Le couturier japonais Issey Miyake, survivant du bombardement atomique de Hiroshima, exhorte le président américain Barack Obama à venir le 6 août dans la ville martyre pour la commémoration de cet événement tragique qui fit 140.000 victimes. Trois jours plus tard, les Etats-Unis larguaient une seconde bombe nucléaire sur Nagasaki faisant 70.000 morts. Le 15 août 1945, le Japon capitulait, mettant fin à la Seconde Guerre mondiale.
Reconstitution par la BBC du bombardement de Hiroshima
Voici la lettre qu'il a fait parvenir au New York Times.
« UN ECLAIR DE MEMOIRE » par ISSEY MIYAKE
Tokyo, le 14 juillet 2009
« En avril, le Président Obama s’est engagé à rechercher la paix et la sécurité dans un monde sans armes nucléaires. Il a appelé non seulement à une réduction, mais à leur élimination. Ses mots ont éveillé quelque chose d'enterré profondément en moi, quelque chose dont j'ai jusqu'à présent été réticent à discuter.
Je me suis rendu compte que j'ai, peut-être maintenant plus que jamais, la responsabilité personnelle et morale de parler parce que j’ai réchappé à ce que M. Obama a appelé « le flash de lumière ».
Le 6 août 1945, la première bombe atomique a été lancée sur ma ville natale, Hiroshima. J’étais là et j’avais seulement 7 ans. Quand je ferme les yeux, je vois toujours des choses que personne ne devrait jamais éprouver : une lumière rouge vif, le nuage noir immédiatement après, et les gens courant dans tous les sens essayant désespérément de s'échapper - je me souviens de tout. Trois ans plus tard, ma mère est morte des suites des radiations.
J'ai choisi de ne pas partager mes souvenirs ou réflexions concernant cette journée. J'ai essayé, bien que sans succès, de les oublier, préférant penser à créer des choses, non à les détruire, et qu'elles apportent beauté et joie. Je me suis orienté vers le domaine de l’habillement, en partie parce que c'est un format créateur qui est moderne et optimiste.
J'ai essayé de ne jamais être défini en fonction de mon passé. Je n'ai pas voulu être étiqueté comme « le créateur qui a réchappé à la bombe atomique », et donc j'ai toujours évité les questions sur Hiroshima. Elles me mettaient mal à l’aise.
Mais maintenant je me rends compte que c'est un sujet qui doit être discuté si nous devons débarrasser le monde des armes nucléaires. Il y a une mobilisation à Hiroshima pour inviter M. Obama à l’occasion de la journée universelle pour la paix le 6 août - commémoration annuelle de ce jour fatidique. J'espère qu'il acceptera. Mon désir est motivé non pas par le désir de remuer le passé, mais plutôt par le désir que le président américain donne le signal de l'élimination des guerres nucléaires à l'avenir.
La semaine dernière, la Russie et les Etats-Unis ont signé un accord de réduction des armes nucléaires. C'était un événement important. Cependant, nous ne sommes pas naïfs : aucune personne ou pays ne peut, seul, arrêter la course à l’armement nucléaire. Au Japon, nous vivons avec la menace constante de la Corée du Nord, notre voisin nucléaire. Des rapports font état d'autres pays cherchant également à acquérir la technologie nucléaire. Pour qu’il y ait un espoir de paix, il faut que les personnes dans le monde entier se fassent entendre en écho au président Obama.
Si M. Obama pouvait traverser le Pont de Paix à Hiroshima - dont les balustrades ont été conçues par le sculpteur américano-japonais Isamu Noguchi comme un rappel de ses liens envers l'Est et l'Ouest et de ce que la haine entre humains peut engendrer -, ce geste, à la fois réel et symbolique contribuerait à créer un monde qui ne connaîtra plus la peur du danger nucléaire. Chaque pas est un pas en direction de la paix mondiale. »
Issey Miyake est un créateur de vêtements. Cette tribune a été publiée, mercredi 15 juillet dans le journal International Herald Tribune, propriété du New York Times. Traduit du japonais par les membres de son personnel. Traduit de l’anglais par Maguy Day.
Images filmées du largage de la bombe atomique sur Hiroshima, 6 août 1945.
Avant les bombardements, Hiroshima, septième ville du Japon, comptait 340.000 habitants et Nagasaki 250.000.
Un témoin, «le plus connu de la destruction de Hiroshima», a tenté quant à lui de raconter l'indicible. Les Poèmes de la bombe atomique de Tôge Sankichi, que je découvre grâce au billet de Patrice Beray sont depuis quelques mois à peine traduits et édités intégralement en français aux Éditions Laurence Teper.
http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/blog/patrice-beray/120709/poemes-de-la-bombe-atomique