Le point principal du projet du gouvernement est le recul de l’âge légal de départ à la retraite. Cet âge est celui où un actif peut faire valoir ses droits à la retraite. Le départ en retraite a un double effet négatif sur l’équilibre d’un système de retraite par répartition : il diminue le nombre des cotisants, donc réduit la ressource, et augmente celui des pensionnés, donc la dépense. Un cotisant prend sa retraite librement ou y est contraint.
On constate en France qu’en 2021, à l’âge de 55 ans, seuls 59,7% des personnes concernées sont encore en activité. Ce nombre n’étant pas significatif en soi, il faut le rapprocher d’autres : si l’on se reporte à un tableau extrait d’Eurostat le 21 avril 2022, il faut hélas relever que seize pays de l’Union européenne font mieux que le nôtre, avec pour tous un taux d’activité supérieur à 64,1%. Parmi ceux-ci, on remarque le pays le plus actif, la Suède, avec un taux de 82,5% et un autre, auquel on nous compare parfois, l’Allemagne, avec un taux de 74,1%. Est-il possible de ne pas percevoir que c’est avant tout le faible taux d’emploi de nos seniors qui menace l’équilibre de notre système de retraite par répartition ?
N’y aurait-il personne au Conseil d'Orientation des Retraites pour clamer très haut une vérité aussi aveuglante ? Il me semble qu’un élève de cours élémentaire comprendrait ceci : la meilleure façon d’assurer l’équilibre d’un système de retraite par répartition est de favoriser l’emploi des seniors. Ce n’est pas une loi votée à la hâte qui le permettra mais plutôt la définition et la mise en œuvre d’une politique de l’emploi.
Notre gouvernement très peu sagace dispose malgré tout d’une circonstance favorable : notre pays est celui où le renouvellement des générations est le mieux assuré. On évalue la capacité d’un pays à permettre ce renouvellement grâce à l’indice de fécondité calculé à partir du nombre de femmes en âge de procréer. Comme il faut deux individus pour concevoir un enfant, la conservation d’un nombre d’habitants donné exige un indice de fécondité avec au moins la valeur de deux.
Si l’on se reporte au palmarès de la fécondité extrait d’Eurostat le 10 janvier 2023, on remarque que la France occupe le premier rang avec, en 2021, la valeur (provisoire) de 1,86. On rencontre plus loin sa voisine l’Allemagne, avec un indice de 1,53 et, encore plus bas, douze pays où cet indice présente des valeurs inférieures, comprises entre 1,48 et 1,13 ! Ceci les incitera peut-être à prendre des mesures pour favoriser la natalité mais il leur faudra des années pour en constater l’effet.
En ce qui concerne notre pays, il ne nous reste plus à espérer qu’un sursaut de réflexion de nos dirigeants les conduira à renoncer à une réforme inefficace et génératrice d’injustices.