C’est l’histoire d’un homme qui séduit des jeunes filles et suce leur énergie vitale jusqu’à les laisser exsangues. L’histoire d’un prédateur dissimulé sous les atours d’un homme affable, riche, éduqué, un personnage de haut rang. Un homme respecté et respectable.
We suck young blood
On le nomme vampire dans les fictions de Bram Stoker – Dracula - ou de Joseph Sheridan Le Fanu, Carmilla. Des œuvres qui inspirent depuis ses origines le monde du cinéma. On ne compte plus les séries B ou Z, les blockbusters, les chefs d’œuvres d’auteurs ou même les films érotiques tournant autour des personnages de vampire.
Effectivement, quelques mois après Nosferatu en 2024, voici que le comte Dracula est déjà de retour sur nos écrans. Signant le retour d’un réalisateur qui n’est pas sans points communs avec l’illustre prédateur de jeunes filles, j’ai nommé Luc Besson. Auréolé de ses gloires cinématographiques passées – et pour le moins dépassées – Le grand bleu, Nikita, Léon, Le cinquième élément… il est aussi poursuivi par le fantôme de la plainte pour viol adressée contre lui par Sand Van Roy, classée sans suite en 2019 par le parquet de Paris (l’actrice a depuis saisi la cour européenne des droits de l’homme) , et de huit autres témoignages de femmes se disant victimes de harcèlement et/ou violences sexuelles de sa part, et certains témoignages ont été recueillis par Mediapart*. A ce jour, Luc Besson est toujours présumé innocent. Du moins sur le plan judiciaire. Car en se penchant à la fois sur sa filmographie et sa biographie, de nombreux éléments installent une ambiance pour le moins inquiétante autour de son rapport aux femmes, celles de sa vie, celles de ses films. Là encore, il semble qu’on ne puisse séparer l’homme de l’artiste tant ses vies publiques et privées se font écho. Et du nosferatu ou de l’homme, on a du mal à déterminer lequel vampirise le plus…
Aux origines du mal
Révélé au grand public en 1988 avec Le Grand Bleu, triomphe au box office et immense succès populaire, il enchaîne ensuite les bangers à un rythme effréné, avec Nikita en 1990 et Léon en 1994. Côté vie privée, Luc Besson, acclamé par le public et la critique, adoubé par le monde du cinéma et admiré par ses pairs, est marié depuis 1986 avec Anne Parillaud, qu’il met en scène dans Nikita.
C’est à la suite de la soirée des Césars 1991, lors de laquelle sa femme remporte la statuette convoitée de la meilleure actrice, qu’il rencontre au Fouquet’s, où se termine la soirée, Maïwenn, aujourd’hui connue comme réalisatrice sous ce simple prénom, est alors âgée de 15 ans. (D’après d’autres sources, les deux se seraient déjà rencontrés auparavant chez le compositeur Eric Serra, alors que Maïwenn avait 14 ans). Luc lui, est un homme marié, âgé de 31 ans, et fête ce soir là son succès conjoint avec son épouse.
Cela n’empêche en rien le trentenaire de draguer l’adolescente avec assiduité, de la mettre enceinte et de l’épouser en 1992, ses 16 ans à peine révolus, avec la bénédiction des parents de cette dernière.

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En effet, Maïwenn est issue d’une famille pour le moins défaillante à la protéger. Son père, Patrick Le Besco, est acteur, sa mère, Catherine Belkhodja, désire faire d'elle une star dès ses 3 ans et la traine de casting en casting, lui faisant débuter une carrière d’actrice dès 5 ans. Devenue adulte, Maïwenn accusera dans la presse ses parents de maltraitance physique et psychique et décrira son père comme violent. C’est peu dire donc que l’adolescente est fragile, et potentiellement traumatisée par ses premières années lorsque Besson resserre ses griffes sur elle.
En 1993, il peaufine son emprise – légale - sur son épouse mineure, désormais mère de sa fille Shana, en l’emmenant vivre avec lui à Los Angeles.
En 1996, Luc Besson tourne Le Cinquième élément, dans lequel il dirige Milla Jovovitch, une mannequin serbo-ukrainienne de 20 ans. Il ne fera pas que la diriger, mais la mettra dans son lit, quittera dans la foulée Maïwenn - qui travaillait aussi sur le tournage pour incarner la diva Plavalaguna - puis épousera Milla en 1997.
Au moins cette fois-ci, sa conjointe est majeure. Et il l’épouse, drapant la relation dans des atours de respectabilité matrimoniale. Peu importe si lors de leur rencontre il était l’employeur de Milla, était déjà marié, célèbre et de 17 ans son aîné. Car comme chacun sait, l’amour est enfant de bohème, il n’a jamais jamais connu de loi...mais respecte apparemment le code civil.
Maïwenn témoigne sur France Inter en 2021, trente ans après leur rencontre : "C'est sûr que cette histoire, si on l'avait vécue aujourd'hui ça serait différent. (...) Je pense que ça serait beaucoup plus médiatisé que ça ne l'était. Mais je le comprends hein, attention. Moi quand je repense à cette histoire et à l'âge que j'avais je me dis que c'est un truc de fou quand même".
Un truc de fou autrement appelé détournement de mineure.
Elle dira aussi en interview que l’intrigue de Léon, film de son mari sur lequel elle fera ses premières armes de cinéaste, est inspiré de leur histoire.
Luc, Mathilda, et le fantasme de la lolita
Zoomons donc sur cette œuvre de 1991 qui permettra à Jean Reno, précédemment mis en scène par Besson, d’asseoir sa notoriété, en partageant l’affiche avec la très jeune actrice américaine Natalie Portman, alors inconnue. Le pitch : Léon, tueur à gages solitaire, la quarantaine bien tapée, vit à New-York. Par un concours de circonstances, il se retrouve à accueillir Mathilda, 12 ans, orpheline suite au massacre de sa famille par des voyous, et à lui apprendre le métier de tueur. Au long du film, une relation pour le moins ambiguë se développe entre l’homme et l’enfant, incarnée par une Natalie Portman réellement âgée de 12 ans et hyper sexualisée. Entre un verre de lait et un éclat de rire enfantin, Mathilda déclare à Léon qu’elle pense être en train de tomber amoureuse de lui, pour jouer elle lui chante Like a virgin habillée en Madonna, puis Happy Birthday grimée en Marilyn Monroe, soit deux sex symbols de la culture américaine.

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Vous trouvez ça gênant ? Sachez qu’il existe une version longue du film, sortie deux ans plus tard, dans laquelle une éventuelle relation amoureuse entre Léon et Mathilda est davantage explicitée via les paroles et le jeu des acteurices. Au cinéma, la version d’origine du scénario a en effet été tronquée à la demande des parents de la jeune Natalie qui se sont opposés au tournage de certaines scènes trop « tendancieuses ». Je n’ai pas cherché cette version, l’originale étant suffisamment problématique à mon goût. Rappelons, comme cela a été souvent rapporté dans la presse, que Natalie Portman a été traumatisée par les expériences ayant découlé de sa sexualisation dans le film, puisque bien qu’elle n’ai été âgée que de treize ans, elle a subi suite à la sortie du film du harcèlement sexuel de la part de nombreux hommes, et une radio locale avait même mis en place un compte à rebours jusqu'à ses dix huit ans, âge où il serait enfin légal de coucher avec elle 🤢 L’actrice parle aujourd’hui du malaise que lui évoque le film qui a propulsé sa carrière *1.
Ce que Luc Besson met en scène, c’est donc une adolescente de moins de quinze ans qui tombe amoureuse d’une homme d’une quarantaine d’années, et exprime son désir pour lui. Un script d’autant plus creepy qu’il a lui même entamé à la ville une relation avec une gamine de 15 ans, qui travaille de surcroît sur le film. Car dans le cas Besson, la réalité n’est jamais loin de la fiction.
Déjà parce qu’il désire, et souvent parvient à coucher avec la plupart de ses actrices principales. Depuis Anne Parillaud qu’il met en scène dans Nikita, en passant par Maïwenn et Milla Jovovich. Pour les relations qui ont été portées à la connaissance du public.
Quand la fiction épouse la réalité
Ces personnages féminins, vulnérables, d’une beauté enfantine et candide, tombent systématiquement sous le charme d’hommes violents. L’orpheline Natalie, la désorientée Leeloo -à peine dotée de vêtements et pas même du langage au début du Cinquième élément – ou encore Nikita la toxicomane tombent éperdument amoureuses d’hommes qui les dominent par leur âge, leur force physique, leur capacité d’action, et leur maîtrise des situations traversées et des environnements où iels évoluent.
Ces hommes ont aussi en commun d’être coupés de leur émotions, violents ou absents (Jean-Marc Barre dans le Grand Bleu), parfois tout à la fois (voir les caricatures de virilité toxique que sont les personnages masculins de Taxi).
Si les ex compagnes de Luc Besson se sont peu exprimées sur son attitude en tant que conjoint, Maïwenn a pour sa part révélé certains éléments qui ne nous étonnent guère parvenus à ce stade de « l’enquête de personnalité ».
A savoir que son conjoint était absent, entièrement absorbé par sa carrière, qu’il la laissait seule avec une enfant à gérer (alors qu’elle même en était toujours légalement une) et que lors d’une violente dispute où elle a adressé les problèmes, il l’aurait frappée. Comme l’indique l’article qui fait état des faits*3, elle tempère cependant ses dires, déclarant que « cette dispute était exceptionnelle et qu'elle ne qualifierait pas Luc Besson d'homme violent. » Si un homme qui frappe sa femme et mère de son enfant n’est pas un homme violent, alors où débute la violence ? Au vu des déclarations de Maïwenn, elle n’identifie en effet pas Luc Besson comme un auteur de violences sexuelles et conjugales, quand bien même il l’est factuellement. La dynamique d’emprise semble être fonctionnelle ici comme dans d’autres relations et interactions personnelles et professionnelles du réalisateur. Par ailleurs, les positions anti féministes de Maïwenn, qui a réalisé en 2005 Mon roi, film pour le moins ambigu dans son traitement des violences infligées à son personnage principal féminin*4, a défendu Roman Polanski, et a choisi en 2023 d’offrir un premier rôle à Johnny Depp postérieurement au procès pour violences conjugales qui l’a opposé à son ex femme Amber Heard, témoignent à mon sens de la continuité de l’emprise masculine sur sa vie. Plus loin, Maïwenn ajoute au sujet de Besson : "Quand il m'a quittée, il m'a dit que je n'avais pas le corps qui lui convenait". C’est-à-dire, j’imagine, le corps de très jeune femme qu’elle avait avant de porter son enfant. Objectifiée, violentée, négligée par son ex époux, Maïwenn continue aujourd’hui de soutenir son innocence, comme celle d’autres agresseurs.
Femmes enfants et vierges à sacrifier
Autre trope intéressant dans la carrière de Luc Besson : son appétence pour les mannequins. Il a toujours été en recherche de jeunes mannequins désirant percer dans le cinéma et l’assume.
Des femmes très jeunes, très belles, et cherchant à entrer dans un monde dont il avait les clés… autrement dit des proies presque idéales pour un prédateur attiré par la chair fraîche.
Les femmes, il les a toujours aimé enfantines, préférant l’enfant dans la femme enfant. Il s’est affiché publiquement avec des femmes tellement plus jeunes que lui que certaines étaient mineures et jusqu’ici personne n’a rien trouvé à y redire. Lorsqu’il était marié avec Maïwenn et qu’iels vivaient à Los Angeles, iels recevaient lors de dîners somptueux des stars américaines, notamment Madonna, et là encore la relation semble avoir été totalement normalisée.A l’instar de celle qu’entretenait à la même période de l’autre côté de l‘Atlantique Benoît Jacquot avec une Judith Godrèche mineure, entourés à table du gratin du cinéma français.
Fait troublant, Isild Le Besco, la sœur cadette de Maïwenn, qui comme elle baigne dans les eaux troubles du cinéma depuis sa plus tendre enfance, a également porté plainte contre Benoît Jacquot pour viol sur mineure de plus de 15 ans. Le réalisateur l’a mise en scène à seize ans dans Sade, et entretenait à l’époque une « relation » avec elle, au su de toustes, comme celle de sa sœur avec Luc Besson.*5
« Ces hommes volaient tout naturellement la substance des jeunes filles » dira Isild Le Besco de Benoît Jacquot et de Jacques Doillon dans une interview de 2024 *6.
Ces femmes jeunes, malléables, remplacées par une autre en cas de rébellion à la toute puissance de l’époux et maître, Luc Besson en a aussi fait l’essentiel de son matériau cinématographique. Il les séduit, les exploite jusqu’à les vider de leur substance, exactement comme le vampire qu’il met aujourd’hui en scène. Exactement comme le prédateur en série qu’il est.
Plantons les clous du cercueil
Dans l’ère post metoo, Luc Besson n’épouse plus d’adolescentes… sa femme actuelle, Virginie Besson-Silla, n’a « que » 13 ans de moins que lui. Il semble faire profil bas, vit aux États-Unis et n’apparaît que très rarement dans les médias, le temps de clamer son innocence à grand renfort de larmes de crocodile. Sa tentative de retour avec ce Dracula sur lequel il a misé 45 millions d’euros (le plus gros budget hexagonal de 2025) connaît des critiques en demi teinte. Loin de l’onirisme baroque de la version de Francis Ford Coppola ou de la finesse du Nosferatu de Robert Eggers, le film connaît cependant le 5ème meilleur démarrage français de l’année, à peine freiné par la levée de bouclier généralisée dans les rangs féministes, chez qui l’envie de boycotter Monsieur Besson fait rage.
Ou à minima, l’envie de dissuader les spectateurices de venir éponger les dettes d’un cinéaste mégalo dont la carrière s’est formée au mieux sur un propos problématique vis-à-vis des femmes, au pire sur leur exploitation et leur domination, à la ville comme à la scène.
Si vous êtes comme moi fan de vampire et féministe, regardez ou revoyez plutôt le Nosferatu cru 2024, qui en plus de se targuer d’une photo à tomber et de plans somptueux, fait la part belle à Lily-Rose Depp, nouvelle icône queer du cinéma, un tantinet plus woke que son paternel.
Et scellons la porte de la crypte sur Luc Besson et son cinéma.
* Le témoignage vidéo de Karine Isambert est visible ici
*4 NDLR : Fun fact (ou pas) dans Mon Roi le personnage principal masculin est incarné par Vincent Cassel, qui en 2018, âgé de 52 ans, s’est mis en couple et a fait un enfant à sa compagne Tina Kunakey, une mannequin de 21 ans. Aujourd’hui séparé de Tina, l’acteur de 58 ans est en couple avec Narah Baptisa... une mannequin brésilienne âgée de 28 ans. Le syndrome Di Caprio semble décidément se propager plus rapidement que le plus virulent variant du covid.
*5 NDLR : La comédienne a écrit dans Dire Vrai, un récit autobiographique, des violences qu’elles a subies dans l’enfance.