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Billet de blog 13 décembre 2011

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High noon

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quand le téléphone a sonné, elle a couru répondre pour l'entendre murmurer je suis encore coincé, ne m'attends pas avant cinq heures.

Elle a trop chaud dans la salle à manger, la réverbération alourdit ses paupières et la sueur perle sur ses tempes. Elle monte à pas comptés vers sa chambre, l'odeur un peu rance du bois s'accroche à ses narines. Sous le toit, il fera encore plus chaud dans deux heures, alors elle actionne la crémaillère et abaisse à demi le vantail. Elle laisse les rideaux entr'ouverts devant la fenêtre, et le souffle de midi les caresse et les enfle. En sortant, elle voit sur le parquet une de ces épines de soleil, où volettent les âmes - enfant, son frère l'avait surprise pétrifiée devant ce poudroiement t'as pas à avoir peur idiote, comment tu crois que mémé sait ce qu'on fait tout le temps ? Ses yeux sont partout autour de nous et quand tu baisses la tête sous le soleil, eh ben, tu vois des petits bouts de ses yeux à elle ! Elle s'était mise à trembler, avait eu peur d'enjamber les rais pendant des semaines, avait fini par en parler en pleurs à sa mère, qui était partie gifler son frère, le traitant de crétin ... lorsqu'à l'hôpital il tomba dans le coma, les lèvres brûlantes d'avoir retenu ses sanglots elle s'agenouillait toutes les nuits. Et longtemps après sa mort, elle allait en catimini dans leur chambre se coucher par terre en plein midi, jusqu'à ce qu'elle sente le soleil picoter ses yeux avec ses yeux à lui.

Elle sort de la chambre, y laissant son frère et leurs parents.

Elle redescend vers l'entrée, ouvre la porte et avance un peu sous l'auvent - le pré est sec, un vrai champ de paille. Plus bas la route est déserte, on est lundi, le trafic ne reprendra que ce soir et ce sera un vacarme insupportable. Si elle déboutonne sa robe, les gouttelettes de sueur ne seront plus que cristaux de sel sur sa peau. S'il n'y a personne alentour, elle peut bien le faire ; elle est déjà pieds nus, défait tous les boutons, fait glisser sa culotte et la pose sur la première marche, encore deux pas et elle est sur la terre grumeleuse, quelques sauterelles s'éparpillent, sa robe bleue et les rideaux blancs de la maison battent de concert, un coeur irrégulier en course d'essai. Les yeux mi-clos, elle cherche à savoir si elle est vraiment seule - elle étend les bras, tourne sur elle-même, une fois, encore, offre sa nuque, se dresse sur ses orteils, continue de tourner, et tout en tournoyant elle sent tout à coup un terreau si fin sous ses pieds qu'un hoquet la saisit, c'est un rire qui monte, ce sont des traces d'un autre sel qu'elle trouvera au coin de ses yeux.

Son amour peut bien attendre.

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