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Billet de blog 15 novembre 2024

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Devoir de mémoire

On assiste en France, depuis trente ans, à une montée de l'antisémitisme. Berthold Brecht disait, en son temps : « le ventre est toujours fécond de la bête immonde ».

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Autrefois, les mineurs avaient coutume de descendre sous terre avec une cage renfermant un canari. La mort de l’oiseau indiquait le risque d’un « coup de grisou », explosion provoquée par la  présence de méthane. Dans nos sociétés, les Juifs jouent le rôle de cet infortuné canari. La montée de l’antisémitisme est un des signaux faibles, trop souvent négligés, indices de la survenue prochaine d’une catastrophe. Pour s’en convaincre, on peut, entre autres, examiner ce qu’il s’est passé en Allemagne après la terrible « Nuit de cristal »  du 9 novembre 1938. Considérons maintenant plusieurs événements plus récents.

Le 8  mai 1990, pour célébrer le 45ème anniversaire de la mort d’Hitler, un ancien Skinhead, condamné depuis, profane le carré juif du cimetière de Carpentras. Avec trois complices, il exhume le  cadavre d'un homme récemment décédé et simule son empalement avec un pied de parasol. Le 14 mai,  une manifestation rassemble à Paris plus de 200.000 personnes, parmi lesquelles le Président François Mitterrand. Les profanations de tombes juives se sont cependant poursuivies jusqu’à aujourd'hui.

Ces agissements sinistres ne suffisent plus à de nombreux barbares qui, plutôt que d’outrager des morts, massacrent des vivants.  Le  11 mars 2012, à Montauban, un terroriste islamiste exécute le maréchal des logis chef  Imad Ibn Ziaten. Le 15, à Toulouse, il assassine Mohamed Legouad et Abel Chennouf,  et rend handicapé à vie un autre militaire, Loïc Liber. Le 19, également à Toulouse, il pénètre dans la cour de l’école juive Ohr-Torah. Filmant ses crimes avec, sur la poitrine, une caméra GoPro, il y fait éclater la tête de trois bambins, Gabriel, 3 ans, Arié, 6 ans et Myriam Monsonego, 8 ans, et abat le professeur Jonathan Sandler, père des deux petits garçons, qui tentait de s’interposer. Le père Christian Venard, ancien aumônier du 17e RGP, présent aux côtés des soldats en train d’agoniser, commente ainsi ces massacres : « C’est un peu comme si c’était normal finalement que des Juifs perdent la vie parce qu’ils sont juifs. Ou que des jeunes perdent la vie, parce qu’ils sont militaires ». Le lendemain, à la demande de Nicolas Sarkozy, une minute de silence en mémoire des victimes est respectée dans tous les établissements scolaires de France. Cette minute de silence suscite des troubles et des réactions antisémites dans de nombreux établissements.

Tout comme Latifa Ibn Ziaten, mère d’Imad, qui a fondé ensuite l’association IMAD pour la Jeunesse et la Paix, Samuel Sandler, père de Jonathan, consacre sa vie  au souvenir de ces victimes et à la défense des valeurs de notre République.

Le 11 juin 2015, en présence du Président du Sénat, du Ministre de l’intérieur et du Maire, on inaugure à Versailles le square Jonathan Sandler.

Le 15 octobre 2020, à Conflans-Sainte-Honorine, un terroriste russe décapite le professeur d’histoire-géographie Samuel Paty, abandonné par sa hiérarchie. Si le  collège du Bois-d’Aulne où enseignait ce professeur portera bientôt le nom de ce martyr, auparavant plusieurs établissements s’étaient opposés à s'appeler ainsi, avançant : « C’est trop tôt, trop sensible » et des pleutres affirmaient alors : « il ne faudrait surtout pas installer une cible sur l’établissement ».  Il importe de lutter contre l’oubli : après l’atroce assassinat de Samuel Paty, d’aucuns ont souligné qu’il était le premier enseignant français victime du terrorisme islamiste, oubliant que, huit ans auparavant, Jonathan Sandler, enseignant français lui aussi, avait été abattu par un fanatique. Et que penser de ce que, en novembre 2021, sur le plateau de l’émission de France 2 « On est en direct », Éric Zemmour, candidat heureusement malheureux à l’élection présidentielle de 2022,  déclare  à propos de l’inhumation en Israël des enfants Sandler : « Assassins ou innocents, bourreaux ou victimes […], ils ne choisissaient surtout pas la France, étrangers avant tout et voulant le rester par-delà la mort ».

Le 19 mars 2022, square Charles de Gaulle à Toulouse, le Président Macron et ses prédécesseurs, les présidents Sarkozy et Hollande, rendent hommage aux victimes des attentats  perpétrés dix ans plus tôt. La semaine suivante, à Paris, on donne à deux allées du Parc Sainte-Odile, les noms des martyrs de l’école Ohr Torah. À cette occasion, un ancien député de Haute-Garonne aurait déclaré, en  privé, être « très choqué de cette « appropriation » par la Communauté juive pour se victimiser davantage des seuls assassinats à l’école juive de Toulouse ».

Le 12 janvier 2024, alors qu’il  se rend à Lyon pour présenter son livre Souviens-toi de nos enfants,  Samuel Sandler succombe à une crise cardiaque. Le 6 novembre,  la ville de Versailles donne son nom à une de ses rues.  Plusieurs personnalités politiques, parmi lesquelles le préfet des Yvelines et le maire de Versailles, lui rendent alors hommage, sous la protection de voitures de police.

Puisse la République combattre sans relâche tous ceux qui propagent la haine.

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