Aucun homme n’a assez de mémoire pour réussir dans le mensonge
Abraham Lincoln
POURQUOI L’ÉLU DE 2017 EST-IL UN STAGIAIRE
Pourquoi aborder ce livre sous l’angle du stagiaire ? Qui plus est d’un stagiaire à l’Élysée, ce lieu de pouvoir, de compétences acquises après labeur, au fil des années ? Au-delà de l’évidence, il convient d’ad- mettre que certains lecteurs jugeront cette approche irrévérencieuse, non respectueuse, polémique, racoleuse ou autre. Ils pourront y voir une opération de marketing ou de communication. Et pourtant ! La réalité est là, sous nos yeux, chaque jour, depuis bientôt cinq années.
Au regard des ambitions proclamées par le candidat Macron, de ses propositions, injonctions, prières faites aux Français dans son livre programme intitulé - excusez du peu - Révolution, de sa réussite électorale et de sa pratique du pouvoir tout au long de son quinquennat, l’analyse conduit à porter un diagnostic sévère : le Xe président de la Ve République fait l’apprentissage d’un pouvoir dont il a rêvé et convaincu, en 2017, une majorité de votants. Il apprend laborieusement à gouverner la France et effectue un stage longue durée qui prendra fin le 24 avril 2022. À l’issue de cette période de cinq années, nous saurons ou du moins nous pourrons mesurer si le peuple français le juge apte à le conduire vers l’avenir auquel il aspire.
Le stage existe depuis la nuit des temps. Il se concrétise, dans le meilleur des cas, par un emploi stable et durable. Le roi Salomon1 en son temps organisait des stages pour ses généraux et ses troupes avant de les envoyer au combat. Saint- Simon rappelle que le chanoine devait faire résidence dans son église pendant six mois avant de jouir des honneurs et des revenus attachés à la prébende. Les avocats, aujourd’hui encore, sont tenus de fréquenter un certain temps le barreau avant de pouvoir être inscrit au tableau.
Le stage est une période transitoire de formation et de probation en vue de l’exercice d’une fonction, écrivait Louis Sébastien Mercier2. De nombreuses professions, tentent, encore d’inscrire cette période dans les parcours. Si elle est pratiquée avec conscience et dans un esprit d’apprentissage, si elle est encadrée, formatrice et si elle ne se substitue pas à un simple emploi - ce que choisissent de nombreux employeurs privés et publics - elle est promesse d’avenir.
Ce que revendiquent souvent les jeunes diplômés qui estiment, par- chemin en poche, savoir et mieux le, savoir-faire. Les plus anciens savent combien ils ont pris de « gamelles » avant d’arriver à maturité. Ils savent également ce que les calculs à court terme coûtent à eux- mêmes et aux employeurs pressés de rentabiliser l’investissement hu- main. Ceux qui tournent les yeux à l’Est constateront que la tradition japonaise impose qu’un « surdiplômé », même un héritier commence au bas de l’échelle, apprenne marche après marche, la fonction à la- quelle il est destiné. En France, quelques parents ont fait suivre cette voie à leur progéniture. Je désire citer ici Antoine Riboud que j’ai bien connu et qui a su guider son fils Franck vers le sommet.
Quel rapport avec la politique ? Quel rapport avec l’accession à la présidence de la République et l’exercice du pouvoir ?
Cela peut paraître trivial, mais, n’en déplaît, la politique n’est pas un don du ciel. La politique est un métier qui s’apprend un peu dans l’histoire de France et les livres, un peu à Sciences Po, dans les grandes écoles, à l’ENA qui a été créée pour former, formater les grands commis de l’État. Pour l’essentiel et à l’opposé du discours du Nouveau Monde qui ne date pas de 2017, la politique s’apprend sur le terrain, au contact quotidien du citoyen, de ses préoccupations, de ses problèmes, de ses espérances. Pourquoi serait-il ridicule de commencer à la case départ comme conseiller municipal, départemental ou régional, d’exercer la fonction d’adjoint, de président de commissions, de se frotter à la réalité de la fonction de maire, de président de l’assemblée départementale ou régionale, de se faire élire député et de résoudre au quotidien les maux de ses concitoyens pour pouvoir, en connaissance, discuter, amender, voter les lois de la République et enfin si le savoir, l’écoute et le talent sont au rendez-vous solliciter la magistrature suprême ?
Les tenants du Nouveau Monde nous expliquent que la politique fa- brique du clientélisme, qu’un député est fait pour voter les lois que, pour l’essentiel, lui soumet l’exécutif. Ledit exécutif ne lui offre guère de marge et encore moins d’initiative. Les couacs à répétition de la majorité LREM en disent long sur l’ignorance de ce que vivent les Français et de ce à quoi ils aspirent. La méfiance du peuple ne vient pas d’autre chose. Le « macronisme » n’en est pas à l’origine, mais il a, persuadé que sa méthode était la bonne, amplifié le phénomène.
Oui, n’en déplaise aux technocrates de tous bords, la politique est une affaire de terrain. Elle nécessite de l’observation et non des fiches, elle nécessite une analyse personnelle bâtie, confrontée au réel et non des synthèses fournies par de soi-disant experts. Elle nécessite, de la réflexion, la confrontation sincère des idées, l’empathie, la remise en cause, la volonté à ne pas confondre avec l’autoritarisme, l’appétit du dialogue (le vrai), la patience de la négociation, le charisme et non la séduction, l’écoute, l’esprit de synthèse, une conviction qui vient du cœur et de l’esprit qui s’accordent avec les aspirations citoyennes.
Ceux qui pensent ou estiment qu’il suffit d’avoir des idées, des compétences sectorielles, un bagage intellectuel certain, une formation type Sciences Po, ENA ou autre se trompent d’horizon. Ils sont sur la route des castes.
Personne ne devrait oser prétendre - grâce à d’excellentes formations théoriques - pouvoir labourer avec compétence les champs des actions politiques sans y ajouter le sel de la pâte humaine. Que dire alors de ceux, qui sont de plus nombreux, journalistes inclus, qui ne raisonnent que par schémas, graphiques, courbes, analyses sondagières, tableaux Excel, moyenne nationale, européenne de ceci ou de cela, pourcentages de cela ou de ceci qui mettent la France et le monde en équation, les yeux rivés sur leurs ordinateurs et l’intelligence artificielle à laquelle ils ont confié leurs savoirs, leurs compétences pour se faciliter l’existence, tentant de faire croire qu’ils donnent du sens à des documents qu’ils ne prennent pas le temps de lire et qui s’éloignent de la réalité quotidienne de leurs concitoyens.
Un jour, Jacques Chirac alors Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing, en visite à Grenoble - il avait effectué son stage de l’ENA à la préfecture - était revenu quelques instants sur ce passé avec sa verve naturelle et habituelle :
Si vous saviez ce que je me suis emmerdé pendant ces six mois, le nez dans les fiches et les paperasses… Heureusement que j’allais boire une bière dans les bistrots de la ville - personne ne me connaissait - là j’ai un peu connu la ville et ses habitants.
Ce n’est pas pour rien que le monde associatif révèle parfois des citoyens qui éprouvent le besoin de s’engager en politique.
Ce n’est pas pour rien que dans l’Ancien Monde, à de rares exceptions, des Françaises et des Français commencent à apprendre le « métier » au contact de leurs concitoyens.
Ce n’est pas pour rien que nombre d’attachés parlementaires qui ont décortiqué, traité, résolu ou buté sur les problèmes posés à leurs élus ont franchi le pas et se sont soumis, à leur tour, au suffrage universel. Le Nouveau Monde considère cette démarche comme indécente et la condamne… Résultat, cinq ans plus tard, le parti du président, LREM, se cherche encore.
Ce n’est pas pour rien que les présidents de la Ve République ont labouré, ni plus ni moins que leurs prédécesseurs qui n’avaient pas les mêmes prérogatives, les champs de bataille ou autres de France avant de se faire élire. Ils n’ont jamais fait l’unanimité. La France les a contestés. Elle s’est moquée d’eux. Elle les a respectés pour la considération qu’ils avaient de ses compatriotes. Avec toute la condescendance que cela pouvait parfois paraître, le président Giscard d’Estaing dînait chez ses concitoyens. Cela faisait sourire, mais cela était.
Philippe Labro dans son dernier livre3 évoque le président François Mitterrand et nous rappelle :
Il avait tout pour devenir « Dieu ». Quand on pense qu’on a osé l’appeler « Dieu » ! C’est-à-dire qu’il avait la culture, la stratégie, la réflexion, le cynisme, l’expérience […] Dans les jardins de l’Élysée […], il entame une description lyrique et détaillée de la richesse des régions de France, il est éblouissant. Il semble tout connaître de notre pays, les moindres villages, les moindres ressources.
Quant à Jacques Chirac lorsqu’il entrait en communion avec ses concitoyens, chacun avait le sentiment de le connaître, de compter pour lui, de devenir un « ami ». Comme d’autres, il a été agressé, on lui a même tiré dessus. Un jour qu’il est apostrophé par un individu qui lui crie « connard » il répond tout sourire en lui tendant la main : « Enchanté, moi c’est Chirac ! ». On est loin des saillies du dernier président de la République.
Emmanuel Macron, élu en 2017 a quasiment achevé son quinquennat. Il a comme le répètent ses laudateurs « la tête bien faite », il est "intelligent ". Certes, il n’est pas normalien comme Georges Pompidou, mais il est énarque comme François Hollande, Jacques Chirac ou Valéry Giscard d’Estaing. Il a été inspecteur des Finances, banquier d’affaires4, secrétaire général adjoint à l’Élysée, ministre de l’Économie.
Il a le prêche facile, des certitudes chevillées au corps, le culte de la réforme. Il ne suffit pas d’être né en province et de quitter celle-ci au plus vite, d’intégrer la caste du pouvoir pour connaître la vie des Français. Emmanuel Macron est donc depuis ce 7 mai 2017, en formation, en phase de découverte, d’apprentissage de la fonction comme nous allons le constater ici.
Un jour, Michel Poniatowski, fidèle parmi les fidèles de VGE, le fit rencontrer à son grand-père. Celui-ci lui dit :
Ton ami doit faire attention. L’intelligence est presque inutile à celui qui ne possède qu’elle5.
- note 1: Le roi Salomon a régné de 970 à 931 avant J-C
- note 2: Historien oublié et discret qui décrit la sociologie du territoire, auteur des 12 tomes « Le Tableau de Paris » (tome vi - page 3 - 1783).
- note 3 :"J'irai nager dans plus de rivières" (page 170) - Éditions Gallimard
- note 4 : Georges Pompidou a travaillé pendant dix ans pour les frères Rothschild comme administrateur de plusieurs sociétés. Il avait en revanche refusé le poste de ministre des Finances que de Gaulle lui
- note 5 : Philippe Labro dans « J’irai nager dans plus de rivières » (page 95) - Éditions Gallimard
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