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Billet de blog 5 août 2025

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Santé mentale : pourquoi notre République a peur du psychique

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Introduction

Il existe des lieux qu’on ne sait pas bien nommer. Ni institutions, ni structures médico-sociales, ni simples cafés associatifs, ils tiennent debout par la seule force de celles et ceux qui y trouvent un refuge. Des lieux d’accueil inconditionnel, où l’on entre sans diagnostic, sans rendez-vous, sans étiquette. Des lieux où la parole circule librement, et où personne ne commence par justifier son trouble pour exister.

Ces espaces interrogent profondément notre manière d’organiser la solidarité. Et avec elle, une question plus vaste : comment nous traitons celles et ceux qui troublent l’ordre établi — non pas par révolte, mais par fragilité ? Et si ce que nous appelons « santé mentale » révélait en creux la peur persistante du psychique dans nos institutions publiques ? Et si nous sortions des catégories ?

2. L’accueil inconditionnel : une brèche dans le système

L’accueil inconditionnel dérange. Il déroge à la logique dominante des politiques publiques : celle de l’orientation, de l’évaluation, de la preuve. Dans les dispositifs classiques, on accueille sous condition : d’un trouble reconnu, d’un statut administratif, d’un projet individualisé. L’aide devient une réponse calibrée à une demande normée.

À l’inverse, dans ces lieux sans barrières, la relation prime sur la procédure. On entre, on reste, on repart. Ce n’est pas l’aide qui organise le lien, mais le lien qui précède toute aide. Cela ne produit pas nécessairement de la stabilité, mais cela permet un temps de répit, de respiration, parfois de reconstruction.

Or ces formes d’accueil, bien que précieuses, restent périphériques, mal comprises, rarement reconnues. Elles ne rentrent dans aucune case institutionnelle — parce qu’elles refusent d’en imposer aux autres.

2. Droit commun, droits spécifiques : une frontière piégeuse pour le sujet politique du Handicap.

La République aime à se penser comme garantissant un droit égal pour tous. Mais quand il s’agit de santé, d’autant plus si elle est mentale, ce droit commun devient souvent une abstraction inaccessible. Alors, on crée des droits spécifiques : AAH, orientations MDPH, dispositifs adaptés.

Ces droits sont censés compenser. Ils le font souvent, et heureusement qu'ils existent à l'heure actuelle. Mais ils enferment aussi. Ils reposent sur des catégories stables — « handicap psychique », « inaptitude » — qui traduisent une lecture institutionnelle du trouble, souvent éloignée de l’expérience vécue. En créant des parcours dérogatoires, on évite de poser la question centrale : pourquoi le droit commun reste-t-il aussi peu hospitalier aux subjectivités vulnérables ?

Pire encore, ces « droits spécifiques » deviennent parfois un outil de tri social. Ils orientent vers des filières séparées, moins valorisées, moins dotées, plus opaques. Loin d’être une simple réparation, ils actent une forme de relégation silencieuse. Et nombre de personnes concernées finissent par intérioriser l’idée qu’elles n’ont pas leur place « dans le droit commun »

3. Ce que la République ne veut pas voir

Il y a dans le trouble psychique quelque chose qui échappe au cadrage républicain. Trop fluide pour être classé, trop imprévisible pour les cases médico-sociales, le vécu psychique fait peur car il déstabilise les catégories sur lesquelles s’appuient nos institutions : autonomie, rationalité, responsabilité, utilité.

Face à cela, la réaction spontanée est celle de la mise à distance : elle délègue, sous-traite, classe. Les personnes concernées se voient placées dans des structures spécifiques, isolées dans des parcours dits adaptés, mais rarement concertées sur leurs propres désirs, temporalités, modes de vie.

Ce que révèlent les lieux d’accueil inconditionnel — même dans leur fragilité —, c’est la possibilité d’une autre politique du soin et de la possibilité de se supporter les uns le autres. Une politique qui ne commence pas par assigner mais par écouter. Une politique qui reconnaît la complexité du psychique sans chercher à le simplifier dans des critères d’accès.

Conclusion : pour une République hospitalière

Ce texte n’est pas une critique simpliste des politiques publiques. Il est un appel à regarder autrement. À cesser de penser la santé mentale comme un domaine à part, relevant d’un droit spécifique — et donc d’un statut particulier —, et à reconstruire un droit commun réellement hospitalier à la pluralité des existences.

La République aime à se dire universelle. Mais son universalité ne vaut rien si elle ne sait accueillir ce qui déborde, ce qui échappe, ce qui vacille. Il ne s’agit pas d’utopie. Il s’agit de dignité. De démocratie vécue. De cette liberté de conscience que nous brandissons comme un principe, mais que nous avons tant de mal à accorder à celles et ceux qui entendent des voix, vivent des replis, traversent des crises dont les manifestation est traumatisante pour tous.

Accueillir sans condition, ce n’est pas tout accepter. C’est commencer par refuser de trier les vies selon leur conformité aux normes établies. C’est oser dire : tu es là, donc tu as ta place. Et si la République ne peut le faire seule, qu’elle commence au moins par écouter celles et ceux qui, déjà, ouvrent les portes sans poser de questions

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