J’ai entendu le dimanche 12 juin 2022 sur notre deuxième chaîne de télévision, peu après vingt heures, Madame Olivia Grégoire, secrétaire d’État auprès de la première ministre, porte-parole du gouvernement, déclarer après le premier tour des élections législatives que, le 24 avril, pour la première fois en quarante ans, un président de la République, en l’occurrence Emmanuel Macron, avait été réélu. Nous voilà donc face à l’alternative suivante : Madame Grégoire se trompe ou bien, comme trop souvent hélas d’autres hommes ou femmes politiques, elle choisit délibérément le mensonge.
Charles de Gaulle, premier président de la cinquième République, a été réélu le 19 décembre 1965. C’est donc ainsi lui, dès l’origine, le premier président de notre République, à avoir été réélu. Il en advint de même, le 8 mai 1988, pour François Mitterrand. Après une dissolution, alors qu’entre les deux tours des législatives de 1988 se profilait la perspective d’un raz-de-marée électoral, certains se livrèrent à quelques déclarations imprudentes mais plus qu’honorables : il ne convenait pas que la gauche se trouvât ensuite hégémonique à l’Assemblée nationale. Ils furent entendus au-delà de leurs espérances : Mitterrand n’obtint alors qu’une majorité réduite, mais majorité néanmoins, à la différence de Jacques Chirac qui, le 1er juin 1997, perdit les législatives qu’il avait provoquées. Ce dernier a toutefois, le 5 mai 2002, été réélu président de la République. Il y a donc très exactement vingt ans et non quarante comme l’affirme effrontément celle à laquelle notre gouvernement a confié la tâche difficile (je m’apprêtais à dire compliquée, adjectif avec lequel tant de communicants incultes nous ont contaminés) de porter sa parole.
Une telle réélection n'est donc en rien exceptionnelle puisqu'elle avait auparavant été gagnée par trois présidents sur sept, soit presque la moitié. Notre Président a les gloires qu'il peut !
Je souligne au passage que notre président réélu Emmanuel Macron est au lendemain du premier tour des législatives dans des conditions bien différentes de celles de François Mitterrand en 1988. Mais, soyez rassurés, vous ne risquez guère d’entendre l’un de ses proches tenir des propos analogues à ceux prononcés en 1988. Ils seront vraisemblablement bien différents et peut-être même outranciers. Livrons-nous à un rapide bilan : une politique dite de gauche a été menée de 1981 à 1986, avec une inflexion en 1983. Elle reprit ensuite de 1988 à 1993 et enfin de 1997 à 2002, soit vingt ans au total sur les soixante-quatre (que c’est long, même à écrire !) que compte en 2022 notre République. C’est un peu court pour attribuer à ce composant de la politique française la responsabilité de l’absence de réformes. Il est vrai que les partisans de la majorité (actuelle ?) ont toujours considéré que, lorsque la gauche parvenait au pouvoir, c’était par effraction.