Le 15 mai, Benoît XVI a adressé à François Hollande la lettre suivante :
« À l’occasion de votre investiture comme Président de la République française, je suis heureux de vous adresser mes vœux cordiaux pour l’exercice de vos hautes fonctions au service de tous vos compatriotes. Je demande à Dieu de vous assister pour que, dans le respect de ses nobles traditions morales et spirituelles, votre pays poursuive avec courage ses efforts en vue de l’édification d’une société toujours plus juste et fraternelle, ouverte sur le monde et solidaire des nations les plus pauvres. Puisse la France, au sein de l’Europe et de la communauté internationale, demeurer un facteur de paix et de solidarité active, dans la recherche du bien commun, du respect de la vie ainsi que de la dignité de chaque personne et de tous les peuples. Sur votre personne et sur tous les habitants de la France j’invoque de grand cœur l’abondance des Bénédictions divines. »
Voici ce que ne manquera pas de répondre le destinataire :
Je vous remercie de votre message du 15 mai. Pour éviter toute ambiguïté dans les relations qui vont s’établir entre nous, je dois cependant attitrer votre attention sur un point : son contenu ne me semble pas totalement compatible avec à la laïcité inscrite dans notre Constitution et dont j’ai donné mon interprétation le 16 avril dernier dans une lettre au Comité national d’action laïque.
Dans votre souci d’une société toujours plus juste et fraternelle, ouverte sur le monde et solidaire des nations les plus pauvres, attentive à la dignité de chaque personne et à la recherche de la paix, je retrouve les « valeurs communes » dont je parlais. Mais je retenais également le « respect mutuel des convictions de chacun » ; or vous vous adressez à moi comme si, ès-qualité, je devais admettre, et tous mes compatriotes avec moi, que Dieu existe et que vous êtes son mandataire légitime.
J’ajoutais que la laïcité doit concilier la recherche de l’intérêt général avec l’émancipation de tous. Or celle-ci me paraît exclue, ou du moins limitée, par votre conception du « bien commun ». Si je me réfère à vos déclarations antérieures et à celles de l’épiscopat français, le « respect de la vie » tel que vous le comprenez (« de la conception à la fin naturelle ») est en effet incompatible d’un côté avec les destructions d’embryons, « in vivo » ou « in utero », autorisées sous condition dans notre pays, de l’autre avec la modification que j’ai annoncée de la loi sur la fin de vie. À l’ONU, le 18 avril 2008, vous avez même fait savoir que tous les États membres doivent conformer leur législation à une exigence censée inscrite par le Créateur dans la conscience de chacun et dans la nature. Sur ces sujets les citoyens français et leurs élus entendent conserver leur autonomie.