Beaucoup de mots de notre langue se terminent par une lettre « e ». Des études menées sur des corpus volumineux ont établi que, dans la presque totalité des langues européennes, le lettre « e » est la plus fréquente. Elle figure dans environ quinze pour cent du vocabulaire français. Il est donc naturel de la rencontrer souvent en fin de mot. Si l’on s’accorde pour considérer qu’elle est la marque d’un genre grammatical féminin, on ne peut ignorer les nombreuses exceptions à une telle règle
Si l’on feuillette un dictionnaire, en se limitant aux mots ayant pour initiale la lettre « a », on remarque que ceux terminés par la lettre « e » sont nombreux à être de genre grammatical masculin, tels par exemple : abattage, abécédaire, abîme, abordage, absentéisme, absolutisme, acte, adage, ange, apôtre, arrière, article, artifice, astéroïde, astre, atome, âtre, auditoire, augure, auriculaire, automate, automne, avantage, axe, axiome, azote. On tend parfois à hésiter sur le genre grammatical de certains d’entre eux tels : abaque, abysse, anthracite, ambre, amiante, antre, arcane, astérisque et attique. Nous les tenons pour être féminins alors qu’ils s’avèrent en fait masculins.
Parmi les mots qui se terminent par la lettre « e », examinons ceux qui ne désignent pas des êtres animés. Peut-on expliquer pourquoi imperméable et pouce sont de genre grammatical masculin tandis que chemise et oreille sont féminins ? De même, dans une classe d’entités donnée, on rencontre des mots féminins quand d’autres sont masculins tels agence ou office, bande ou groupe, binôme ou couple, cercle ou droite, comédie ou drame, cours ou leçon, et tant d’autres.
Si l’on passe maintenant aux êtres animés, on constate que leur genre grammatical n'a pas toujours de lien direct avec leur sexe biologique. Dans le cas des noms d’animaux, on remarque que vache est un mot féminin alors que tigre est masculin. Relevons même que le mot homme s’achève par la lettre « e ». Il convient de rappeler à ce propos ce que Marc Stahler écrivait en mars 2021 : « homme s’emploie tantôt en valeur neutre, quand il signifie l’espèce humaine, tantôt en valeur masculine quand il désigne le mâle ».
Il est imprudent d’affirmer qu’une finale en « e » est la marque d’un être féminin. Nombreux sont les exemples qui contredisent cette assomption. Des mots tels canaille, estafette, fripouille, ordonnance, recrue, sentinelle, vedette, victime ou vigie, bien que de genre féminin, sont souvent relatifs à un individu mâle. Ainsi, cette finale peut attribuer à un homme un sexe qui n’est pas le sien.
Une conclusion s’impose : la finale en « e » d’un mot ne permet pas d’affirmer qu’il qualifie une personne de sexe féminin.