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Billet de blog 15 avril 2012

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Lundi glacé.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Elle entre dans un bar, où de belles femmes au décolleté laiteux se déplacent avec grâce ; assis à une table, quatre hommes se disputent un revolver, des cartes ou de l'argent, peut-être les trois à la fois. Une femme s'en approche quand une poigne crochue l'attrape par les cheveux et la jette à terre. Elle est là, sur le dos, jambes nues et bras grands écartés, le front troué : une rigole noire lie les sourcils à ses tempes – les yeux ouverts elle murmure ça va. Il faut l’aider à se relever, vite, l’homme reviendra, il revient déjà d'ailleurs : on entend cliqueter la ferraille qu'il trimballe, nous dit sa course, son oeil mauvais, ses mains en étau .

Plus loin, dans un immeuble en ruines, une enfant joue dans sa chambre, auprès d’immondices puantes. La mère s’approche, la gorge nouée du regard de l’innocente – et profère de petits mots – qu’as tu fait ma perle, tu ne peux pas rester ici, et l’enfant rit en secouant ses couettes papa a dit ça va.
Il est là, maigre et gris, la bouche serrée, le dos tassé au fond du vestibule. La mère lui passe devant, laissant l’enfant le temps de sortir les poubelles, pas plus, attends-moi, ne bouge surtout pas.

Mais elle doit trouver un téléphone, appeler au secours, pour ces hommes  qui trichent, volent, se battent et violentent chaque femme confiante, imprudente.

Plus loin, bien plus loin, sur une plage grise, trois vieilles échevelées papotent dans une cabane faite de planches, de tôles rouillées - il doit y faire sombre et froid ; la mer roule son fracas, et alors qu’elle marche à longues foulées vers elles, elle sent les embruns tenter de la réveiller,  piquant ses joues – les vieilles s'agitent tout à la joie de la voir s'approcher, du plus loin qu'elles peuvent la hèlent, tête et mains en cadence : vous cherchez un travail c’est ça ?  prenez donc le téléphone, elles pouffent nous n’avons plus ce souci, belle dame, ni travail, ni accouchement, et elles rient de plus belle. Venez-là, beauté ! Elle attrape le combiné, fait tourner le cadran : quand elle bredouille son nom, hache deux vilains mots, voici : elle a gagné son entretien, et ces cris, bon sang, ces cris !  ce sont les vieilles pour son apothéose ...

Le jour est enfin levé. 

Elle part faire chauffer l’eau pour le thé, elle peine à marcher. Sa main tremble si fort  ma peine est immense, je ne pourrai la garder.

Il entre dans la cuisine. Il est son cœur qui tremble. Elle aurait voulu se taire. Il essaie de ne pas répondre. 

Pas de cri. Pas de bagarre. Sa main se calme. Elle a le droit de dire qu’elle a mal. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.