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Billet de blog 23 novembre 2011

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le soleil chauffe encore un peu le vent d'Ouest.

Il se décide à rentrer - il a assez de légumes pour sa soupe, et après avoir
écouté les infos, il continuera de réparer le chauffe-eau. Chauffe-mains, a dit le quincailler, chauffe-eau c'est autre chose. Faut s'y faire, cette mode de tout rebaptiser. Chauffe-eau, on sait bien ce que c'est. D'ailleurs, ce n'est plus le quincailler, c'est un conseiller du magasin de bricolage, trop grand, tout sous blister ou par douze : il reste parfois vingt minutes les bras ballants, une diode qu'il fait rouler entre ses doigts - il attend que quelqu'un vienne lui demander de quoi il a besoin : il répond toujours
ah, c'est gentil de venir m'aider, je crois que je suis trop vieux.

Le pépé s'approche de sa maison. La canne l'aide drôlement, ce n'est pas celle de son père - il soupire.

Il pousse la porte à plat main ; il ne sent pas sous sa paume les écailles coupantes de la peinture bleue. Demain, il devra s'occuper
du heurtoir, car la sonnette ne fonctionne plus et ça, s'il commence à réparer, ce sera trop de travail : chercher l’escabeau pour sans doute ouvrir les saignées au-dessus de la porte, et voir si les rats n'ont pas rongé les fils.

Autant remettre le heurtoir en état, ca plaît aux jeunes touristes ; hier, une gamine l'a appelé Monsieur, ohé, monsieur ! Elle lui a demandé l'autorisation d'entrer dans la porcherie en ruine, une telle ruine que la charpente est un souvenir qui crève le ciel ... les vieilles pierres sont si belles, pour moi elles ont tant d'histoires à raconter, je voudrais simplement les photographier . Il a hoché la tête, claqué sa langue et souri : vous savez, les histoires elles sont pas seulement dans la porcherie. La petite, vingt ans peut-être, n'a pas répondu, elle a enjambé les pousses de laurier, s'est placée accroupie comme ci puis courbée comme ça. Il est resté à la regarder faire - pourvu que je l'embête pas a-t-il pensé. Elle est restée au moins un quart d'heure, lui aussi car il avait un peu peur qu'elle se blesse, mais il ne savait trop quoi faire - rester debout, s'approcher ? S'asseoir, et lui demander ensuite de l'aider à se relever ? Alors il est resté à l'observer, tournant parfois le bout de sa canne dans le sol, chassant une sauterelle, se laissant porter par le bourdonnement des mouches de l'arbousier.

Enfin, elle est sortie, et quand elle a souri, il a vu qu’elle portait un appareil.
Les enfants en portent beaucoup aujourd’hui, il ne savait pas qu’à vingt ans, on pouvait encore redresser les dents ; il la plaignit en silence, pensant qu’il le raconterait au berger demain : il se demanda ce qui l’étonnerait davantage , des photos de
ces murs trois-quarts éboulés, sans toit, au sol de ronces et de laurier, ou de l’appareil. Merci beaucoup monsieur, c’est vraiment très gentil, j’ai de bonnes images et elle avait dit au-revoir en allant si vite vers sa voiture. Il était pas sûr qu'on dise éboulés.

Le palier est dèjà très humide, en septembre les murs gardent la chaleur mais pas que. Il monte les quelques marches, entre dans la cuisine. ouvre le frigo, sort les légumes - demain, il devra racheter du céleri, ça donne bon goût à la soupe. Pendant qu'il rince, épluche, taille, il pense qu'il a eu de la chance d'apprendre à cuisiner quand il était dans la marine marchande - le berger, il sait à peine se faire du café au lait, il faut qu'il mange quand il a faim ; parfois, il lui demande de sa soupe, ou du gratin de choux fleurs à la béchamel. Bien sûr qu'il lui en donne, même, il en fait souvent un peu plus pour lui porter. Il reste des pommes, il les prépare pour la compote. Après, pendant que tout ça va cuire, il va aller s'allonger un peu, il est fatigué.

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