Le système éducatif djiboutien : L’écho du désespoir pédagogique
« Enseigner, c’est allumer des étoiles dans la nuit de l’ignorance. »
Mais à Djibouti, les mains qui tiennent les craies tremblent de lassitude. Le tableau noir se fissure, et les mots s’effacent avant même d’être tracés.
L’école, ce temple du savoir, ressemble désormais à une nef abandonnée, ballottée par les vagues de l’indifférence. Les enseignants, ces Prométhées modernes qui volent le feu de la connaissance pour l’offrir aux enfants, sont enchaînés à un rocher de mépris. Chaque jour, ils voient s’éteindre, un à un, les feux qu’ils ont allumés.
Les ministres, comme des architectes ivres, redessinent les plans d’une maison en flammes. Ils parlent de réformes, mais leurs mots sont des châteaux de sable emportés par la marée. Pendant ce temps, leurs propres rejetons étudient sous des cieux plus cléments, dans des écoles dorées où l’on n’enseigne pas la résignation.
Et les élèves ? Ils errent dans des salles trop pleines, comme des graines semées sur du béton. Qui les arrosera ? Qui les verra grandir ?
Si, comme le disait Rousseau, « l’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt », alors que dire d’une société qui corrompt délibérément son propre système éducatif ?
L’enseignant est un Sisyphe contemporain : il pousse le rocher du savoir en haut de la colline, mais chaque matin, il le retrouve en bas, plus lourd qu’avant. L’État, en le privant de moyens, en le noyant sous des réformes stériles, commet un crime contre l’intelligence collective.
Comment une nation peut-elle prétendre à la grandeur si elle traite ceux qui forgent son avenir comme des fantômes ? Comment peut-on invoquer le progrès tout en sabotant l’unique outil qui le rend possible ?
C’est là le grand mensonge : croire que l’on peut bâtir un pays sur les ruines de son école.
À Djibouti, comme ailleurs, l’école est un miroir grossissant des inégalités sociales.
D’un côté, une élite politique qui, tel un cercle fermé, se protège derrière les murs dorés du privé ou de l’expatriation scolaire. De l’autre, une majorité condamnée à une école publique exsangue, où l’on apprend moins à penser qu’à survivre.
Cette fracture n’est pas un accident, mais le résultat d’un système qui considère l’éducation non comme un droit, mais comme un privilège. Les enseignants, réduits au rôle de gardiens d’une misère intellectuelle, deviennent malgré eux les complices d’une reproduction sociale mortifère.
Et pendant ce temps, les discours officiels continuent de psalmodier : « L’éducation, priorité nationale. » Un mantra vide, répété pour endormir les consciences.
Ministre de l’Éducation (lisant son discours) :
« Chers enseignants, nous vous comprenons. C’est pourquoi nous lançons une nouvelle réforme révolutionnaire : désormais, les craies seront… biodégradables ! »
Enseignant (épuisé) :
« Super. Et pour les salles de classe ? »
Ministre (souriant) :
« Nous y travaillons ! En attendant, vous pouvez partager la cour avec les chèvres. C’est… pédagogique ! »
Élève (levant la main) :
« Monsieur, pourquoi le ministre envoie ses enfants en France ? »
Enseignant (soupirant) :
« Parce que là-bas, ils ont encore… des écoles. »
Non, ce n’est pas une fatalité.
C’est une trahison.
Une trahison envers ces enfants qui méritent mieux que des salles surpeuplées et des professeurs épuisés.
Une trahison envers ces enseignants qui, malgré tout, continuent de croire en leur mission.
Mais les mots ne suffisent plus.
Il faut des actes.
Des grèves ? Peut-être.
Des manifestations ? Sans doute.
Mais surtout, une prise de conscience collective :
L’école n’est pas une variable d’ajustement.
C’est le souffle même d’une nation.
Alors, jusqu’à quand fermerons-nous les yeux ?
Mohamed Qayaad