Dans nos sociétés hyper-complexes où les pouvoirs sont partagés entre une multitude d’instances économiques, politiques, idéologiques, force est de constater qu’aucun gouvernant, président d’un État, d’une banque ou d’un organisme mondial n’est en mesure de diriger une politique unifiée et satisfaisante pour tous. Dans cette société devenue globalement anonyme dont personne ne peut prétendre posséder la maîtrise, les gouvernants ne sont plus que des éléments astreints à leur mandat, comme le commun des mortels.
Tout rassemblement de peuple est reconnu souverain pour autant qu’il ait les attributs d’un État, à savoir vivre sur un territoire, et posséder des institutions : un appareil politique gardien de l’Ordre social, chargé de gouverner et des administrations et services pour gérer sa population, la protéger et permettre à chacun d’assumer sa place dans le respect des normes communes. Une telle organisation reconnue implicitement suffit pour que chaque citoyen puisse s’appliquer à sa tâche et se sente innocent de l’idéologie portée par la politique.
C’est sous couvert de ce système de vérités fantasmées qu’une armée de fonctionnaire et d’ouvriers obéissants a construit et géré les infrastructures et dispositifs d’extermination des millions que les fous monstrueux qui les commandaient appelaient des sous-hommes. Plus près de nous, ce sont les gestionnaires de la finance mondiale qui ont imposé sans état d’âme à la Grèce une catastrophe humaine pour préserver l’idéologie néocapitaliste que l’on croit être l’unique modèle de société. Les autres gouvernants comme les employés des institutions bancaires ou administratives de tous pays appliquent consciencieusement leurs décisions, pendant que les usagers surveillent leurs comptes d’épargne dont l’état maintient la confiance, en espérant qu’ils ne vont pas se dévaluer.
Dans le livre relatant son expérience politique Y Varoufakis[1] ex-ministre des finances de la Grèce, démontre que les membres de ce système ont perdu toute autonomie dans la gestion correspondant à leur mandat. Il nomme « réseaux de pouvoir ces super boîtes noires mettant en jeu des acteurs qui conspirent de facto, même si ce n’est pas consciemment » à l’application de ces mesures inhumaines, et il ajoute que « si la dégradation de nos conditions de vie peut être attribuée à une conspiration, ses acteurs ne savent même pas qu’ils y participent ». Yanis Varoufakis énonce ainsi un constat terrifiant : « Les institutions supranationales sont dirigées par des politiciens et des bureaucrates influents qui ont peut-être les commandes, mais rarement le pouvoir. S’ils ne sont pas complices ils sont de toute façon prisonniers de cette tâche première, éviter la faillite du système » ; et cela ne se fait que par l’exploitation des individus.
Aucune idéologie ne saurait entrer en concurrence avec ce système incontrôlable composé de milliers d’entités financières ou productrices qui s’ignorent les unes les autres et ne font que suivre leur logique, aveugles au devenir des sept milliards d’individus de notre planète ; et cette culture dominante sur l’ensemble de la planète fonctionne comme un nouveau mythe. Reconnaissable par tous comme la seule vérité réelle pour l’humanité, elle repose sur des dogmes irréfutables, structurés autour des symboles dont les rites s’actualisent par le récit des cours financiers. Ses prêtres et prophètes ne sont autres que les gouvernants et économistes qui imposent la soumission à tous les membres de leur champ de compétence.
L’illusion humaniste institutionnalisée par la déclaration des droits de l’Homme revue et corrigée depuis 1793, 1848, puis 1948 n’a jamais été appliquée sinon sous forme de déclarations solennelles de principes : et c’est encore un fantasme social qui permet de croire que les institutions supra nationales jouent leur rôle autrement que symboliquement. l’O.N.U. (organisation des Nations Unies) cautionne en permanence des guerres interminables entre nations désunies mais qui siègent ensemble ; la F.A.O. (Food & Agriculture Organisation) ne bénéficie que d’un qu’un budget squelettique pour lutter contre la faim. L’OMS pour la santé ; le T.P.I, (tribunal pénal international) contre les criminels d’Etat ou l’UNESCO pour la culture et l’éducation, n’ont jamais eu la reconnaissance ou les moyens d’assumer leurs missions. Par contre d’autres organismes plus directement affiliés au mythe dominant, gouvernent effectivement les relations internationales. Ce sont l’O.C.D.E. (coopération et développement économique), l’O.M.C. (Organisation mondiale du commerce), l’O.P.E.P. (regroupant 14 pays exportateurs de pétrole), ou l’O.T.A.N. (organisation militaire). D’autres institutions encore ont pour mission de cautionner l’avenir du Capital économique de l’humanité. La Banque mondiale, le FMI, la Réserve fédérale, la B.E.I, et autres Troïka sont également nécessaires pour que l’on puisse croire qu’une société politique de droit existe toujours. Mais pas plus que les gouvernements auxquels elles imposent leur régulation et leur contrôle, ces institutions n’ont de marge de liberté dans ce système devenu insensé ; et les personnes individuelles sont définitivement exclues de ces instances de pouvoir, justement nommées sociétés anonymes, holdings, etc. dont les gouvernants, sont de toute façon eux-mêmes soumis à des formes de gouvernance qui n’ont plus rien d’humaniste.
En ce temps de pandémie, le FMI peut mobiliser des ressources financières fabuleuses, non pour créer des structures de soin ou subvenir aux besoins des populations mais pour « maintenir l’économie ».
L’Écologie comme son nom l’indique est « la science qui étudie les êtres vivants dans leur milieu et les interactions entre eux. C'est la science de la maison, de l'habitat ».[2] Sa mission est de définir les conditions et moyens d’une saine gestion de la maison Terre. Elle devrait être à l’évidence la science mère de toute économie financière et productrice qui prétend vouloir satisfaire les besoins de l’humanité. Il paraît pourtant que la culture économique dominante, non seulement n’a pas pour mission de se préoccuper des conditions de vie des personnes, mais ne saurait prendre en compte la dangerosité de son activité sur les populations.
[1] Yanis Varoufakis Conversation entre adultes Editions LLL 1917
[2]Ce terme fut inventé en 1866 par Ernest Haeckel, Biologiste pro Darwiniste (Wikipédia)