En annonçant qu’il allait introduire dans la Constitution la loi de 1905, « qui sépare les Églises de l’État », F. Hollande a voulu satisfaire les défenseurs de la laïcité ; il a pu aussi en étonner certains.
De nombreuses dispositions (sur la propriété des lieux de culte, des biens ecclésiastiques ou les pensions de retraite des « ministres du culte), n’avaient d’intérêt que lors de la promulgation de la loi. D’autres, par exemple la prise en compte des dépenses relatives aux aumôneries « dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prison », énoncent une mise en œuvre qui relève du législateur et n’a pas à être déclarée intangible.
Le principe auquel cette mesure renvoie explicitement, la liberté de culte, modalité de la liberté de conscience, est bien en revanche fondamental. Mais il a déjà valeur constitutionnelle puisque l’article 10 de la Convention européenne de 1950, ratifiée par la France en 1974, stipule, en des termes plus explicites que le législateur français : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques ou l’accomplissement des rites. »
En faisant passer les Églises du droit public au droit privé, la séparation, dans laquelle F. Hollande voit l’essentiel de la loi, n’est elle-même que la condition d’une égale liberté entre les citoyens quelles que soient leur religion ou leurs convictions. Plutôt que de la sacraliser, il ferait mieux d’annoncer comment il l’appliquera. Maintiendra-t-il l’usage annuel introduit par Lionel Jospin en 2002 de recevoir une délégation de l’épiscopat français conduite par l’ambassadeur du pape, reconnaissant ainsi que les catholiques, et eux seuls, sont représentés accessoirement par une association (la Conférence épiscopale) mais principalement par un État ? Assistera-t-il ès-qualité à des offices catholiques dans un fauteuil situé entre l’autel et l’assistance ; si oui, se croira-t-il obligé, comme d'autres avant lui, de marmonner des prières et de bâcler des signes de croix, manquant au respect des croyances en même temps qu'à la neutralité de l'État ? Va-t-il proposer au Parlement d’étendre la loi à l’Alsace-Moselle, revenant ainsi sur la promesse « solennelle » faite à Strasbourg le 23 novembre 1997 par Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de Lionel Jospin ? Ce même Chevènement, soit dit en passant, qui le 29 août 2000 devait démissionner du gouvernement Jospin, avec les conséquences que l’on sait, pour protester contre un projet de statut spécifique à la Corse : la loi devait être la même sur tout le territoire de la République.