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Billet de blog 12 février 2015

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Vous avez dit "laïcité ?"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

MAJZER Jean-Pierre 

Professeur honoraire, docteur ès lettres                                                   Le Fenouiller, le 6 février 2015

31 rue des Sorelles

85800 Le Fenouiller                                                         

                                                                   Madame la Ministre,

       Si j’ai honneur de m’adresser à vous, c’est par devoir. Permettez-moi de vous interroger au sujet d’une réalité que vous n’ignorez sans doute pas.

N’est-il pas vrai que l’unité nationale est indivisible?

Le code postal de la Vendée – terre d’"expérimentation", d’"exception", qui n’a pas servi de leçon mais de modèle – situe l’origine géographique et la dimension politique de cette démarche qui dépasse  la limite des « quartiers ». Elle ne naît pas d’un intérêt personnel : elle vise l’intérêt général. Elle concerne notre pays, dont l’Alsace-Moselle, la Guyane, Mayotte font également partie.

Enseigner partout la laïcité ?

Plus d’une vingtaine de communes de notre département sont privées d’école publique. Le chantage à l’emploi, les menaces en tous genres pèsent sur les familles, contraintes de "choisir" l’école catholique, de se taire, et de payer la scolarité. Pourtant, les salaires sont ici parmi les plus bas et les syndicats souvent jugés indésirables. Réalité et soumission obligent, étouffant la « liberté d’opinion » et « d’expression ».

Quelle citoyenneté ?

L’enseignement supérieur catholique, florissant, accueille les jeunes les plus aisés, souvent les plus pratiquants et les plus militants, favorables aux thèses de l’extrême droite. Ici, se vérifient les liens entre école et société – un système éducatif qui conforte les injustices sociales et "consacre"  les communautarismes. Financées par les deniers publics, sans contrôle, les écoles catholiques soumettent leur personnel à la formation d’une élite conforme à leur choix idéologique.

 La « refondation » et ses rythmes bons pour l’enfant ?

Pourquoi tant d’enfants sont-ils alors « oubliés » ? Pourquoi n’imposez-vous pas la réforme à l’enseignement privé ?  Il suffirait d’invoquer l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant, dont « l’intérêt supérieur» doit toujours prévaloir.

Vous avez dit « mixité sociale » ?

Mais comment faites-vous quand les plus riches sont à part, quand les familles de pensée sont séparées ? Un peuple, une Nation : c’est tout le monde. C’est d’ailleurs au peuple que renvoie le substantif laïcité. En séparant, en finançant les groupes confessionnels, devenus des sanctuaires, et malheureusement parfois des cibles, le système éducatif actuel contredit ce qui est dit. Il détourne l’argent public, hypothèque les chances de rencontre et d’estime.

          Ne vivons-nous pas une période étrangement favorable à un profond changement ?

          Malgré le renoncement de François Mitterrand, l’idéal et l’exigence demeurent. Après « le mariage pour tous », tout à l’honneur de votre gouvernement, après les drames récents, le moment est venu de prendre une décision historique : la fondation d’un grand service public, unifié et laïque, dont la France, réunie après "Charlie", n’est peut-être pas si loin, et dont elle a grand besoin. Le moment est venu de dire que c'est à l'école pour tous que "la vie commune" commence, que l’on y apprend ensemble à vivre ensemble. Qui, de bonne foi, peut rejeter une telle propédeutique à l’esprit de concorde ? À ceux qui redouteraient la « guerre scolaire », dites-leur qu’elle est ailleurs, et qu’il nous faudra toujours "armer" et pacifier les esprits.

Madame la Ministre, alors que se prépare le cent-cinquantième anniversaire de la Ligue de l’enseignement, avec des millions de Français, j’attends, non pas d’autres mesures, mais la preuve que vous avez "pris la mesure" de l’urgence de cette noble édification laïque, qui donnera corps et âme au triptyque de la République. Il vous appartient de faire entendre la voix de l’État, pour que, sans tarder, ordre soit donné de créer des écoles publiques, et que les premières pierres soient posées. Avec le ciment laïque.

Je vous remercie à l’avance et vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

                                                                                                                          Jean-Pierre Majzer

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