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Billet de blog 31 mai 2020

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Une situation irrespirable pour les familles

Le déconfinement annoncé ne concernerait pas les EHPAD: visites des familles au compte gouttes, avec distanciation physique, interdiction de sorties. Les difficultés cognitives des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ne permettent pas une communication verbale, encore moins une distanciation physique. Il faut un réel déconfinement.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a 1 mois, alors que je n'avais pas revu mon mari depuis le 11 mars, je craignais de m'écrouler le jour où je pourrais enfin l'approcher, le tenir dans mes bras, lui serrer la main dans les miennes- voir mon premier billet.

Paul est dans une Unité de Vie Protégée , un cantou, au sein d'un EHPAD - Etablissement d'Hebergement pour Personnes Agées Dépendantes- depuis 1 an. Il est atteint de la maladie d'Alzheimer et a été diagnostiqué en décembre 2010, alors qu'il était âgé de 59 ans. Maladie d'Alzheimer forme génétique. Rare.

J'ai accepté les règles du jeu pendant le confinement : la santé du personnel et des résidents était prioritaire...tout le monde en France , à de très rares exceptions , a accepté de sauver des vies, de ne pas engorger les couloirs de notre pauvre hôpital dépouillé depuis tant d'années de ses fonctions vitales!

Depuis la première phase du déconfinement - le 11 mai - j'ai encore accepté d'attendre, d'être sûre que l'épidémie régresse, que les conditions de sécurité sanitaire soient vérifiées, que les masques, les tests soient enfin au rendez-vous.

Il m'était alors seulement possible de voir mon mari, à 3 mètres de distance, 2 tables de longueur nous séparant, à travers un grillage... j'ai refusé l'offre : il me semble qu'il y avait plus d'inconvénients que d'avantages, plus de matière à souffrance que des instants de bonheur à prendre et à donner. Pour communiquer réellement avec mon mari, c'est par le corps que ça passe : les caresses du visage, les mains qui se serrent, le bras qu'on passe autour du bras... le "care" anglosaxon, l'accompagnement, le lien, notre humanité animale. Pas d'écran.

J'ai patienté, même si mon équilibre affectif a été mis à rude épreuve.

J'ai à maintes reprises demandé à pouvoir seulement le sortir, pour l'emmener se promener autour de l'EHPAD, en ayant été testée, si besoin, avec masque. Refus, pas d'autorisation donnée par la toute puissance de l'Agence Régionale de Santé.

J'ai patienté. Encore.

Mais depuis l'annonce faite par le premier ministre d'un déconfinement généralisé à partir du 2 juin, SAUF POUR LES EHPAD, je ne veux plus accepter de patienter encore des semaines, voire des mois!

Alors que nous sommes dans une situation où le risque est minime, que nous avons peut être seulement un répit - car qui peut prévoir ce qu'il va advenir cet automne, si une deuxième vague d'épidémie déferle à nouveau, confinement total des EHPAD, etc... - il n y a toujours pas de réelle avancée dans les mesures proposées aux familles : interdiction de sortie, prises de rendez-vous, visites parcimonieuses, distanciation obligatoire !

Le personnel, lui aussi, ne comprend pas !

Combien de fois j'y suis allée, avant l'épidémie, pour être présente, faire ce maillage avec les aides soignantes, qui sont toutes admirables, pour apporter ensemble le plus d'humanité et de réconfort à Paul, qui est perdu, sans moyen de se repérer, de s'orienter, qui est si vulnérable...

Combien de fois j'y suis restée le soir pour l'aider à prendre ses repas, pour soulager le personnel qui est en nombre tellement insuffisant?

Une pétition circule. Combien faudra-t-il de signatures pour que cesse cette situation irrespirable ?  

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