En ce temps d’émeutes, nos dirigeants incitent les parents à assumer leurs responsabilités vis-à-vis de leurs enfants. On ne saurait exiger d’un enseignant qu’il soit chef de famille. Il en va de même pour les femmes et les hommes politiques. Mais les unes comme les autres devraient être conscients qu’elles et ils ne sont pas les plus qualifiés pour rappeler aux autres leurs responsabilités éducatives. L’adulte Raphaël Dupont-Moretti se serait livré en janvier 2023 à des violences conjugales. Me permettrais-je pour autant de tancer son père, notre ministre de la Justice ?
Les Français ont porté à la magistrature suprême un homme jeune, séduisant, brillant, mais prétentieux et arrogant. Comédien doué, habile aux oraisons funèbres, il excelle dans les commémorations de disparitions, qu’elles soient glorieuses ou non. Mais il semble ignorer absolument que le premier des Français se doit d’être pour eux un exemple.
Avant sa majorité, il avait noué une relation avec sa professeure de théâtre, de 24 ans son aînée. Il y a un peu plus d’un demi-siècle, une professeure de français avait entretenu une liaison avec un de ses élèves, de 15 ans son cadet. Le père du jeune homme avait porté plainte pour enlèvement et détournement de mineur. La jeune femme, emprisonnée puis condamnée, s’était trouvée face à un parquet qui, pour éviter que la loi d’amnistie suivant l'élection présidentielle de 1969 lui permette de continuer à enseigner, avait fait appel a minima. Un substitut avait ensuite avancé cette justification : « Il fallait une inscription au casier judiciaire pour faciliter l’action disciplinaire et l’éloigner de son poste. Elle la méritait. Les enseignants sont tenus à une certaine réserve. [Elle] donnait au contraire le mauvais exemple en bafouant l’autorité paternelle. Si encore elle avait fait amende honorable, ou s’il s’était agi d’une coiffeuse, ou si elle avait couché avec un jeune apprenti, c’eût été différent ». De son côté, le recteur avait déclaré : « Il n’y a plus de moralité en France, il faut que cette affaire serve d’exemple ».
Cette nécessité d’exemple est hélas totalement étrangère à quelques personnalités politiques d’aujourd’hui. On peut apprécier l’affaissement de la morale publique en comparant le sort des deux enseignantes évoquées plus-haut. Il y a cinquante ans, ne pouvant supporter la perspective d’être interdite d’enseignement, l’une d’elles, une infortunée professeure âgée de 37 ans, s’était suicidée à la veille de son second procès. Aujourd’hui, des journalistes anglomanes et serviles se plaisent à nous entretenir des déplacements d’une autre professeure qui, attentive à masquer sa séniorité, fait avec efficacité la promotion de notre haute couture en fréquentant des sommets internationaux où elle arbore des robes que ne dédaigneraient pas des femmes plus jeunes. Ils la qualifient de dame alors qu’elle a, pour tout titre, celui d’épouse, déjà très honorable.
En cette année 1969, Georges Pompidou, agrégé de lettres, décoré en 1940 de la Croix de guerre, avait, été élu Président de la République. Je me garde naturellement de toute comparaison désobligeante. Après le suicide de l’enseignante évoquée plus haut, il avait cité lors d’une conférence de presse quelques mots extraits d’un poème de Paul Éluard : « Moi, mon remords, ce fut la victime raisonnable au regard d'enfant perdu, celle qui ressemble aux morts qui sont morts pour être aimés ». De nos jours, deux de ses successeurs se sont laissé aller à dire : « Ça m'en touche une sans faire bouger l'autre ». Ne serions-nous pas les témoins de quelque décivilisation ?
Autres preuves éclatantes de l’effondrement du discours politique. Il y a dix-huit ans, un ministre de l'Intérieur a déclaré à la Courneuve : « Dès demain, on va nettoyer au Karcher la cité des 4 000 ». Il a récidivé quelques jours plus tard à Argenteuil : « Vous en avez assez de cette bande de racailles ? On va vous en débarrasser ». Matamore n’est pas mort. Il faut bien nous rendre à l’évidence : les loups sont entrés dans Paris.