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Billet de blog 27 juin 2024

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Quand Macron rime avec fripon

Le Président de la République affirme avoir redonné la parole aux Français. Il s'est en réalité ingénié à la brider.

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Depuis 1958, on a souvent invité les Français à choisir entre  « moi et le chaos ». La première fois était gaullienne et s’énonçait ainsi : « moi ou la chienlit ». Jusqu’ici, jamais personne n’avait proposé : « moi ou la guerre civile ». Avec le Président Macron, c’est maintenant chose faite. Dès le début de son second quinquennat, il est apparu que le Président et l’Assemblée nationale n’étaient plus en phase. Une solution évidente se présentait : renouveler au moins l’un des deux. Comme la Constitution l’y autorise, le Président  a décidé de dissoudre l’Assemblée, même si, de son côté, l’Assemblée n’était naturellement pas en mesure de lui faire subir le même sort.

Celui-là se targue d’avoir redonné la parole aux Français. Il l’a effectivement fait mais dans des conditions qui altèrent son expression. Pour des raisons évidentes de disponibilité des électeurs, il fallait éviter de faire se superposer les dates des scrutins législatifs et la date de début des vacances scolaires. Cette décision du Président va immanquablement augmenter les abstentions, ce qui est contre-productif alors qu'il demande aux Français de se prononcer sur l’orientation de la politique du pays. Heureusement, avec un sens aigu de responsabilité, les Français ont multiplié les procurations.

Le souci de limiter un chevauchement des périodes a vraisemblablement conduit Emmanuel Macron à retenir les dates du 30 juin et 7 juillet. Mais il s'est heurté là à une difficulté : l’article R. 101 du code électoral  fixe la date limite de dépôt des candidatures au troisième vendredi précédant la date du scrutin, soit le 7 juin. La décision présidentielle n’ayant été annoncée que le 9 juin, au soir des Européennes, cette date limite se trouvait  être le vendredi 7 juin et donc déjà dépassée. Même si la Constitution l’y autorisait, le Président a, dans son décret de dissolution, dérogé à cet article du code électoral et repoussé la date limite de dépôt des candidatures  au deuxième vendredavant le vote, soit le 14 juin.

La campagne électorale a été ainsi arbitrairement amputée d’un tiers de sa durée et, au lieu  des trois semaines fixées par la Constitution, a été réduite à quatorze jours. Que le Président nous explique pourquoi il a ainsi bridé les partis, leur accordant très peu de temps pour investir des candidats et présenter leurs programmes. Voilà un arbitre qui inflige un handicap à ses opposants. Je n’hésite pas à affirmer qu’il a agi ainsi pour s’attribuer un avantage conséquent, lui qui, à la différence des autres, avait déjà envisagé, sinon décidé, cette dissolution. Quel manque de loyauté !

De plus, qu’est-ce donc qui justifiait une telle précipitation ? L’amorce de la solution d’un problème vieux de plusieurs années pouvait être différée de trois mois. Il n’est guère sage, trois semaines avant les Jeux olympiques, de solliciter davantage des forces de sécurité déjà sous tension du fait de leurs effectifs. On  ne peut que déplorer une telle  inconséquence qui, je le crains, n’a rien d’innocent. Et j’emploie ici cet adjectif dans son sens originel, non nuisible.

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