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Billet de blog 18 mars 2024

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A bas l'orthographe !

Certains avancent que l'orthographe ne serait qu'un outil pour mettre à l'arrêt l'ascenseur social. Ne seraient-ils pas plutôt des ennemis du savoir ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il m’est arrivé de lire : « L’orthographe n’est qu’un jugement de classe sociale ». Seuls des idéologues peuvent émettre semblable opinion. L’orthographe est un ensemble de conventions, établies pour lever, à l’écrit, les ambiguïtés de l’expression orale : elles permettent de mettre en correspondance sujets, compléments d’objet, verbes, pronoms, substantifs, adjectifs. Certaines d’entre elles, tel le doublement de consonnes, conduisent à mieux transcrire à l’écrit les sons prononcés à l’oral. Elles ne sont en rien dictées par le souci de quelque classe supérieure d’empêcher l’ascension de personnes moins favorisées par la naissance. Il est vrai que le mot orthographe pèche par deux fois, affichant sa double origine, latine avec ortho et grecque par graphie. En stigmatisant cette discipline, voudrait-on répudier notre héritage culturel ?

Considérons un instant la langue japonaise. À la différence de nos langues européennes, elle utilise des idéogrammes, les kanji, qui n’ont guère de liens avec les sons qui les accompagnent.  On distingue les uns des autres  par la forme, le nombre de leurs traits et l’ordre dans lequel ils sont tracés. On en compte plusieurs milliers. 2.000 à 2.500 sont nécessaires pour l’écriture au quotidien et pour la lecture de journaux, magazines et livres. Jusqu’à l’âge de seize ans, les jeunes apprennent un millier de kanji et les étudiants en maîtrisent ensuite mille de plus. Ce long apprentissage développe  assurément des capacités d’observation et de mémorisation. S’est-on jamais interrogé sur leur rôle dans le remarquable essor des sciences et techniques japonaises ?

Maintenant que nous avons sacrifié l’orthographe, pourquoi ne pas nous attaquer à une autre forteresse redoutée, les mathématiques, source de tant de difficultés pour nos chères têtes blondes. Ainsi, par exemple, reprenons la formule permettant de calculer la circonférence d’un cercle. Pour ne pas effaroucher les âmes simples, parlons plutôt du périmètre d’un rond. On nous enseigne que, pour l’obtenir, il convient de multiplier le double du rayon par π. Depuis fort longtemps, on a  remplacé ce symbole bizarre, qui se lirait «  pi », par 3,1416 et , parfois même, on l'a réduit à 3,14. Attentifs à la peine de nos élèves, risquons-nous  encore un peu plus loin, en substituant à ce π mystérieux un bon vieux chiffre 3, simple et familier. Certes, le résultat est un peu approximatif mais que ne ferait-on pas pour faciliter la vie du géomètre lambda ? Pardon, du géomètre moyen. En matière d’éducation, il est essentiel d’éviter tout effort et de se défier du savoir.

Souvenons-nous des malheurs de notre mère Ève, chassée du jardin d’Éden pour avoir goûté au fruit de l’arbre de la connaissance.  Avant tout, gardons-nous de dresser des barrières devant des minorités moins fortunées !

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