept différentes prisons, Moshen Mohamed affirme : “Même si elle [la révolution] n’a pas atteint ses objectifs politiques, personne ne peut l’effacer, car elle vit en nous”. Et Fadila Khaled ajoute : “Nous sommes les enfants de guerres et révolutions. Bénis par des héros vivants, avec des martyrs pour modèles de référence, nous connaissons le goût du silence et nourrissons une haine absolue à son égard. Nous sommes des trouble-fêtes, pas des paillassons”.
Les répercussions de la construction de ce nouvel espace bien gardé sur les habitants du Caire et de sa périphérie réveillent leurs forces révolutionnaires. Heba Raouf Ezzat, professeur contraint à l’exil en 2013, attire l’attention sur cet urbanisme sécuritaire qui “balaye les hommes”. Al-Sissi aspire à un ordre nouveau en rasant les quartiers populaires comme Nazlet El-Semman pour reloger les gens dans des quartiers surveillés et où la police peut entrer beaucoup plus facilement.
Les habitants des quartiers informels, c’est-à-dire construits par eux-mêmes depuis les années 60, sont déplacés de force avant que leurs maisons ne soient détruites. La vie de quartier qui s’y était constituée est éteinte par la séparation des gens et le relogement au sein d’immeubles éparpillés et sous vidéo surveillance. Pour contrer ces déplacements autoritaires, des émeutes éclaires ont eu lieu : jets de pierre et de briques sur les camions et les tanks venus pour déloger les gens et des familles choisissent aussi la mort plutôt que de partir : “Démolissez-nous avec !” disent-ils.
Il s'agit évidemment d'un exemple frappant puisque l'Egypte est sous un régime dictatorial, néanmoins ces événements posent des questions quant-aux villes futures : dans quelle mesure la fracture sociale sera-t-elle encore plus visible au sein de ces nouvelles villes ? Comment faire en sorte que l'urbanisme sécuritaire ne voit pas le jour ? Comment faire en sorte d'adapter réellement les villes au populations, avec leur soutien et leur aide ?
En attendant, soutien aux trouble-fêtes et aux émeutiers éclairs.
Maëliss