Des poètes et des abattoirs
Ce qui se passe à Gaza est une abomination. Chaque nuit (d’insomniaque) je tente d’imaginer les scènes de détresse. Je suis catastrophé de voir, pour la première fois, mes amis poètes palestiniens devenus des « sans voix », quand ce n’est pas sans vie, pétrifiés devant l’incontrôlable.
La mort écrase tout un peuple.
Je ne peux pour autant oublier les atrocités commises dans les kibboutz (pour la plupart peuplés de soutiens aux Palestiniens) dignes des nazis de Treblinka. Je n’entends plus la voix de mes amis poètes israéliens : ont-ils peur d’exposer leurs silences ?
La mort dévore tout un pays.
Les horreurs du 7 octobre ne sont pas la cause de l’écrasement sous les bombes du peuple gazaoui, mais le prétexte à l’accomplissement d’une politique d’annexion par un gouvernement fascisant.
La politique calamiteuse d’Israël n’est pas la cause du massacre du 7 octobre, mais le prétexte à une tentative d’extermination « locale » de juifs par une organisation fasciste.
Il ne s’agit pas, à mon sens alarmé, de choisir entre ces 2 fascismes.
Cette émotion qui submerge tout (et toutes et tous) il faut tenter de la replacer sur le terrain de la politique. D’où elle n’aurait jamais dû s’échapper ! Même si, pour l’heure, ça semble impossible.
Le discours défendant une paix politique devra attendre… combien de morts encore ?
C’est le seul que je me sens le droit – et la conscience - de tenir. Loin de l’abominable « théâtre des opérations », toute attitude consistant à surenchérir en paroles, dans le confort d’un pays en paix (provisoire ?) sur la violence des faits relève, à mon sens, d’une pitoyable et obscène posture.
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Dès le 8 octobre 2023, j’écrivais ce poème
Atterré
La mer rouge de la foule s’ouvre et s’écarte.
Il erre parmi les ruines cherchant les siens.
Quand il les trouve, il s’agenouille, il ne dit rien.
Les corps hurlent pour lui sous le dais des pancartes.
On crache sur la terre, on viole les maisons.
L’un tue depuis le ciel, l’autre avec ses deux mains.
Qui a tué hier sera tué demain.
Chacun a ses raisons - personne n’a raison.
Des mains désespérées fouillent dans la poussière.
Chacun creuse sa terre et, cherchant ses racines,
Croyant trouver de l’or, tombe sur une mine.
La terre n’appartient qu’à celui qu’on enterre.
Dans le regard brûlé il n’y a plus de larmes.
Quand la gorge est tranchée il n’y a plus de mots.
Pour qui sonne l’alarme il n’est jamais trop tôt.
Il est toujours trop tard pour arrêter les armes.