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Billet de blog 15 avril 2018

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Message de soutien d’un vacataire de Rennes-2 aux étudiant.es grévistes

Après avoir indiqué sur twitter qu'un de mes cours à Rennes-2 était annulé, que je le regrettais mais soutenais la mobilisation, des étudiants m'ont questionné. Ce texte a été rédigé afin d'être lu lors de leur l'Assemblée Générale du lundi 16 avril à Rennes-2.

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Pour me présenter rapidement, je suis formateur et vacataire dans diverses universités. Rennes-2 est la première à m’avoir recruté, dans une filière particulière (le D.U. Métiers des bibliothèques) et sur un horaire minuscule : en effet, je n’y interviens que 2 h par an, une séance, généralement la dernière journée du parcours. Cette année, ce devait être le lundi 16 avril après-midi. L’université étant bloquée, ce cours est annulé. Je ne suis pas très surpris, je le regrette, mais je le comprends parfaitement et souhaite ici apporter mon soutien à la mobilisation pacifique.

Avant toute chose, comprenez que pour un vacataire, une heure non réalisée n’est pas payée. J’ignore si nous pourrons rattraper ces cours, je l’espère, mais j’en doute. Par ailleurs, contrairement aux années passées, je ne suis plus fonctionnaire : actuellement je vis uniquement de droits d’auteurs et de mes cours. Cette perte financière est donc sensible. Je précise tout cela pour expliquer que je comprends très bien les délicates situations dans laquelle certain.es collègues vacataires peuvent se trouver. J’espère que le très beau succès de la caisse de solidarité avec les cheminot.es pourra aussi leur profiter.

En ce qui me concerne, ce ne sont que deux heures, et j’ai heureusement eu d’autres revenus. Mon regret le plus important n’est pas financier, il est face à l’impossibilité de donner cours, pour mes élèves et l’ensemble des élèves de Rennes-2 en général. Bloquer, c’est un échec. C’est la dernière solution. C’est un acte contre-intuitif : quand on défend l’éducation pour tout.es, empêcher des cours ce n’est pas naturel. La logique est la même que lorsque l’on défend le service public des transports et que l’on empêche les trains de rouler. C’est bien parce que l’on veut en voir rouler longtemps, plus nombreux et partout qu’ils sont stoppés lors de la grève.

La réforme de l’université est violente, socialement violente, construite de manière absurde – par exemple la lettre de motivation sur Parcoursup, un outil souvent obsolète, mais totalement marqué par l’origine sociale –, introduisant une brèche de plus dans l’universalisme, que l’université porte pourtant dans son nom même. La sélection existe déjà mille fois avant l’université, elle existe quand on n’a pas de bureau chez soi pour travailler, quand des étudiant.es ne peuvent pas se nourrir correctement, car devant choisir entre loyer et repas, quand certain.es doivent travailler 15 heures par semaine alors que d’autres peuvent se consacrer pleinement à leurs études. Je suis né du bon côté, je n’ai pas eu à vivre ces difficultés, mais je les vois constamment et la réforme actuelle ne conduira qu’à les creuser.

Il faut défendre l’ouverture maximale de l’université, à toutes et tous, à tous les âges, quel que soit son parcours, ses papiers, etc. Nous sommes malheureusement dans un contexte où seul le rapport de force est compris, où la répression est partout maximale : contre les étudiant.es, les cheminot.es, les salarié.es... Quand un gouvernement préfère dépenser 300 000 €/jour à détruire une utopie concrète, comme sur la ZAD de NDDL, au lieu de l’injecter dans l’éducation ou les hôpitaux, il s’avère qu’il n’y a pas de choix. Il n’y a jamais eu un semblant d’écoute des craintes et des propositions des étudiant.es.

Je regrette profondément ce blocage, je regrette toujours que l’éducation, vectrice de l’émancipation, soit un moment interrompue. Mais les fautifs ne sont pas les étudiant.es, comme les fautifs des trains annulés ne sont pas les grévistes. Le responsable c’est le gouvernement, même s’il s’en défausse sans cesse dans une autorité forcée, qui est l'inverse du courage.

On ne bloque pas de gaieté de cœur, même si ce peut être l’occasion de beaux moments d’échanges et d’expériences intéressantes. À ce titre, j’appelle donc de mes vœux la naissance d’une université populaire à Rennes-2, comme cela s’est vu ailleurs. Un lieu de dialogue, de débat, de convergence (et pas que des luttes !). Dans ce cadre, je serais ravi de proposer un cours sur les « Bibliothèques, lieux du lien social » ou autre chose de ce type. Et je suis certain que des dizaines d’autres personnes se proposeront.

Maël Rannou
Auteur, formateur, ex-bibliothécaire

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