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Par Agnès Rousseaux (2 novembre 2012)
Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes servirait-il de tremplin pour assurer la carrière de fonctionnaires zélés ? Bernard Hagelsteen, ancien préfet de Loire-Atlantique et de la région Pays-de-la-Loire de 2007 à 2009, travaille aujourd’hui pour... le groupe Vinci, qui est en charge de la concession de l’aéroport. Rien à voir ? En tant que préfet, il pilotait localement le projet d’aéroport, en collaboration avec la Direction générale de l’aviation civile (DGAC)...
Or, dans le cadre de la Délégation de service public, l’appel d’offres a été lancé en 2009 pour choisir le concessionnaire de l’aéroport, pour une durée de 55 ans. En 2010, le ministre de l’Écologie et du Développement durable tranche en faveur de Vinci. Ce qui n’empêche pas l’ancien préfet, après un passage à la Cour des Comptes, de se faire embaucher un an plus tard par ASF (Autoroutes du Sud de la France), filiale de Vinci. Il est depuis quelques mois le conseiller de Pierre Coppey, président de Vinci-Autoroutes, rapporte le quotidien nantais Presse Océan [1]. La Commission de déontologie placée auprès du Premier ministre a-t-elle été saisie de ce reclassement dans le secteur privé [2] ?
Proche de Nicolas Sarkozy, les conditions de sa nomination comme préfet à Nantes avait entrainé une pétition de ses collègues – une première en France, rappelle Ouest-France – contre le « limogeage » de son prédécesseur. Quant à son successeur, Jean Daubigny, préfet de la région des Pays-de-la-Loire et de Loire-Atlantique de 2009 à 2012, il a depuis été nommé directeur de cabinet de Manuel Valls, ministre de l’Intérieur... Celui-là même qui a envoyé des centaines de CRS et gardes mobiles déloger les opposants au projet. Coïncidences ?

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Notes
[2] Cette commission est « chargée d’apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou toute activité libérale, avec les fonctions effectivement exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant ses fonctions. » La saisine de la commission est obligatoire « pour les agents chargés soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer des décisions relatives à des opérations effectuées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions. »
Paradoxe du paralaxe. Survol de Nantes par effraction,
"Pour justifier d’un danger croissant, les contrôleurs aériens satureraient le ciel nantais, même quand la météo permet de l’éviter. L’Aviation civile dément.
Les partisans de l'aéroport à Notre-Dame-des-Landes ont assez martelé l'argument : avions trop bas, trop souvent, trajectoires au-dessus de la ville, danger, danger, danger ! Actuellement — mais seulement depuis 2003 et le débat public sur l'aéroport —, on frôlerait la catastrophe, on défrise tous les jours les punks nantais aux crêtes trop drues et les basketteurs, de toute façon trop grands pour tout. Pourtant, détail troublant, les avions pourraient souvent éviter ce survol de Nantes.
Permis de bonne conduite. Ce qui est d'ailleurs prévu par le "code de bonne conduite environnementale" signé le 26 mars 2009 par l'aéroport Nantes-Atlantique, la préfecture et l'Aviation civile. Cette charte prévoit notamment l’"optimisation et le respect des trajectoires des avions afin de limiter le survol des zones urbanisées". Selon un pilote de ligne habitué du ciel nantais, ce code de bonne conduite n'est réellement appliqué que par un tiers des 17 équipes de contrôleurs aériens mobilisées par Nantes-Atlantique-Château-Bougon. Par temps calme, sans nuages, on peut donc (et on doit) dévier les sillages pour éviter le survol de l'agglomération. Eh bien non. Les contrôleurs aériens imposent quand même la trajectoire nord-sud, dite QFU 21, soit cap 210 degrés, justifiée pour avoir le vent dans l'axe (s'il y en a), alors que la trajectoire 03 (cap 30 degrés) conviendrait parfaitement et éviterait le survol du centre ville, en passant au dessus de Grand Lieu.
Sillage décalé. Les documents techniques fournis aux compagnies aériennes et aux pilotes stipulent pourtant que par vent inférieur à huit nœuds, c'est la trajectoire 03 qui doit être utilisée. La charte de bonne conduite dit aussi qu'en cas d’atterrissage par le Nord," la trajectoire de l’avion est décalée de 12° par rapport à l’axe de la piste afin d’éviter le survol du centre-ville de Nantes, l’alignement avec la piste se fait en fin d’approche". Recommandations que des pilotes estiment bafouées par la tour de contrôle. Comme si faire vrombir les réacteurs au-dessus des pénibles qui hésitent à plébisciter Notre-Dame-des-Landes allait les convaincre...
Marketing manif. Le samedi 2 octobre 2010, jour de grosse manif sur les retraites (40 000 personnes dans Nantes), un pilote de ligne a alerté l'Acipas, association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dénonçant preuves à l'appui un détournement flagrant des trajectoires des avions du jour pour qu'ils survolent les banderoles et les cortèges de manif. Une intox king size avec un public aux premières loges. "Pour le changement de trajectoire, seules des conditions météo guident le chef de quart à la tour de contrôle, sauf lobbies en place...", ajoute ce pilote.
Le pire et l'autruche. Faut-il voir ce passage forcé au-dessus de Nantes comme une pratique délibérée, un genre de politique du pire, même quand ce n'est pas nécessaire ? "Aucun doute là-dessus ! Rien ni personne ne justifie des approches dans le sens nord-sud avec survol de la ville quand les conditions météo (vent de sud faible, moins de dix nœuds (18 km/h), visibilité correcte, supérieure à 3 000 m pour un atterrissage QFU 21 (c'est à dire dans le sens nord-sud) et quand il n'y a pas de conflit entre départs et arrivées. On nous oblige à survoler toute la journée le centre-ville, en contradiction flagrante avec la charte qui annonce qu'on doit limiter le survol des zones les plus habitées. Et lorsqu'on manifeste notre désapprobation, nos compagnies nous demandent de limiter les conflits avec les organismes de contrôle aérien ! Politique de l'autruche ? Cette gestion des trajectoires est à dénoncer, d'autant que certaines équipes de contrôleurs en place y arrivent très bien, en toute rigueur, en respect strict des règles établies", explique un autre commandant de bord du collectif de pilotes de ligne doutant de la pertinence du projet NDL (soit environ deux cents pilotes, gardant le plus souvent l'anonymat).
Maestro maximum. Au SNA, Service de la navigation aérienne, dépendant de l'Aviation civile, on fait vite entendre le cri du cœur : "On n'a qu'une seule piste. On polluera moins de personnes quand on aura Notre-Dame-des-Landes". Tout en plaidant le souci réaliste de l'environnement :i[ "On essaie de faire le maximum, de choisir l'option la moins pénalisante, pour les riverains comme pour les compagnies, en tenant compte de la météo et de la composante vent arrière qui doit être de moins de dix nœuds. On se réunit toutes les quatre à six semaines pour le suivi "Maestro" : l'exploitant, le service environnement d'aéroport du Grand Ouest (AGO), le service navigation aérienne et l'Aviation civile examinent les vols hors des trajectoires prévues. L'Acnusa, l'Autorité de contrôle des nuisances aériennes, nous audite, contrôle les enregistrements des bandes radar et ]bradio. Ceci dit, quand on fait des séquences, on ne peut pas inverser les décollages et les atterrissages, pour des raisons de sécurité évidentes"]i. Ce à quoi les pilotes rétorquent qu'"une régulation radar, en cap, altitude et vitesse limiterait les conflits potentiels, et les interactions entre les trajectoires départ/arrivée ne seront plus d'actualité".
Moralité, le ciel est truqué. Si on continue, on va y dénicher un double fond. "
Michael Olyrique
source, http://www.lalettrealulu.com/
Honte à ce gouvernement, NON À L'AYRAULTPORT, VINCI DÉGAGE!
Rendez-vous le 17 novembre à Notre-Dame des Landes, http://zad.nadir.org/
