Le satisfecit affiché par une bonne partie de la classe politique suite au second tour des élections législatives aujourd’hui dimanche 07 juillet 2024, lié au barrage républicain ayant permis d’éviter de connaître une majorité absolue du RN à l’assemblée et donc un gouvernement issu de ses rangs, cache mal la panique -justifiée- qui a envahi cette même classe politique, et une majorité de citoyens, à l’idée d’un parti d’extrême droite accédant au pouvoir en France au sein de la 5ème république.
En effet, la constitution française de la 5ème république doit en faire rêver plus d’un sur la planète, de Trump à Orban, en passant par Melloni et bien d’autres, car il est clair que ce régime présidentialiste donne un pouvoir, sans équivalence dans les démocraties modernes qui ne sont pas de façade, au pouvoir exécutif.
Effectivement, il faut craindre à juste titre la prise de pouvoir en France par un parti extrémiste, d’autant plus que ce n’est pas un pouvoir judiciaire fort et indépendant qui pourra venir encadrer et limiter ce pouvoir, l’indépendance de la justice, et notamment des magistrats du Parquet, ayant été repoussée sans cesse par les gouvernements successifs. L’article 64 de la Constitution le proclame : « Le président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. », qu’en sera-t-il d’un président voulant appliquer une politique allant à l’encontre des droits fondamentaux ? On a pu en voir déjà un aperçu avec l’actuel président ou ses prédécesseurs sur des questions bien moins fondamentales.
La réflexion de Guy Carcassonne, professeur de droit, indiquant à propos de ce rôle du chef de l’Etat « … que le loup est garant de la sécurité de la bergerie » prendrait alors tout son sens, et la mise au pas du pouvoir judiciaire, comme nous avons pu l’observer dans les démocraties illibérales comme en Hongrie, ou en Pologne avant le changement de majorité, en serait grandement facilité.
Un tel changement, une majorité d’extrême droite aux élections, ne provoquerait certainement pas cette même panique en Suisse, exemple de démocratie participative, ou même dans toutes les autres démocraties parlementaires d’Europe où le pouvoir exécutif n’est pas aussi absolu qu’en France.
La crise politique que nous connaissons actuellement est en fait la crise de la 5ème république qui est complétement dépassée et plus du tout adaptée aux temps modernes. Et ce qui est exaspérant c’est qu’en écoutant les commentateurs, ils parlent d’échec du macronisme, comme avant on parlait d’échec du hollandisme ou du sarkozysme… mais en réalité il s’agit de l’échec d’un système où un homme est censé en représenter 68 millions.
L’environnement politique, social, environnemental, international, etc. est devenu tellement difficile, les décisions à prendre sont tellement lourdes de sens et impactantes pour les citoyens qu’elles ne peuvent plus être prises par quelques-uns pour tous les autres. Pour qu’elles puissent être acceptées, elles doivent avoir été proposées à chacun et chacun doit avoir pu se prononcer dessus. Ce n’est qu’à cette condition que de vrais changements pourront être mis en place, permettant de faire face aux défis qui nous attendent.
Prenons l’exemple de la réforme des retraites, que de temps perdu, de dégâts matériels, de vies brisées, untel perdant son œil à cause d’un flashball, de violence et de haine entre forces de l’ordre et citoyens évitées si la solution avait été adoptée par un référendum. Dans un système où l’on propose des solutions et où le peuple dispose.
« La France n’est pas la Suisse !! ». « Il est impossible de mettre en place un tel système en France !! ». Et pourquoi ? Qu’est ce qui nous en empêche ? Les citoyens ne sont-ils pas suffisamment avertis pour décider des grandes orientations du pays, des mesures qui vont les toucher dans leur vie quotidienne ? Pourquoi ne pourrait-on organiser une ou deux votations par an ? Il suffit de voir comme les actuelles élections législatives ont été en définitive si simples à organiser en trois semaines pour en être persuadé.
La vérité c’est que, à droite comme à gauche, on se retrouve sur une peur commune, celle de laisser véritablement le pouvoir au peuple. Il y a des gens qui savent et ceux là doivent diriger, les autres doivent se contenter de les écouter, les croire et voter pour eux.
Et bien sûr la classe politique redoute de réellement mettre en œuvre un tel changement, même si certains programmes l’abordent, car cela signifierait de ramener la place du politique à une simple rôle d’administrateur, de facilitateur, d’organisateur et de pédagogue, mais plus de décideur. C’est la raison pour laquelle tous les politiques se gardent d’aborder cette solution, se contentant de dire ce qu’ils feront lorsqu’ils seront élus et qu’on leur aura confié les clés du pouvoir. Le pouvoir enivre et corrompt et ceux qui peuvent y accéder n’ont nulle envie de s’en départir.
Cependant, aujourd’hui, le vent du boulet d’une extrême droite possédant les clés du pouvoir quasi-absolu de la 5ème, régnant sur une administration puissante et centralisée, n’est pas passé loin et il est fort probable qu’au vu de sa progression inexorable au fil des années précédentes, elle gagnera les prochains enjeux électoraux majeurs en 2027 si l’immobilisme règne, ce qui semble probable avec la chambre tripartite qui a été élue.
Il apparait donc d’autant plus indispensable d’adopter une nouvelle constitution permettant de mettre en place une véritable démocratie parlementaire et participative, rééquilibrant les pouvoirs et assurant une véritable indépendance du pouvoir judiciaire.
L’objectif numéro un de ceux qui viennent d’être élus ne devrait pas être d’essayer de mettre en place telle ou telle mesure en cherchant des consensus qui vont probablement épuiser les bonnes volontés et se terminer dans une désorganisation et un immobilisme mais de profiter de cette élection pour mettre en place un cadre démocratique enfin adapté aux temps modernes et plus sécurisant pour la République. Ceci est également valable pour les députés du RN car la peur qu’ils inspirent, véritable matériau du plafond de verre qui les empêche d’accéder jusqu’à présent aux plus hautes fonctions dans le cadre de la 5ème république, n’aurait plus de raison d’être et leurs idées pourraient être confrontées à la volonté des citoyens.
C’est pour toutes ces raisons que les parlementaires nouvellement élus doivent, en tout premier lieu, mettre en place une Assemblée constituante et proposer enfin au vote du Peuple une Constitution digne du 21ème siècle.