Poème du temps qui ne passe pas
(d’une année l’autre, et vice-versa)
On n’en finissait pas de vivre cette année
Sans fin, comme la mer qu’on traverse en apnée.
La parole s’essouffle et notre verbe est lent,
Le poème lui-même est lassé du vers blanc.
C’est la même chanson toujours le même disque
On a faim d’une parole vraie, tandis que
Chaque jour on nous vend une auto d’occasion
Qui rend son âme à la première révision.
La médecine est un refrain connu de tous :
Celui qui geint, celui qui sue, celui qui tousse.
Celui qui vit tente de fuir celui qui meurt.
On joue avec les mots, on rit de sa tumeur.
On voudrait bien tuer le temps s’il existait,
Mais ce n’est rien qu’un mot qu’à la bouche l’on tait.
Ce linceul de silence est à l’humanité
Ce qu’à la poésie parfois sont les poètes :
Escamotant le sens comme des pickpockets
Ils se gorgent de mots chargés d’inanités.
La médecine est un refrain connu de tous :
Celui qui geint, celui qui sue, celui qui tousse.
Chacun chasse la nuit avec les chiens du jour,
Mais son ombre demeure à chaque carrefour.
On nettoie son jardin de toutes ses limaces,
On court vers l’horizon et toutes ses grimaces.
On apprend avant tout de ce que l’on ignore :
On apprend du malheur, on apprend des contraintes,
On puise une vigueur de ce qui nous éreinte,
On se nourrit aussi de ce qui nous dévore.
La médecine est un refrain connu de tous :
Celui qui geint, celui qui sue, celui qui tousse.
On en finira bien de vivre cette année
Sans fin, comme la mer traversée en apnée.
Que vivent la parole et le verbe insolents,
Qu’au poème le vers redonne son allant.
Fécamp, 28 décembre 2020 – 06 janvier 2021
Marc Delouze