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Billet de blog 10 décembre 2024

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Une nouvelle fiscalité pour des temps de crise : plus de ressources pour le bien commun

Le système fiscal international actuel est obsolète et injuste, et permet aux entreprises et aux super-riches de se soustraire à leurs responsabilités et de ne pas contribuer à leur juste valeur. L'adoption d'une convention-cadre spécifique des Nations unies est la voie à suivre. Par Magdalena Sepúlveda est directrice de l'Institut de recherche des Nations unies pour le développement social. 

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Vous avez la sensation que le monde est en train de s'écrouler sous vos yeux ? Rassurez-vous, vous n'êtes pas le seul. Partout sur la planète, la situation des droits de l'homme est alarmante : la guerre, des massacres en sus de de catastrophes naturelles et de crises en tous genres dont la résolution exigerait un financement urgent.

Face à cette avalanche de mauvaises nouvelles, le réflexe est partout le même, comme l’indique un récent rapport de Reuters, soulignant que « l'intérêt pour l'actualité continue de décliner, alimentant la déconnexion et l'évitement sélectif de l'actualité ». Il n'est pas difficile de comprendre ces citoyens déconnectés. Les conflits en Ukraine, en Afrique et au Moyen-Orient portent la tension géopolitique à un niveau sans précédent depuis la crise des missiles de 1962.

La menace d'une guerre nucléaire, qui me hantait lorsque j'étais enfant, est plus présente que jamais. La vague de polarisation et de pensées extrêmes menace le multilatéralisme, qui est pourtant le fondement de la coexistence mondiale et de la protection des droits de l'homme. Sans compter que la concentration extrême de la richesse et du pouvoir entre les mains des multinationales et des super-riches érode le système démocratique de gouvernance et prive les États de revenus essentiels pour financer les services publics. Selon un récent rapport d'Oxfam, la richesse des milliardaires a augmenté de 46 % pendant la pandémie de COVID-19, tandis que celle de la moitié la plus pauvre de la population mondiale diminuait de 2,5 %.

A ce stade, plus personne n’a plus envie de s’informer. Et pourtant, il subsiste des raisons d’espérer, des espaces dans lesquels les choses changent, et positivement. Je pense non seulement aux initiatives sociales qui protègent les victimes et l'environnement, mais aussi à l'évolution du système multilatéral mondial.

En septembre, les États membres des Nations unies se sont mis d'accord sur une nouvelle feuille de route pour sauver le multilatéralisme et éviter l'obsolescence dans laquelle l'inaction du Conseil de sécurité des Nations unies ou le lobby des entreprises semblent vouloir le plonger. Dans le Pacte pour l'avenir, les dirigeants mondiaux se sont engagés à créer des mécanismes qui reflètent mieux les réalités du XXIème siècle et qui peuvent répondre aux défis et aux opportunités d'aujourd'hui et de demain. L'objectif déclaré est de parvenir à un avenir plus sûr, plus pacifique, plus équitable, plus égalitaire, plus inclusif, plus durable et plus prospère.

Ces efforts commencent à se traduire dans les faits. Fin octobre, par exemple, l'Assemblée générale des Nations unies a approuvé les termes de référence d'une convention-cadre sur la coopération fiscale internationale, une étape importante vers un système fiscal mondial équitable permettant de collecter les ressources dont tous les pays ont besoin pour combler les écarts de développement, lutter contre les inégalités et faire face aux catastrophes du changement climatique. Les négociations pour faire avancer cette convention-cadre débuteront en 2025, et le nouvel outil devrait être opérationnel d'ici 2027.

Ces progrès sont en grande partie dus aux efforts des pays en développement et des économies émergentes. En seulement quelques mois de négociations à l'ONU, ces pays ont fait des progrès significatifs pour rectifier le système fiscal mondial. On va clairement dans la bonne direction, cette d’une répartition équitable des droits fiscaux entre les pays, tout en garantissant que les pays ne portent pas atteinte aux droits de l'homme avec des politiques fiscales égoïstes et à courte vue.

Ce n’est pas tout : quelques jours auparavant, à Rio de Janeiro, les dirigeants du G20, sous l'égide du Brésil, avaient publié un communiqué qui marquait une étape importante dans la quête mondiale d'une fiscalité juste et progressive, ouvrant la porte à une taxation plus juste des ultra-riches.

La mise en œuvre d'un impôt minimum mondial sur les transnationales et les super-riches et le partage d'informations sur les bénéfices des entreprises sont des étapes cruciales vers une économie plus juste et plus équitable. Le mois dernier, l'Australie a montré qu'elle en était capable en adoptant une législation inédite au monde sur la déclaration publique, pays par pays, des impôts et des bénéfices enregistrés par les entreprises multinationales.

Le système fiscal international actuel est obsolète et injuste, et permet aux entreprises et aux super-riches de se soustraire à leurs responsabilités et de ne pas contribuer à leur juste valeur. L'adoption d'une convention-cadre spécifique des Nations unies est la voie à suivre. De ce point de vue, la présidence sud-africaine du G20 débute ce mois-ci sous les meilleurs auspices, dans le sillage de celle du Brésil.

Est-ce que ces avancées suffiront à prouver aux citoyens déconnectés qu’ils devraient s’intéresser de nouveau aux informations du monde entier ? Je n’en suis pas sûre. Je sais en tous cas qu’il y a des réels progrès, qui nous permettent d’espérer, et de savoir que tout n’est pas perdu. 

(*) Magdalena Sepúlveda est directrice de l'Institut de recherche des Nations unies pour le développement social (UNRISID) et membre de la Commission indépendante sur la réforme de la fiscalité internationale des entreprises (ICRICT).

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