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Billet de blog 1 avril 2020

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Le vouvoiement, une solution inédite pour enrayer l’épidémie

Considérant que certains mots conduisent à expirer plus d’air que d’autres, et risquent d’occasionner davantage de postillons, source essentielle de propagation du virus SARS-CoV-2, un comité d’experts recommande d’en suspendre l’usage jusqu’à nouvel ordre.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La création par le chef de l'État, Emmanuel Macron, mardi 24 mars, du Comité Analyse, Recherche et Expertise (CARE) porte déjà ses fruits. Formation de 60 scientifiques représentant un large éventail de disciplines, elle est chargée de conseiller le gouvernement et porte la responsabilité de rechercher « toutes les solutions originales et alternatives qui permettront, de quelque manière que ce soit, d’endiguer la progression du virus ». Celle-ci a rendu public un certain nombre de recommandations, qui pourraient être adoptées dès les prochains jours.

La proposition la plus aboutie concerne le langage. Selon le communiqué du comité, la situation est claire : “Nous savons que le virus SARS-CoV-2 se transmet de personne à personne par la projection de gouttelettes contaminées, en particulier salivaires. Or notre stock de masque est grandement insuffisant pour protéger la population. Le plus simple et le plus rationnel, dans ce cas précis, est de modifier légèrement notre manière de nous exprimer, afin d’émettre moins de postillons ».

L’idée aurait de quoi faire sourire, dans un autre contexte. Mais le président du comité en est convaincu, la mise en place d’une telle mesure pourrait sauver des dizaines de milliers de vies. « Comme l’ont souligné nos experts, ce sont les consonnes qui posent problème. Il convient d’éviter les chuintantes, les labiales et les dentales sourdes et de les remplacer par des sonores, des liquides et des nasales. »  En clair, il s’agirait de bannir les sons ch-, f-, t- et p-. Un mot comme tu ou chose entraînerait 5 à 10 fois plus de postillons qu’un mot comme vous ou objet.

« Le plus grand danger vient de la répétition des labiales et des dentales. Prenez des locutions comme petit à petit, tartiflette, poudre de perlimpinpin. Cela peut en amuser certains, mais ce sont de véritables armes biologiques aujourd’hui ! » s’alarme-t-il. « Il est impératif de reconsidérer notre manière de parler, et d’éviter les mots les plus contaminants. Il suffit de réfléchir un peu avant de s’exprimer. En temps de crise, je suis désolé, on ne dit pas Ce pamplemousse est plein de pépins, mais Mon agrume regorge de graines, par exemple ! »

Pour autant, est-il réellement envisageable de modifier la manière de parler de tout une nation ? Selon le rapporteur de l’Académie française, consulté: « L’Histoire démontre que notre idiome forme une matière linguistique extrêmement malléable. Dans ce cas précis, la situation est très simple. Il suffit de revenir aux règles de la grammaire et de la politesse classiques : tu doit être remplacé par vous, pas par ne, faire par agir, l’horrible pitcher par discourir... D’autre part, l’usage du vouvoiement permet d’instaurer plus de ’distance’ entre les personnes. »

En dehors de sa pertinence, la question de la mise en place d’une telle mesure demeure. Selon le président du comité, « la proposition que nous avons soumise au gouvernement, actuellement en cours d’examen, préconise l’instauration d’une amende progressive sur le ch- et le f-, vecteurs d’un peu plus de 40% des postillons observés sur le terrain. Cela incitera petit à petit les citoyens à s’en détourner, tant que la pandémie ne sera pas maitrisée. Certes, c’est, je le répète, une décision difficile que de s’en remettre à taxer les phonèmes, mais il s’agit de vies et de morts. »

En cette période difficile, une mesure permettant de freiner l’épidémie, qui plus est sans coûter le moindre centime à un État économiquement ébranlé, retient beaucoup d’attention au sommet du gouvernement nous assure une source proche du palais présidentiel. Voilà qui devrait permettre d’attendre les masques avec plus de sérénité.

Nathan Grine, Ann Bee

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