Cela doit faire mille pages bon poids, et plus du double si on prend en compte plusieurs témoignages format XXL qui sont de l’ordre du récit de vie, du retour réflexif sur les années 68, ou encore des collections de tracts. Et si la beauté de l’automne tient dans des palettes de teintes, on peut dire deux choses de celles de vos témoignages. Ils ont gardé les couleurs de Mai… disons dans les rouges, orangés, carmins – un peu de noir aussi, oui ‒, même si le vif s’est parfois estompé. Le nuancier est dans les lieux d’observation – lycées, universités, usines, bureaux, rues, quartiers, casernes, villages, villes moyennes, grandes villes, etc. –, ainsi que dans les tons où l’on trouve l’humour, la dérision, la nostalgie, la fierté. En assumant la répétition de notre appel, nous, premiers lecteurs, avons vraiment eu un privilège, celui de découvrir des témoignages forts, émouvants, éclairants. Merci du temps, de l’exercice de mémoire et de l’investissement personnel que vous y avez mis.
L’équipe constituée autour des Éditions de l’Atelier poursuit son travail. Elle a commencé à esquisser ce que pourrait être l’organisation d’un livre reprenant beaucoup de ces témoignages. Il combinera des séquences liées à des thèmes (Mai dans les usines et entreprises, Mai comme moment où certitudes ou identités personnelles vacillent) et d’autres liées à des regards : de quoi se souviennent les enfants ? Qu’ont perçu ceux qui étaient loin socialement ou spatialement de l’action ? Nous allons aussi essayer de faire de ce livre le rappel de ce qu’était la force créatrice de l’événement, et d’y donner à voir la profusion de paroles de Mai intégrant des photos, des documents, extrayant parfois d’un mail ou d’un courrier une formule, une de ces phrases qui font mouche, cristallisent l’inexprimé.
Vous avez donc compris que nous allons parfois « éditer » vos témoignages, ce qui ne veut dire ni les censurer, ni les charcuter mais essayer, d’autant qu’ils sont nombreux, d’en tirer ce qui contribuera le plus à illustrer la palette des expériences et souvenirs de Mai, en essayant de rendre compte au mieux de la variété des terrains, des engagements, des émotions ressenties, des regards rétrospectifs. Aucun témoignage ne sera pour autant abandonné à ce que Marx nommait « la critique rongeuse des souris ». Médiapart, de son côté, va publier, à partir du mois de janvier 2018, et selon des modalités que sa rédaction vous précisera, l’intégralité du flux de messages reçus… ne laissant de côté, dans un premier temps, que ceux que vous retrouverez sous la forme livre.
À suivre donc ! Cinquante ans après vous rendez possible une mémoire qui s’annonce bien davantage qu’un exercice morose ou narcissique de la nostalgie : vous reprenez la parole !
Le comité de pilotage « Mai 68 par ceux qui l’ont fait »