Des commentateurs estiment que le dénouement de la crise d’octobre 2025 impose au gouvernement de se libérer de l’emprise des partis. J’ajoute qu’il lui faut aussi s’affranchir du Président. Étant donné qu’il serait très surprenant de le voir changer de conduite ou démissionner, on est amené à évoquer la pièce de théâtre d’Eugène Ionesco, Le Rhinocéros, créée par Jean-Louis Barrault en1959, au Théâtre de l’Odéon à Paris. Traduite depuis en plusieurs dizaines de langues, elle esquisse des réponses à la question : « Comment s’en débarrasser ? ». Nos mœurs politiques n’étant pas encore aussi brutales que dans d’autres États, il nous faut maintenant envisager la destitution du Président. Examinons donc ce que notre Constitution prescrit à ce sujet.
En son article 88, modifié par la loi constitutionnelle du 23 février 2007, elle édicte ceci : « Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour […] La Haute Cour est présidée par le président de l'Assemblée nationale […] Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers ».
On ne peut être que sidéré par l’imprécision de cet article de la loi fondamentale de notre République. Qu’est-ce donc qu’un manquement ? En quoi serait-il incompatible avec l'exercice du mandat du Président ? Et comment déterminer si cette incompatibilité est manifeste ou non ? Plutôt que de supposer que cette imprécision résulte d’une négligence des rédacteurs, on se trouve fondé à estimer qu’elle est délibérée. Mais elle ouvre ainsi la voie à des interprétations différentes et parfois dangereuses. La rédaction d’une nouvelle Constitution imposera d’apporter désormais plus de soin à cet exercice.
Une Constitution doit pouvoir être comprise par tout citoyen et non soumise à l’interprétation de « constitutionnalistes » auto-proclamés.