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Billet de blog 9 décembre 2023

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Profession : réfugié

En soixante-quinze ans, le nombre de réfugiés palestiniens a été multiplié par sept. Est-il possible d'affirmer qu’ils sont victimes d’un génocide ? À la différence de l’UNHCR, l’UNRWA dénombre comme réfugiés les descendants de ceux qui ont fui la Palestine en 1948. Rapprocher leur sort de celui des six millions de Juifs exterminés par les Nazis est infâme.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pendant des millénaires, des peuples se sont installés sur des territoires étrangers à la suite d’invasions ou de migrations. Ainsi, jadis, les Croisés ont conquis Jérusalem, des Arabes se sont emparés de l’Andalousie et des Européens ont  colonisé les Amériques. Des fanatiques juifs affirment que la Palestine leur a été donnée par Dieu. Aucun cadastre humain ne valide cette prétention délirante, aux conséquences tragiques. 

Des siècles durant, les Juifs ont été persécutés. Au 19ème est née l’idée que leur donner un État résoudrait peut-être le problème juif. Au fait, quel est ce problème juif ? En 1948, sitôt l’État d’Israël proclamé, les armées de cinq pays arabes voisins l’ont envahi. 850.000 Palestiniens ont alors fui la guerre et ses destructions. L’ONU a aussitôt créé une agence de secours aux réfugiés, l’UNRWA. Elle dispose par ailleurs d’un Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, l’UNHCR.

En 1948, le territoire de Gaza comptait 330.000 habitants. En 2023,  on dénombre 2,3 millions de Gazaouis et l’UNRWA recense 5,9 millions de réfugiés palestiniens. Le nombre de ces personnes déplacées a donc, en 75 ans, été multiplié par sept. Si l’intention des Israéliens était d’exterminer les Palestiniens, on doit se féliciter de ce que cet objectif n’ait pas été atteint. Ceux qui s’obstinent à pervertir la langue devraient remarquer que, pendant la deuxième guerre, les Nazis ont obtenu beaucoup plus de succès : en l’espace de six ans, ils ont anéanti six millions de Juifs.

À l’attention de ceux qui se réfèrent aux définitions de l’ONU, on peut préciser que, à la différence de l’ensemble des 36,4 millions de personnes réfugiées dénombrées par l’UNHCR, les descendants des Palestiniens déplacés après 1948 sont les seuls à être considérés eux aussi comme des réfugiés. Peut-on rappeler que, parmi tant d’autres déplacés :

- au début du XXème siècle, plus d’un million d’Arméniens survivants ont quitté leur terre natale.

- de 1945 jusqu’à 1950, quelque vingt millions d’Allemands ont émigré à l’Ouest.

- en 1962, un million de Pieds-Noirs ont abandonné l’Algérie.

Ces millions de déplacés se trouvent-ils aujourd’hui encore parqués dans des conditions infâmes dans des camps de réfugiés ? Leurs compatriotes perpètrent-ils des attentats terroristes dans les territoires qu’ils ont abandonnés et jusque dans le monde entier ? Pourquoi, soixante-quinze ans plus tard, six millions de descendants des Palestiniens déplacés en 1948 demeurent des victimes ?

Depuis la fin de la trêve, la guerre a pris une dimension nouvelle. Mus par un désir obsessionnel de vengeance, le gouvernement  israélien a intensifié ses opérations à Gaza. Cette politique criminelle est aussi suicidaire : la disproportion des deux parties du conflit est telle que, tôt ou tard, les Israéliens sont susceptibles d’être détruits. Israël ne connaîtra la sécurité qu’après avoir fait la paix avec ses voisins arabes.

S’il est bien établi que toutes les vies se valent, il existe des degrés dans le crime. Quand, pendant la 2ème guerre mondiale, l’aviation alliée a rasé des villes allemandes, quand les États-Unis ont utilisé l’arme nucléaire contre le Japon et quand, depuis le 7 octobre, l’armée israélienne bombarde Gaza, des centaines de milliers de civils ont perdu la vie. Mais, bien que réelles, pour leurs auteurs, ces morts étaient distantes et comme abstraites. Il me semble que, lorsque l’on voit le sang de ses victimes, on comprend mieux ce que l’on est en train de faire. Quand les hommes du Hamas poignardent, étripent, violent, explosent, mitraillent, égorgent et brûlent des civils innocents, ils sont comme saisis par une frénésie bestiale, absente des crimes commis à distance.

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