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Billet de blog 30 novembre 2024

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Pierre Mendès France

Une génération compte quelques rares personnages avec une stature d’homme d’État. Voici, regroupés autour de plusieurs thèmes, des épisodes du parcours politique de Pierre Mendès France.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 24 novembre 2024, une de nos chaînes de télévision nationales, la 5, a diffusé en début de soirée une émission retraçant la vie de Pierre Mendès France. Déjà présenté  le 4 octobre, ce documentaire d’Yves Jeuland peut nous inciter à évoquer le parcours de cet homme politique.

Débuts politiques

À dix-sept ans, il s'engage dans les mouvements étudiants d'opposition à l'extrême droite. S’installant en 1929 comme avocat à Louviers, il est trois ans plus tard élu député de l'Eure, devenant à vingt-cinq le benjamin de l’Assemblée nationale. L’Eure est un département à la fois rural, périurbain et urbain, dont les élus sont plus au fait des préoccupations des Français que les membres de cénacles parisiens.

En 1934, il est président du Conseil général de l'Eure et s'oppose ensuite à la participation française aux Jeux olympiques de Berlin en 1936, déclarant : « Les Jeux olympiques, que les Nazis présentent déjà comme leur triomphe, vont s'ouvrir à Berlin. La France doit-elle participer à ces fêtes qui seront celles du racisme autant que du sport ? ». En 1938, il est sous-secrétaire d’État au Trésor dans le second gouvernement Blum.

Seconde guerre mondiale

Le 21 juin 1940, alors que Pétain s’apprête à signer un armistice, plusieurs parlementaires et personnalités politiques, parmi lesquels Georges Mandel, Pierre Mendès France et Jean Zay, embarquent à Bordeaux  sur le Massilia pour se rendre en Algérie d’où poursuivre la lutte. Accusé de désertion, arrêté au Maroc, rapatrié en France, condamné à six ans de prison et incarcéré, il s’évade et, via la Suisse et l’Espagne, regagne Londres. Au sein des Forces aériennes françaises libres, il participe à des opérations de bombardement et est promu capitaine.

Décolonisation

Ministre du gouvernement provisoire à partir de septembre 1944, Mendès France démissionne l’année suivante faute du soutien du général de Gaulle aux mesures de rigueur qu’il préconise. En décembre 1951, il prononce à l'Assemblée un discours contre la guerre d’Indochine. En  juin 1954, un mois après la chute de Diên Biên Phu, René Coty, nouveau président de la République, fait appel à  lui. Mendès France choisit alors ses ministres sans négocier directement avec l'état-major des partis politiques, comme c'est alors l'usage, et constitue son gouvernement en trente-sept heures. Lors du débat d’investiture à l’Assemblée, pratique abandonnée depuis octobre 1958, Mendès France déclare : « Nous sommes aujourd’hui le 17 juin. Je me présenterai devant vous avant le 20 juillet. Si aucune solution satisfaisante n’a pu aboutir à cette date, mon gouvernement remettra sa démission  ». Il obtient alors une majorité écrasante, encore jamais atteinte sous la IVème République. Mission accomplie, le 21 juillet, à Genève, une conférence internationale aboutit à un accord et, en décembre, l’armée française commence son retrait d’Indochine. Dix jours plus tard, les accords de Carthage ouvrent la voie à l'indépendance de la Tunisie, proclamée en mars 1956. La chute de son gouvernement ne lui permet pas de régler ensuite le cas du Maroc ni de traiter le problème bien plus difficile de l’Algérie.

Construction européenne

Le 29 août 1954, l’Assemblée nationale rejette le projet de la Communauté Européenne de Défense, élaboré pour intégrer les forces armées des pays européens. C’est ce jour-là que la France, et en conséquence l’Europe, ont renoncé à tout outil d’action efficace sur la scène internationale. À défaut de la CED, suite à la Conférence des neufs puissances, membres du Pacte atlantique, celles-ci (France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, les 3 pays du Benelux, États-Unis et Canada) signent le 23 octobre 1954 les accords de Paris, lesquels réintègrent l'Allemagne dans la communauté internationale, renforcent l'OTAN et créent l'Union de l'Europe occidentale, qui disparaîtra en 2011.

Le gouvernement Mendès France (18 juin 1954 – 6 février 1955)

On peut remarquer que cette phase de notre histoire est limitée par deux dates anniversaires, celle de l'appel de Londres de 1940 et celle de la manifestation sanglante de l'extrême droite de 1934. Mais, outre les accomplissements majeurs déjà rappelés, Mendès France a aussi initié des pratiques originales :

- Alors que, en 1954, la consommation d’alcool en France est de 30,5 litres par adulte, Mendès France lutte contre l'alcoolisme en prenant des décrets antialcooliques et, suscitant beaucoup de dérision, décide la distribution quotidienne gratuite de lait dans les écoles publiques et privées et dans les casernes.

- La télévision en étant à ses balbutiements, Mendès France décide de parler aux Français à la radio le samedi soir : « en toute simplicité, pour vous tenir au courant de ce que fait et de ce que pense le gouvernement, qui est votre gouvernement ». Jugeant ces causeries hebdomadaires antidémocratiques, certains tiennent ce contact direct avec le peuple pour l’amorce d’un pouvoir personnel.

Mendès France et de Gaulle

En mai 1943, Mendès France écarte la proposition de de Gaulle de faire partie de l'Assemblée consultative provisoire d'Alger puis, en novembre, accepte le poste de commissaire aux Finances dans le Comité français de Libération nationale.

Le 1er juin 1958, dans son  discours d’investiture, le général de Gaulle demande les pleins pouvoirs pour une durée de six mois. Mendès France vote contre, après avoir déclaré : « Notre mandat nous interdit d’abdiquer devant la force, nous fait un devoir de revenir vers la démocratie ». Ensuite, en septembre, il se prononce contre le projet de Constitution élaboré par le gouvernement en fonction, jugeant trop important le pouvoir qu’elle confère à l’exécutif.

En 1962, Mendès France s'oppose de nouveau à de Gaulle lorsque celui-ci propose d'amender la Constitution pour une élection du président de la République au suffrage universel direct et, avant l'élection présidentielle de 1965, il débat à trois reprises avec Michel Debré sur l'antenne d'Europe n° 1, au cours d'entretiens devenus historiques.

Mendès France, bien oublié depuis, a gouverné la France 7 mois et 17 jours. En cette brève période, il a réalisé bien davantage que la plupart de ceux qui l’ont suivi. Mais hélas, ensuite, trop de médiocres l’ont empêché d’accéder à la magistrature suprême. 

Note : certains des événements évoqués dans ce billet y apparaissent en caractères gras, pour suggérer de les rapprocher d'autres intervenus postérieurement. 

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