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Billet de blog 4 octobre 2024

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Les boucliers humains ont disparu

Des otages ne dissuadent pas une armée de pilonner leurs lieux de détention. Ils ne sont en rien des boucliers et ils ont perdu leur humanité.

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Le 2 août 1990, le vol Bristish Airways 149, avec 385 occupants, est resté au sol après son atterrissage à Koweit. Ces malheureux ont été utilisés par les Irakiens comme des boucliers humains, pour interdire à leurs adversaires de mener des opérations offensives pendant la guerre du Golfe qui a suivi. Un bouclier étant destiné à protéger, on a pris l'habitude d’appeler boucliers humains des otages destinés à dissuader l’adversaire d’attaquer  les zones où ils sont détenus.

On admet généralement que les guerres sont soumises à des lois. Même si elles sont communément violées, on peut cependant en rappeler quelques-unes :

  • La guerre doit épargner les civils. Il faut donc s’abstenir de prendre comme objectifs des hôpitaux, des écoles, des lieux de culte et autres points de rassemblement.
  • Il faut préserver la vie d'un combattant qui s’est rendu et, s‘il est blessé, le soigner.

Il arrive que des troupes utilisent indûment cette protection pour se mettre à l’abri des opérations adverses. Cela n'autorise pas pour autant l’attaquant à frapper ces zones. On appelle les civils qui sont alors blessés ou tués des victimes collatérales. Si leur sort résulte de la traîtrise de ceux qui les utilisent, elles ne sont pas latérales, c‘est-à-dire, à côté, mais, au contraire, au centre des cibles. Ceux qui commettent ces meurtres sont aussi  criminels que leurs adversaires. 

Ce terme de bouclier humain est à proscrire : ce qu’il désigne n'est pas un bouclier, puisqu’il ne protège personne, et il n’est pas humain car il réduit des êtres vivants à des nombres abstraits. En 2005, le film Munich de Steven Spielberg narre sa version de la traque par le Mossad des terroristes palestiniens qui avaient assassiné onze athlètes israéliens lors des Jeux olympiques d'été de 1972. Un épisode montre un des agents renonçant à sa mission lorsqu’il comprend qu’une enfant est présente près du téléphone piégé pour supprimer un des assassins. Ce genre de scrupule n’effleure pas le sinistre Netanyahou lorsqu’il sacrifie, pour assouvir sa vengeance, des otages victimes de son incurie.

Arte a diffusé le 1er octobre un documentaire bouleversant intitulé « Israël et Gaza, une année en enfer ». On y découvre, parmi des rescapés du 7 octobre 2023, un adolescent libéré après un séjour dans un tunnel à Gaza, le regard vide et apeuré. Un jeune palestinien nous y présente une vidéo dans laquelle on entend gazouiller Alya, une de ses cousines, une adorable enfant de deux ans, tuée depuis par une frappe israélienne. On voit aussi, assis effondré dans les ruines de son hôpital, un chirurgien gazaoui égrenant les noms de ses proches écrasés par des bombes. Cette vision tragique nous rappelle une image vieille de quatre-vingts ans, celle d’un rescapé des camps de la mort apprenant à son retour que sa famille avait été anéantie.

Les nombres que l’on nous livre quotidiennement sont désespérément secs et froids. Ils ne nous font pas hélas prendre conscience du drame effroyable qui se déroule aujourd’hui au Proche-Orient. 

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