A quel moment s’inscrit la culture pour un sujet?
La culture c'est ce qui reste quand on a tout oublié, nous allons prendre cet aphorisme comme étant l’hypothèse qui définit peut être le mieux et depuis très longtemps le concept de culture. Si nous analysons bien cet aphorisme, la culture serait la conséquence de l’oubli. Donc c’est l’oubli qui produit la culture! Et qu’Est-ce que l’oubli et qu'est ce qui reste après l'oubli, ou plutôt ce qui résiste à l'oubli : c'est le rée! Et qu'est ce que le réel? Voilà plusieurs équations à résoudre . L’oubli c’est peut être l’inconscient, une autre hypothèse; et si c’est l’inconscient, de quel inconscient s’agit-il? Inconscient collectif ou inconscient singulier?
L’inconscient ce golem de Freud, est un lieu, au sens topologique du terme, il a un commencement désigné par le trauma, le bing bang de la rencontre, comme au mont Arafat ou se rencontrèrent Adam et Eve après leur expulsion du paradis, lieu de la jouissance suprême, selon la tradition musulmane. Le trauma est l’instant T de la rencontre entre le verbe et la chair que symbolisent les juifs par la circoncision chez le garçon dés sa naissance - rencontre avec Elohim - et que célèbrent plus tard vers l’âge de trois à cinq ans, les musulmans, toujours chez le garçon, mais cette (castration) musulmane n’a pas le même poids religieux que chez les juifs, elle est une simple tradition empirique, on dit que le prophète Mohamed est né circoncis. On voit bien que dans ces deux religions, l’inconscient n’intéresse que le garçon, comme si l’inconscient ne s’inscrit que chez le fils, la fille est exclue! Elle n’a pas d’inconscient! Ce à quoi répondent avec provocation certaines traditions d’islam d’Afrique ou la pratique de la circoncision des filles est licite. Elle est licite dans certaines régions d’Egypte et du soudan, survivance d’une pratique ancienne, on a retrouvé un papyrus qui date de 163 Av J-C qui parle de la circoncision de la femme en vue du mariage. Elle existait aussi chez les juifs et en Arabie. Cette pratique existe toujours, on l’appelle aujourd’hui le piercing .Donc la circoncision est la célébration de la rencontre entre le verbe et la chair, entre l’être et dieu, en jetant en pâture un morceau de prépuce! C’est comme ce petit lézard, qui quand il se sent menacé, il détache sa queue qui se tortille dans tous les sens, et pendant ce temps, lui, il prend la poudre d’escampette . La queue, d’abord et chacun se sauve comme il peut !On perd la chair pour avoir un nom, pour avoir une alliance avec dieu, on perd la chair pour avoir une passerelle vers dieu, lieu de la vérité et du savoir, trésor des signifiants disait Lacan . Dieu est l’inconscient et il est inconscient disait Nietzsche dans son fameux dieu est mort . On dit que la psychanalyse est un accident de pensée occidentale, elle n’a rien d’un accident quand on sait qu’elle a été conceptualisée par le fils d’un talmudiste, et comme l’était aussi son compagnon de route l’infortuné joseph Breuer. Freud a inventé la psychanalyse autour de cette question du refoulement : l’oubli, le sujet oublie ce qui traumatise, il refoule, il refoule quoi, il refoule le réel! Et c’est quoi le réel? Le réel c’est cette part du langage qui n’est pas aseptisée qui n’est pas affranchie d’une part du réel, d‘une part d‘innommable - d’une part maudite. Imaginons une marée noire en haute mer, cette marée noire serait comme une enclave en mer, la mer représente l’inconscient, la nappe langagière, le trésor des signifiants. Et les boulettes de goudron seraient cette part du réel qui arrive sur la plage, la plage représente le corps, la bouche et autres orifices et tuméfactions avec ou sans prépuce . Cette caricature est manichéenne, le réel n’est pas noir, n’est pas diabolique mais quelque chose d’innommable. Le réel c’est le retour du refoulé, c’est le dégazage de l’inconscient! Et ces boulettes de goudron, il faut bien les éliminer, et l’action : stocker, diluer, nettoyer, c’est l’Art et la manière: c’Est-ce qui reste quand on a tout balayé! Freud disait que la culture c’est la sublimation, la sublimation c’est une usine de traitement des déchets du réel, c’est tout un art, imaginons des déchets qui ne s’éliminent jamais, comme les déchets nucléaires qui continuent à rayonner pendant longtemps, longtemps, très longtemps, tel des gravures rupestres, les œuvres des grands peintres sont faites du même métal, de quelque chose qui n’est pas intramondain, c’est une peinture faite avec une poussière de réel, comme d’une poussière d’or . C’est aussi le cas des œuvres littéraires qui sont faites de résidus de lettres et de lettres au sens singulier du terme. La littérature nous intéresse, non pas parce que c’est bien écrit, non pas parce que c’est une belle histoire, l’histoire, n’est qu’un prétexte, elle nous intéresse par ce que nous sommes fascinés par ce défilé de lettres, l’une après l’autre, l’une entourant l’autre, comme dans la calligraphie, ou l‘une sur l‘autre comme dans les mathèmes et l‘art des mathématiques . Et dire que mon nom est une simple juxtaposition de quelques lettres .C’est pour cette raison peut-être, que chez les Hébreux, dieu, cet amoureux de la littérature se cache incognito au milieu des lettres, le nom de dieu ne peut pas s’écrire, nom de dieu! Et en Islam Certaines sourates du Coran, débutent par quelques lettres singulières et énigmatiques . Et que dire du bégayeur, cet autre amoureux des lettres, il ne lâche pas une, il résiste, comme le pieux égrainant son chapelet, il tord les lettres, l’une après l’autre jusqu’à l’essoufflement . Et que dire de la musique, des résidus de notes qui s’infiltrent dans les tréfonds du silence, un psychanalyste dramaturge, Alain Didier Weil disait : La musique c’est l’écriture du silence, quand j’écoute la musique c’est elle qui m’entend . La musique c’est une autre forme de dégazage, c’est le dégazage du silence et les boulettes de goudron, ce sont les notes ! C’est aussi le cas de la danse qui déplace l’espace réel, la danse déplace le vide! La danse c’est le dégazage du vide et le corps du danseur représente les boulettes de goudron qui dansent et qui s’amusent au gré des notes musicales, deux sortes de boulettes de goudron qui se mélangent à l’infini, au point de combler la totalité du vide . Comme les planètes astrales qui dansent et déplacent le vide sidéral . Ou comme des sacs en plastiques ballotés au gré du vent et qui décrivent toute une chorégraphie, c’était la splendeur du film Américain Beauty . La danse du ventre, c’est le ventre qui rempli et déplace le vide .Dans les danses primitives c’est le fétiche qui danse et qui déplace le vide, c’est la danse du fétiche . Le fétiche par définition c’est un objet mort qui comble le vide, la totalité du vide, comme chez le fétichiste sexuel . Beaucoup de danses utilisent des objets comme les castagnettes du Flamenco et autres costumes et sabres et masques utilisés comme fétiches, comme blasons pour déplacer le vide, conjurer le vide et - les mauvais esprits - conjurer le réel . La danse classique c’est le saut et l’annihilation de la gravité, une lutte acharnée et rythmique qui déplace le vide vers le haut, toujours vers le haut . Le vide peut être remplacé par la glace, le danseur sur glace déplace la glace comme on déplacerait des montagnes .C’est aussi le cas des danseuses dans l’eau, c’est toujours le vide remplacé par l’eau ou par le feu chez les danseurs, cracheurs de feu . Et chez les derviches tourneurs, c’est leur costume, leur foustène qui occupe et déplace la totalité du cosmos, c’est une danse cosmique, c’est le dégazage du cosmos, de tout le cosmos !Et chez les argentins, dans le tango, c’est le regard qui déplace le vide, œil pour œil et la totalité des regards est comblée . Et que dire de l’art cinématographique : Si dans l’écriture, le réel laisse une trace qui a du mal à s’inscrire, une lettre fait appel à une autre lettre à l’infini, un mot fait appel à un autre mot à l’infini, comme Robinson Crusoé qui marchant sur le sable au bord de la plage voit sa trace s’effacer par les vagues; dans le cinéma le réel tente de s’inscrire par le biais d’un défilé d’images à l’infini et l ‘histoire n’est qu’un prétexte . Le spectateur voit des images, il voit des scènes, entend des sons, le spectateur regarde le réel, le cinéma est une fenêtre sur le réel, fenêtre sur cour disait Hitchkoch . Le cinéma, réduit la totalité de mon corps, il sépare les yeux du reste du corps, je deviens une paire d’yeux qui regarde le reste du corps pris dans la scène du film . Le cinéma est basé sur la coupure : coupez - cut .
C’est une fabrique de couteaux, de flingues, épées, sabres et autre…C’est l’usine de la coupure . Le cinéma c’est l’art de la coupure . C’est la mise en scène de la coupure .
Le septième art c’est la coupure du réel, c’est le dégazage de l’au-delà : des corps qui flottent partout . faire un film c’est tuer à peut prés tout le monde, faire disparaitre et nettoyer après, disait Gérard Depardieu - c’Est-ce qu’on a vu dans pulp fiction, Fargo ect … - Dans la majorité des films, il y a au moins un cadavre, qui flotte quelque part ou dans un placard .
Dans le cinéma on a exhumé les corps, c’est comme au dix septième siècle quand on a commencé à ouvrir les cadavres, c’était la naissance de la clinique, la clinique du regard . La frontière entre les morts et les vivants à tendance à disparaitre, c’est la disparition du sacré qui n’est plus assigné à résidence de l’au-delà . C’est tout un art, puisqu’on a réussi à faire bouger de place le sacré . Il faudrait faire appel à une nouvelle Antigone pour créer une sépulture .
L’art, c’est crasseux, il faut mettre la main dans le combouis . L’art n’est pas beau et n’a pas besoin d’une glace, il n‘est que sidération, fascination et coupure d’avec soi-même, il est l’anti Narcisse et ne meure jamais . L’art réussi là ou le pervers échoue !
Et la culture dans tout cela : c’est la célébration de la sidération, célébration de la fascination, célébration du dégazage, de tous les dégazages, de génération en génération … c’est l’inconscient collectif .