Marc Daniel LEVY

Abonné·e de Mediapart

496 Billets

2 Éditions

Billet de blog 6 juillet 2023

Marc Daniel LEVY

Abonné·e de Mediapart

Quelle est la violence première qui s'exerce en France depuis une semaine ?

"Arguments Pour la Lutte Sociale", Éditorial du 5 Juillet.

Marc Daniel LEVY

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

EDITORIAL, FRANCE

La réponse à cette question est une ligne de fracture. Il faut choisir.

Ou bien la violence première est celle d’une jeunesse mal élevée, en mal de « fessées » et de « paires de claques » ainsi que d’ « oreilles tirées » (sic : tous ces termes viennent réellement des grands médias, et à profusion), une jeunesse dont les uns susurrent et les autres disent tout haut qu’elle est « étrangère », un terme dont le sens est, de manière ouverte ou masquée, racial et culturel : ils pillent, ils attaquent les écoles et les mairies, il faut les mettre au pas.

Ou bien la violence première est celle de l’appareil d’État et de l’ordre social en place. Or il se trouve que c’est un assassinat policier avéré et diffusé qui est la cause immédiate des récents affrontements. Il se trouve qu’outre Nahel, il y avait eu le jeune Alhoussein, assassiné à Angoulême le 14 juin. Il se trouve que l’IGPN, cet organe spécial juge et partie, vient d’être contraint à ouvrir une nouvelle enquête pour la mort par flash-ball d’un homme qui passait en scooter (et ne participait d’ailleurs à aucun affrontement) à Marseille. Il se trouve que la mort d’un homme en Guyane a été d’office attribuée à une « balle perdue » venant des « émeutiers ». Tous ces faits et sans doute d’autres encore devraient faire l’objet d’enquêtes indépendantes. Combien de morts en tout ?

Et il n’y a pas que les morts. Une nouvelle vidéo circule : ce sont des gamins, qui avaient entrepris de piller un magasin d’alimentation, qui, sans opposer la moindre résistance, se font bastonner, piétiner, massacrer, par des groupes spéciaux d’hommes armés.

Mais parlons aussi de l’institution dite judiciaire. En vrac et parmi bien d’autres jugements qui sont tombés en direct – le jugement du policier assassin initial n’a, lui, pas commencé, laissant le temps aux partisans de « la loi et l’ordre » de récolter une cagnotte de 1,7 millions d’euros pour le féliciter de son meurtre et encourager ses collègues à faire de même – : vol d’un fromage et de lunettes au Monoprix, un an ferme ; vol de deux pantalons : dix mois fermes ; ramassage de pantalons traînant par terre devant le magasin pillé, une heure après le pillage : un an ferme (le condamné, c’est-à-dire la victime, a 58 ans) ; un jeune chauffeur de poids lourds prend un an pour avoir frappé un policier au visage bien que le certificat médical de ce dernier n’indique aucune blessure et que le condamné, c’est-à-dire la victime, a, lui, les doigts et la mâchoire brisés. Etc., etc.

Alors, oui, brûler une école, c’est erroné, contre-productif et destructeur. Mais la cause de l’erreur et de la destruction s’arrêterait à l’état d’énervement d’un groupe de jeunes ?

Et bien des pillages de magasins sont en réalité des pillages alimentaires. Fait terrible et passé sous silence par la meute qui hurle à la paire de claques …

Il faut choisir et les partisans de la démocratie et de l’émancipation choisiront la jeunesse prolétarienne. Cette jeunesse n’est pas délinquante, elle est exposée à la délinquance, nuance. Et le fait de ne pas avoir d’emplois et de n’avoir que des petits boulots précaires ne la retranche pas du prolétariat, des exploités et des opprimés, tout au contraire. Choisir la jeunesse prolétarienne, c’est aussi choisir les habitants qui s’organisent, les mamans en tête, de Champigny à Poitiers, pour faire cesser la destruction, violence policière incluse.

Soyons bien précis : en choisissant notre camp social, en prenant parti, non pour tel ou tel pillage, mais pour cette jeunesse et pour cette population, nous nous situons du même coup et très clairement dans le camp de la sécurité des citoyens, dans le camp du droit à la sûreté, et donc dans le camp de la République, la vraie, la fille de la Commune, pas la V°.

Le désordre et l’insécurité, l’appel à la violence et les appels implicites et, de plus en plus, explicites, aux meurtres, sont le fait des « syndicats » de policiers et des forces politiques macroniennes, LR et RN.

Depuis Sainte-Soline, des groupes ouvertement nazis, peu nombreux, sont apparus dans différentes occasions d’affrontements, et plus fréquemment ces derniers jours. A Chambéry ou Angers, ils ont brandi des gourdins, protégés par les forces dites de l’ordre.

Ne nous méprenons pas : il n’y a pas de vague fasciste majoritaire en France. S’ils se radicalisent, de Darmanin au petit nazillon, c’est qu’ils ont peur car ils savent, eux, qu’ils sont minoritaires.

Observons maintenant l’orientation politique prise par les discours gouvernementaux, LR et RN. « Ultra-gauche », « trotskystes » et « Mélenchon » sont amalgamés en un gloubi-boulga informe comme étant ceux qui attisent « la violence ».

C’est avoir bien peu de reconnaissance envers ceux qui les protègent, mais ce n’est pas surprenant ! Pinochet avait bien été nommé commandant en chef de l’armée par Allende !

Quand J.L. Mélenchon déclare à qui exige de lui un « appel au calme » qu’il appelle à « la justice », qui seule assure le calme, il a raison. Ceux qui veulent interdire qu’on parle de justice, interdire qu’on dise que la police tue, interdire la vérité, sont les partisans du désordre, de la violence et du meurtre.

Mais J.L. Mélenchon au-delà du mot « justice », demande au gouvernement de procéder à des réformes : abrogation de loi de 2017, nouvelle « doctrine du maintien de l’ordre », et l’antienne rebattue du retour à une assez légendaire « police de proximité » supposée avoir un jour joué au foot et regardé des vidéos avec Gavroche et Cosette …

Pour ne rien dire de Ruffin qui semble avoir découvert que se positionner « intelligemment » pour … 2027, consiste à pondre une déclaration contenant pas moins de 5 fois la formule magique « réconciliation nationale » !!!

Ce qu’il faudrait, c’est la mobilisation en défense de la jeunesse, la mobilisation pour affronter Macron, Darmanin et leur régime, affrontement qui a commencé, qui est là, des manifestations pour les retraites à l’explosion de la jeunesse pauvre et victime du racisme, en passant par Sainte-Soline. Cet affrontement, dont l’enjeu est de stopper Macron et Darmanin maintenant et pas en 2027, c’est à dire , ici et maintenant, mais aucune direction politique ou syndicale, de gauche (« radicale » ou non) ne le dit et n’appelle à l’unir pour gagner !

C’est de cet enjeu immédiat qu’il faut discuter sérieusement – et pas blablater sur l’anticapitalisme et « les luttes » en général.

Cela dit, encore une fois, soyons clairs : nous avons exprimé les plus graves divergences et les plus nettes caractérisations sur la « France insoumise », mais si une campagne de la pire réaction vise à son interdiction, nous serons et nous appelons à être aux premiers rangs pour affronter ce pouvoir en défense de la liberté politique, de la liberté de tous.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.