Association de défense de l’Environnement et de l'Homme, des milieux naturels terrestres, aquatiques et marins de la Guyane.
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COP30 au Brésil et biomascarade en Guyane
Alors que tous les regards se tournent vers Belém qui accueille la COP 30, deux associations guyanaises rappellent l’incompatibilité du projet d’exploitation des bois immergés du lac de Petit Saut, conduit par VOLTALIA et sa filiale TRITON, avec les engagements de la France en matière de lutte contre le changement climatique et pour la préservation de la biodiversité.
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A ce titre, deux procédures sont engagées contre la préfecture de Guyane et l’industriel pour demander de se conformer au droit de l’environnement et de suspendre l’exploitation en l’attente d’obtention des autorisations environnementales.
La loutre géante dans le lac de Petit Saut (Guyane).
Agrandissement : Illustration 1
Un référé pénal environnemental : une première en Guyane
En mars 2025, alors que nous avions constaté de nombreux non-respects des engagements de TRITON à ses propres mesures environnementales, nos deux associations se sont mobilisées pour saisir madame le Procureur de la République d’une plainte assortie d’une demande de mise en œuvre de la procédure de référé pénal environnemental. Cette procédure permet de suspendre en urgence des activités causant des dommages environnementaux. Notre requête s’appuyait sur plusieurs situations d’exploitation à proximité immédiate de sites de nidification d’oiseaux protégés et de lieux de vie des loutres géantes, espèces classées « en danger » d’extinction sur la liste rouge de l’UICN. Elle s’appuyait également sur l’exploitation à proximité immédiate des loutres elles-mêmes, situation pourtant proscrite par l’autorisations délivrée par la préfecture.
En avril 2025, TRITON a présenté ses derniers plans d’exploitation qui prévoyaient la destruction de nichoirs d’espèces protégées d’oiseaux, probablement non détectés par l’industriel et ses sous-traitants, lesquels se vantent pourtant de leurs nombreuses études sur la faune du lac. Malgré notre alerte sur les risques de destruction de nichoirs, TRITON a détruit deux nichoirs d’oiseaux protégés en août 2025. Ces faits ont déclenché l’enquête pénale, toujours en cours.
Les risques de destruction étaient pourtant connus de longue date, notamment relevés par l’Office Français de la Biodiversité en 2019 et en 2023.
Lac de Petit Saut - Guyane
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L’inaction de la préfecture quant aux atteintes à la biodiversité : un nouveau recours au Tribunal Administratif
En juin 2025, monsieur le Préfet de Guyane a accordé une audience à l’Association Préservons Petit Saut, laquelle lui a présenté les dommages environnementaux causés par l’exploitation, ceux à venir, ainsi que des propositions pour permettre une exploitation minimisant fortement les risques de destruction et de perturbation des espèces protégées. La préfecture de Guyane, au courant de cette situation depuis plusieurs années, à nouveau saisie et sommée d’agir, a de nouveau choisi de laisser faire l’industriel, faisant fi des revendications de l’association et du droit de l’environnement. Nos deux associations ont donc déposé une requête auprès du Tribunal Administratif de la Guyane pour demander que la société TRITON soit mise en demeure de déposer une demande d’autorisation environnementale et une demande de dérogation à la perturbation d’espèces protégées, ainsi que d’ordonner une suspension des activités en l’attente de l’obtention de ces autorisations.
lac de Petit-Saut Guyane - Maiouri Nature
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Un bilan carbone explosif
Forts de trois années d’étude, les experts scientifiques de l’Office Français de la Biodiversité ont démontré que l’essentiel des gaz à effet de serre émis par le lac de Petit Saut provenait du sol et non des bois sur pied ; c’est pourquoi le retrait des bois n’aura pas l’impact positif de réduction d’émissions de GES vanté par le projet.
Bien au contraire, cette étude a démontré que l’exploitation des bois allait contribuer à la destruction d’un puits de carbone en extrayant les biofilms photosynthétiques présents à la surface des bois récoltés.
Lac de Petit Saut - Guyane - Maiouri Nature
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Quelques chiffres clés du projet : un non-sens écologique
Incohérence avec la Stratégie Nationale pour la Biodiversité
- L’étude d’impact financée par l’industriel a « oublié » plus de 99,8% de la superficie du projet. Le bureau d’étude mandaté concluait qu’une autorisation environnementale n’était pas nécessaire. La préfecture a validé de telles énormités.
- Les mesures environnementales de TRITON, proposées par son sous-traitant en charge de l’étude de l’avifaune, négligent 95% des espèces protégées d’oiseaux du lac.
- En 2023 et 2024, les recensements réalisés par le sous-traitant de TRITON en charge de l’étude des loutres géantes (espèces protégée et menacée d’extinction) n’avaient pas détectées 70% des catiches. Depuis, l’administration a obligé TRITON à prendre en compte les recensements menés par l’OFB, réduisant en partie l’exploitation. Cependant, l’OFB n’ayant prospecté exhaustivement que sur une petite zone du lac, que se passera-t-il ensuite pour les loutres, alors que tout reposera sur les études lacunaires de TRITON ?
- Mort d’un faucon des chauves-souris (espèce protégée) en zone d’exploitation et destruction de deux nichoirs d’espèces protégées d’oiseaux, dont une est protégée avec habitat.
- 2 plaintes et 2 actions en justice en cours, en attente de jugement.
Lac de Petit Saut - Guyane - Maiouri Nature
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Incohérence avec la Stratégie Nationale Bas Carbone et les engagements de la France dans l’Accord de Paris
- Plus de 92% du bois récolté est destiné à alimenter la centrale biomasse. Moins de 8% est destiné à la production de bois d’œuvre, dont l’essentiel à l’export, d’après les documents de TRITON.
- Sans exploitation, les bois immergés perdent moins de 0,3% de leur carbone par décomposition chaque année, tandis que la combustion de ces bois pour la production d’électricité rejettera instantanément 100% du carbone, sous forme de C02, contribuant massivement à l’augmentation des émissions de GES de la Guyane.
- Le projet de TRITON / VOLTALIA vise à substituer 8% de la production électrique du littoral guyanais (donc sans apport de production électrique pour le territoire), entraînant ainsi, à production constante, 30% d’augmentation d’émissions de GES du mix énergétique guyanais.
- Avec un facteur d’émission de plus de 1 500 tCO2eq / GWh, le projet TRITON / VOLTALIA émet :
- 2 fois plus de GES qu’une centrale thermique au fioul
- 50% de plus de GES qu’une centrale thermique à charbon (1)
Alors que monsieur le Président de la République déclarait, en ouverture de la COP 30, qu’il était « indispensable de sortir du charbon qui est la source la plus émettrice de GES », nos associations rappellent que la combustion de bois à des fins de bioénergies est bien plus émettrice encore.
C’est pourquoi nous renouvelons notre demande de faire cesser ce projet de « sur-carbonation » et de destruction de la faune guyanaise, un projet incohérent avec les annonces présidentielles et les engagements de la France dans la lutte contre le changement climatique, obligations juridiques des Etats signataires de l’Accord de Paris, comme l’a rappelé la Cour Internationale de Justice.
Hasard du calendrier, le 12 novembre, une mission d'information, présentée par les député.e.s Mme Julie OZENNE et M. Freddy SERTIN, rendait son rapport sur l'état des cours d'eau.
En page 108 (voir Capture d'écran ci-dessous), la mission alerte sur les conséquences de l'exploitation des bois immergés : sur la biodiversité, l'écotourisme, l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre et cette erreur de prétendre à une énergie renouvelable lorsque l'on brule du bois mort.
Nos associations se satisfont de constater que l'alerte que nous lançons depuis 4 ans est enfin portée au plus haut niveau de l'Etat.