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Billet de blog 14 juin 2023

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UNE HISTOIRE DU KOSOVO, DU FESTIVAL FEMART ET DU FEMINISME POUR "BRULER SA PEUR"

Ici, je traduis le témoignage de Johanna Mertinz lors sa participation au festival FemArt à Pristina au Kosovo.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Du 15 au 21 mai 2023, à Pristina et Mitrovica, dans la République du Kosovo, s'est tenu la 11ème édition du premier festival féministe des Balkans de l'Ouest -“FemArt - INTERNATIONAL WOMEN ARTIST AND ACTIVIST FESTIVAL”. Un festival qui mélange art et activisme pour générer des changements sociaux positifs, la consolidation de la paix, l'égalité des genres et l'émancipation des femmes. Pendant plus de dix ans maintenant FemArt a créé un espace de liberté, d'émancipation, de curiosité sans fin et de magie.

C'est en novembre 2022 que j'ai pour la première fois entendue parler de FemArt par sa créatrice et directrice exécutive, Zana Hoxha, qui est aussi une metteuse en scène, que j'ai rencontré en Israël. Nous étions toutes les deux participantes à IsraDrama, nous avons regardé de nombreuses performances ensemble à Tel Aviv et Jérusalem, et il m'était impossible de perdre de vue c'est femme si impressionnante. C'était le début d'un voyage pour "Brûler sa peur", qui prendrait sens six mois plus tard.

BRÛLER SA PEUR

Alors que le jour du départ pour le Kosovo approchait, la peur en moi grandissait. De nombreuses questions m'occupaient l'esprit, mais ce sont surtout les préoccupations de ma famille qui prenaient le dessus ; Que vas-tu faire au Kosovo ? Ce n'est pas dangereux là-bas ? Ne prends pas de taxi, sous aucun prétexte... Qui va s'occuper de toi là-bas ? Contacte l'ambassade là-bas puisque tu ne parles pas la langue... C'est l'ex-Yougoslavie, quelle est la situation politique actuelle ? etc.

Par coïncidence, la devise de cette édition du festival FemArt était "Brûler sa peur", c'était un appel à la nouveauté, au courage et à l'amour d'exister. Mon entière existence a été guidée par la curiosité. Cela a conduit à de nombreuses incroyables expériences dans ma vie, et celle- là n'était pas une exception. Je me devais d'y aller, en tant que femme, qu'artiste, qu'activiste et brûler ma peur !

Je suis donc arrivée le 18 mai, à Pristina, à minuit après un court et plaisant vol. Le lendemain, un membre de l'équipe m'a fait visiter la ville. Elle m'a montré l'immense bibliothèque avec son architecture si unique, on a visité des mosquées et la vieille ville et discuté de nos pays respectifs, de l'hospitalité de la famille, du capitalisme dominant tout en Autriche et des difficultés de tous les jours au Kosovo, le seul pays en Europe toujours sans libéralisation de visa ! Je n'ai pas activement cherché à brûler ma peur à Pristina, mais par mes rencontres, mes discussions et ma découverte de ce pays, elle a simplement fondue. Ma peur a disparu seule.

ART ET ACTIVISME - LE POUVOIR DE GUERISON POUR LE CHANGEMENT SOCIAL

Le programme de la 11ème édi1on du festival était à l'image de la vision et mission d’Artpolis : féminisme, justice, émancipation, humanisme et loyauté.
J'ai vu Zana plusieurs fois pendant ce festival au Kosovo. Tellement de pouvoir il y a dans cette femme ! Zana vit et réalise ce que des milliers d'artistes rêvent. FemArt est aussi à l'image de sa personne. Quelle quantité de travail, de persévérance, il y a derrière tout ça ?

A quel point je l'admire ! On a parlé de nos futurs projets, Zana mettra en scène Euripide "Les Troyennes" au Kosovo, moi je vais la jouer à Klagenfurt, cette pièce anti-guerre grandiose qui fut jouer pour la première en 415 av JC.
A travers le théâtre, les concerts, les films et un drag show, FemArt cassait les normes sociales, les limites, et les stigmates.

Parmi les performances présentées cette année à FemArt, auxquelles j'ai pu assister, il y avait "Danny and the Deep Blue Sea" avec une mise en scène clair et épurée, une femme, un homme uni dans l'autodestruction et le sentiment de ne rien valoir, mais toujours avec une petite touche d'espoir. C'était une belle pièce et le traitement de la relation entre ces deux personnages... c'était quelque chose ! Après, j'ai vu "Woman and Life", une production polonaise sur la solidarité et la liberté dans toutes formes de relation. Se rassembler - être fortes. Il y a eu aussi des projections de films "Ka me Kalu" qui parle du thème du trauma1sme dans le cercle familial, puis "Vera dreams of the sea", une incroyable actrice dans le rôle du personnage principal. Son rôle presque non-verbal qui se bat contre la peur et la méfiance dans sa famille régis par les schémas patriarcal était joué de manière impressionnante. La performance drag aussi "VAV - Vibrate Authentic Victory" qui a réuni 3 performeuses drag pour un show exaltant. Le festival s'est terminé en apothéose par la performance "Superfluous Man- Oblomov" et sur le concert de Rina Kaçinari Trio, une soirée fantastique à l'image de l'ensemble de ce festival, vibrant et bouillonnant. Enfin, le discours de sa créatrice Zana Hoxha, est venu clore ce festival dans un torrent d'applaudissement.

Le matin du 22 mai, je suis rentré à Vienne. J'avais brûlé ma peur.

Johanna Mertinz est une actrice de théâtre, de télévision et de cinéma autrichienne. Mertinz est aussi professeur au Performing Art Center Vienna - Acting department et docteur de philosophie à l'univer- sité de Vienne). Elle a écrit 2 livres publié par Mandelbaum Verlag. Johanna est aussi une mère et une grand-mère.

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