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Billet de blog 16 décembre 2022

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Mon féminisme est anti-carcéral

Je ne peux me résoudre à la réjouissance d’une condamnation de toute personne, même d’un homme condamné pour violences conjugales, même d’un homme condamné pour viol. Explications.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je ne peux me résoudre à la réjouissance d’une condamnation de toute personne, même d’un homme condamné pour violences conjugales, même d’un homme condamné pour viol.

Les féminismes vont au-delà de l’égalité de genre ; les féminismes s’intéressent à l’écologie, au capitalisme, au racisme, à l’inclusion et la protection de l’ensemble des droits humains, dans une réflexion philosophique et politique intersectionnelle. La lutte contre les pratiques carcérales doit en faire partie.

Des violences systémiques contre les femmes

S’engager contre les violences sexistes et sexuelles faites quotidiennement aux femmes et s’engager pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes se traduit par de nombreuses actions et de positionnements politiques et idéologiques, notamment par la dénonciation des personnes violentes, sexistes, machistes.

Ces comportements doivent cesser, les mouvements féministes le clament depuis leurs origines.

Encore aujourd’hui, 1 femme sur 3 a été victime de harcèlement sexuel dans un lieu public, 94 000 femmes sont victimes de viols ou de tentatives de viol au cours d’une année, dans 91% des cas ces atteintes sont perpétrées par une personne connue de la victime, 82 % des morts au sein d’un couple sont des femmes.

Tous ces actes, ces infractions au sens pénal, se produisent trop souvent dans l’impunité totale de leur auteur. Seules 12 % des victimes ont porté plainte et moins de 1% des viols déclarés font l’objet d’une condamnation.

Dénoncer pour protéger

Une condamnation sociétale, une interpellation des auteurs de violence, une conséquence en droit du travail, une démission d’un poste à responsabilité sont absolument nécessaires afin de protéger les victimes et d’empêcher des éventuelles récidives des violences.

Nous ne pouvons plus être représenté-es dans les institutions et les ministères par des hommes condamnés (pénalement ou publiquement) pour des actes violents commis envers des femmes. Leur devoir d’exemplarité en tant que citoyen est de se mettre en retrait pour protéger les victimes et entamer un travail psychologique personnel et surtout tout faire pour changer.

Pourtant la réponse pénale (qui n’est de toute façon pas à la hauteur) ne peut être une solution et une requête systématique.

Anti-carcérale pourquoi ?

Nous ne pouvons souhaiter aucun emprisonnement, de quiconque, lorsque les prisons sont surpeuplées et trop souvent laissées dans des états délabrés. La France est à ce titre régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour l’état indigne de ses prisons.
Cette semaine encore, il n’y avait pas de chauffage entre 23h et 5h dans les cellules de la prison d’arrêt de Carcassonne, une des prisons les plus surpeuplées de France avec environ 220% de densité carcérale.

La réponse pénale ne peut être une solution quand les prisons sont des espaces de violence, de stigmatisation, de domination, de mauvaise prise en charge des détenus, sans qu’épanouissements personnels et culturels ne soient permis.

La réponse pénale ne peut être une solution quand les accompagnements vers une réinsertion ne fonctionnement pas (quand ils existent) et que les épouses, mères, sœurs des détenus - à 97% des hommes - doivent subir d’autant plus la charge familiale, mentale et matérielle en l’absence de leur proche.

Surtout, les prisons ne peuvent protéger les citoyen-nes d’un Etat, si en leur sein l’Etat reproduit des violences matérielles, physiques et psychologiques, en toute méconnaissance de ses obligations internationales et en bafouant les droits et la dignité des détenus.

L’action pénale est davantage une nécessité de protection de la société contre des actes violents en son sein, ce ne peut évoluer vers un appel des victimes à réparation (c’est ici le rôle des juridictions civiles). D’autant que la prison ne protège pas la société, tel que le taux de 40% de récidive des personnes condamnées nous le montre.

Se déconstruire pour se reconstruire

Alors dans mon engagement féministe contre les violences systémiques faites contre les femmes, je ne souhaite pas appeler à perpétuer des violences contre les autres, même contre les agresseurs et violeurs de mes sœurs de lutte.

Ces harceleurs, agresseurs, violeurs sont mes frère, collègue, ami, ex-compagnon ... Ce sont vous qui lisez ces mots et qui peut-être n’avez pas encore conscience des violences que vous perpétrez dans votre intimité et face auxquelles nous restons silencieuses.

Les masculinités sont intrinsèquement violentes dans cette société patriarcale. De ce constat, appuyé chaque année par les chiffres, l’information et la formation est l’enjeu primordial de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles : s’informer sur les violences, les mécanismes de domination – éduquer au respect de l’autre et de soi, à l’empathie, au comportements sexuels – ainsi se déconstruire pour mieux se reconstruire dans une société égalitaire où la violence n’a pas (plus) sa place.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.