La légitimité du général de Gaulle ne fut pas contestée. Pour conférer à ses successeurs une autorité comparable, on modifia en 1962 la Constitution par un référendum instituant l’élection du Président de la République au suffrage universel direct à deux tours. On n’avait pas anticipé alors que cette réforme portait en germe la situation actuelle : un second tour avec seulement deux candidats entraîne immanquablement la fracture du pays en deux camps opposés. Pire encore : désormais, on ne vote plus pour un candidat mais plutôt contre un autre.
Il n’est pas sage d’ignorer les leçons de l’Histoire. Interrogeons-la.
L’Assemblée nationale élue le 9 décembre 1958 avait été dissoute le mardi 9 octobre 1962 après avoir été censurée le 5 octobre. Des législatives furent tenues les dimanches 18 et 25 novembre. On relève donc que près de six semaines s’étaient écoulées depuis la dissolution. Comment peut-on qualifier la décision prise par le Président Macron qui, au soir du 9 juin 2024, a fixé le premier tour des législatives au 30 juin ? Il prétend avoir redonné la parole au peuple alors qu’il ne lui a accordé que trois semaines pour choisir ses représentants.
La situation en 2024 est la suivante :
- 7 juillet : le parti du Président n’a qu’une majorité relative de 148 sièges sur 577.
- 16 juillet : la démission du Premier ministre Gabriel Attal est acceptée.
- 18 juillet : réélection de la Présidente de l’Assemblée, Yaël Braun Pivet.
La situation au printemps 1967, après renouvellement, au terme de son mandat, de l’Assemblée nationale élue en 1962, était comme suit :
- 2 mars : le parti du Président disposait d’une majorité de 247 sièges sur 487.
- 3 avril : réélection du Président de l’Assemblée, Jacques Chaban Delmas.
- 14 avril : démission du Premier ministre Michel Debré et nomination de Georges Pompidou,
Il n’y eut alors guère d’inflexion dans la politique du gouvernement. Tout semble indiquer qu’il en ira de même en 2024. L’obstination de la majorité présidentielle de 1967 conduisit à l'explosion de mai 68 : le 10 mai, à Paris, une nuit de barricades transformait la rue Gay-Lussac en un champ de bataille et, à partir du 13, une grève générale gagnait la France entière. Un an plus tard, Charles de Gaulle quittait le pouvoir.
Les Dieux aveuglent ceux qu'ils veulent perdre.