Car c'est un vrai déluge en ce Noël sur les réseaux sociaux, de véritables "images pieuses" où les mères palestiniennes et leurs enfants sous les bombes sont représentées sous la figure de la Vierge et du Seigneur à naître ou déjà né.. et ENCORE UNE FOIS mis à mort ou sur le point de l'être par "l'ennemi héréditaire " de Dieu, "la comète" annonciatrice au-dessus des rois mages s'avançant vers un Check-point ou "le Mur", représentée parfois par "l'Étoile de David" prolongée par un missile plongeant vers la terre..
Qu'est-ce qui se trame depuis des semaines dans cette convocation apparemment miséricordieuse, où bien sûr le décor de la Palestine imaginaire ou iconographique précipite sans doute naturellement chez beaucoup l'association thématique de "l'Histoire Sainte" et du calvaire du peuple fuyant parfois à dos d'ânes (mères enveloppées dans un grand voile, à-demi effondrées sur les pauvres échines et protégeant comme elles peuvent leurs petits enfants dans leurs bras) ? La profusion de posts de cette sorte culmine évidemment depuis deux-trois jours, mais qui ne l'a vue se lever depuis le début de la réplique israélienne aux massacres du 7 Octobre en Israël?
Il y a bien sûr la propagande de guerre alimentant probablement sous le manteau cette vague, mais son succès, à tout le moins, doit faire réfléchir un peu au-delà de cette explication vraisemblable mais superficielle : et si, justement, ce (divin) ressort de la propagande ne cherchait et trouvait sa puissance que dans l'association effective largement inconsciente des deux "situations".. dans des opinions occidentales encore profondément imprégnées par le christianisme et son long "enseignement du mépris" * pour " Le peuple déicide" ?
"Mythème" naturellement chauffé à blanc par la superposition géographique et si l'on veut celle des "acteurs" (même si ici largement un fantasme -mais précisément !) et peut-être particulièrement prompt au frayage dans une partie de la gauche légitimement identifiée dans la longue durée historique ou portée à le faire avec tous "les damnés de la terre ": figure dont d'autres ont depuis longtemps relevé les affinités avec le martyr christique.
Toujours est-il que pour moi et d'autres sans doute, CELA COMMENCE À BIEN FAIRE ...
Surtout si l'on articule cette "fusion" mythographique avec un vraisemblable désir de libération d'un sentiment de culpabilité collective, même non forcément justifiée, pour la persécution millénaire des juifs et en particulier pour son dernier épisode épouvantable dans l'Europe du XXème siècle : si les juifs israéliens se comportent comme.. tout le monde dans la guerre et s'ils pouvaient même commettre le pire, alors les compteurs se remettraient peut-être à zéro ?
Rappelons ici pour finir un propos de Vladimir Jankélévitch ironisant un jour sur un complexe de sentiments inavoués de cet ordre: "Et si les juifs étaient eux-même des nazis ? ce serait merveilleux ."
* Cf. " L'enseignement du mépris - l'antisémitisme a-t-il des racines chrétiennes", l'ouvrage "de rupture" devenu classique de l'historien français Jules Isaac.