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Interroge ce qu’il reste de la République sociale dans les pratiques publiques.

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Billet de blog 2 août 2025

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La Sociale est morte... Vive la Sociale !

La République est indivisible, laïque, démocratique… et sociale. C’est écrit. Mais sur le terrain, c’est une promesse qui vacille. Derrière les bilans et les parcours d’insertion, que reste-t-il de la solidarité ? Ce texte explore ce qui meurt dans l’action publique — et ce qui, discrètement, résiste encore.

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La Sociale est morte… Vive la Sociale !

« Le roi est mort… Vive le roi ! »

C’était le cri de la continuité. Celui qui proclamait qu’un ordre ne s’interrompt pas, car à la mort d’un roi, un autre le remplace sans délai.

Illustration 1
Marianne © Magali Crochard

Ici, la République française est indivisible, laïque, démocratique… et sociale.

C’est dans la Constitution, et c'est une promesse ancienne : la promesse de garantir non seulement les droits civils et politiques, mais aussi les conditions d’une vie digne.

Cette idée que la liberté formelle ne suffit pas sans ressources réelles, que l’égalité des droits ne peut exister sans égalité d’accès, que la solidarité n’est pas un supplément d’âme, mais un socle.

Que reste-t-il de sa promesse ?

Aujourd’hui, "la Sociale" est devenue un mot sans contenu effectif dans bien des endroits de l’action publique.

Ce n’est pas qu’il n’existe plus de dispositifs. Il y en a partout — de plus en plus, et à foison : d’insertion, d’orientation, de formation, d’aide à l’autonomie, d’accès aux droits…

Mais ce qu’on y organise souvent, ce n’est plus une protection, ni une reconnaissance.

Les personnes sont orientées, coachées, rendues « actives », « mobilisées ».
On évalue leur « distance à l’emploi », leur « frein principal », leur « posture professionnelle ».
On leur propose des parcours, des bilans, des remédiations, des remises à niveau.

Et très rarement on leur dit simplement :

« Vous avez votre place ici. Sans condition.
Ou avec… et on va en discuter ensemble. »


Quand l’aide devient surveillance

Ce qu’on appelait la solidarité est devenu conditionnel.

Pour accéder à l’aide, il faut raconter son échec. Reconnaître ses torts. Produire les bons récits. Alors, peut-être, on obtiendra quelque chose : une aide, un levier, une option.

Celui qui parle trop bien est suspect de manipulation.
Celle qui ne se conforme pas est jugée non prête.


Le langage institutionnel dit « accompagnement », or, ce que l’on vit, c’est du contrôle.

Qu’est-ce qui a transformé le champ social en un outil de tri, de gestion des écarts, de moralisation du malheur ?

La Sociale ne protège plus : elle trie, oriente, redresse… ou abandonne.

Et pourtant, quelque chose résiste

Parfois, on tombe sur un lieu. Un lieu modeste.
Pas une vitrine d’innovation. Pas un laboratoire de design public.
Un centre, un établissement, une structure de service public.

Là, on ne demande pas d’avoir un « projet ».
On n’impose pas de narration.
On vous accueille.

Avec exigence, mais sans suspicion.

Dans ces lieux-là, quelque chose de la Sociale persiste.
Non pas par décret, mais par pratiques.

Parce que les personnes qui y travaillent n’ont pas renoncé à croire qu’on peut accueillir sans corriger, écouter sans classer, former sans formater.


Un cri inversé, une fidélité lucide

Alors oui, on peut dire aujourd’hui :

La Sociale est morte.

Elle est morte dans les dispositifs.
Elle est morte dans la fabrique des politiques publiques.
Elle est morte dans les discours qui réduisent les droits à une performance comportementale.

Mais il faut aussi, doucement, sans slogan ni illusion, pouvoir dire encore :

Vive la Sociale.

Pas comme on proclame un avenir assuré.
Mais comme on reconnaît ce qui, dans les marges, dans les plis, dans les gestes têtus, n’a pas cédé.

Pas un espoir.
Une fidélité.

MC

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