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Billet de blog 16 novembre 2013

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La créativité de la télévision française : un problème ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

De rediffusions en achat de programmes étrangers, difficile, en tant qu'observateur ou comme simple téléspectateur, d'affirmer que la télévision française est un immense puits de création. Honnêtement, j'ai même presque l'impression qu'elle est, pour les chaînes privées en particulier, un organe officiel de rediffusion d'ABC, NBC, CBS et Fox, les chaînes américaines gratuites. Et c'est sans compter l'attitude d'OCS ou de Canal+ qui ne peuvent fournir une grille de programmation sans s'alimenter auprès d'HBO, de Showtime et d'autres...

En Europe, il y a un pays très proche du notre dont les plus importants diffuseurs ne diffusent pas une minute ou presque de fiction étrangère. Sa télévision est d'une grande influence un peu partout sur la planète - merci au colonies... ! - et surtout gagne actuellement du terrain sur sa cousine américaine. On pourrait même dire que cette dernière n'aurait pas le visage qu'on lui connait aujourd'hui sans ce pays européen qui, dans différents genres de la fiction télé, a marqué l'histoire. Vous l'aurez deviné : je parle du Royaume-Uni.

Avant de vous détailler la chose, je me présente puisque c'est mon premier billet sur Mediapart. Je suis l'auteur du blog d'Arte, Dimension Séries, qui décrypte et critique l'actualité des séries télé, qu'elle soit française, américaine, anglaise... et la liste continue. J'ai également co-fondé le réseau social sur les séries, Spin-Off.fr. J'écris ce blog en particulier car je sais que la communauté de Mediapart est de qualité - et qu'il est possible de proposer une réflexion sans se faire troller systématiquement. Et puis que j'aimerais ouvrir mon travail à un nouveau lectorat. Mais ça dépend de vous, évidemment. Bref, voilà pour la forme.

La production originale, un révélateur

Quant au fond, j'aimerais si possible valoriser le décryptage que je viens de produire sur Dimension Séries (partie 1 : différence réglementaire, partie 2 : étude de cas). Certes, ce n'est pas une enquête qui fera trembler la République ; elle a pour seul but, et c'est déjà pas mal, de mettre en perspective les outils réglementaires français qui régissent la production audiovisuelle face à l'exemple britannique. Le constat que j'y fais est simple et s'articule autour d'une notion qui l'est tout autant : la production originale.

Qu'appelle-t-on par production originale ? Les programmes commandés par une chaîne avec pour objectif de les diffuser en premier lieu sur cette chaîne. Ça me parait légèrement trivial de le préciser mais autant s'accorder sur ce principe dès le départ.

Qu'ai-je constaté au cours de cette enquête, donc ? Que sur le mois d'octobre 2013, sur le créneau de 21h-23h étudié, TF1 n'a diffusé que 48% de production originale. Le chiffre grimpe légèrement dans le cas de France 2 à 65%. Bon, l'intérêt, c'est de savoir ce qui se passe ailleurs. Chez nos amis les anglais, donc, prenons l'équivalent de TF1, ITV. Son taux de production originale sur la même période était de 87% (!). Quant à l'équivalent de France 2, à savoir BBC One ? De 97% (!!). De nombreux facteurs intermédiaires jouent sur ce constat, je vous laisse les découvrir sur Dimension Séries.

La réglementation en question

Mais il y en a un, plus important que les autres, qui requiert notre attention... celui de la réglementation. C'est simple, si ces chaînes proposent autant de programmes originaux, c'est parce qu'ils en ont l'obligation. Sur une heure de grande écoute (18h-22h30 au Royaume-Uni, créneau fixé par l'OFCOM, le CSA anglais), ITV doit diffuser au minimum 85% de production originale. Dans les faits, son taux oscille entre 95% et 97%. Et pour BBC One, c'est encore plus important, son quota est fixé à 90% quant elle propose au final au public anglais entre 99% et 100% de productions originales.

En France, il n'existe qu'une seule règle qui force la diffusion de programmes originaux, celle des 120 heures inédites par an pour des programmes débutant entre 20h et 21h. Après un rapide calcul super simple, cette règle est expédiée par BBC One en... 4 mois. Et selon le bilan 2011 de TF1 publié sur le site du CSA, la première chaîne française n'en a diffusé cette année là que 116 heures purement inédites. De quoi mesurer le gouffre incroyable qui sépare la télévision française de la télévision britannique.

Pour plus de détails, sur les variations en fonction des types de programmes notamment, n'hésitez pas à venir lire l'intégralité de ce décryptage sur Dimension Séries. L'heure est maintenant au débat sur la manière dont on souhaite considérer la télévision : se suffit-on de son rôle d'aspirateur géant ou doit-on lui réclamer un devoir de création dans un cadre beaucoup moins laxiste qu'aujourd'hui ?

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